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TSMC neutre en carbone en 2050 : pourquoi le géant des processeurs semble si peu ambitieux

Outre le fait que convertir une industrie lourde est bien plus long et complexe que de convertir des usines d’assemblage ou des sites de développement logiciel, TSMC doit composer avec les contraintes de la stratégie énergétique de son gouvernement. 

Le champion incontesté de la production de semi-conducteurs a annoncé son plan de neutralité carbone. Le taïwanais TSMC, qui produit des puces aussi bien pour les PC, ou les consoles que pour les smartphones, a annoncé son plan de réduction à zéro de ses émissions de CO² d’ici… 2050. 

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Par rapport à Google (2030), Apple (2030), Amazon (2040), Microsoft (2030 et compensation des décennies passées), etc. le plan de TSMC paraît peu ambitieux. Et assez incertain puisqu’il s’agit d’un engagement à 29 ans pour une entreprise qui n’a que 35 ans.

Pointons déjà ici que les limites de TSMC touchent toute la chaîne mondiale de produits électroniques. Ainsi, pour qu’Apple puisse réellement annoncer être neutre en carbone en 2030, il faudra que l’entreprise tienne compte des limites de TSMC et compense ce que son fournisseur taïwanais ne peut pas réaliser.

Ensuite, TSMC produit du « lourd » et pas des logiciels ou des produits assemblés. Pour faire un processeur, il faut des matières premières comme la silice ultra pure, des produits chimiques et des quantités énormes d’énergie. Transformer des usines, notamment les plus anciennes, autant du point de vue de la chimie que de l’approvisionnement énergétique est une autre paire de manches qu’installer des panneaux solaires dans l’état très chaud de Californie pour faire tourner des PC et la machine à café. Mais l’une des plus grandes limites de TSMC, c’est que l’entreprise est très dépendante des choix de son gouvernement.

TSMC, le joyau d’une île menacée par la Chine

TSMC est une entreprise taïwanaise. Et cela compte énormément pour la stratégie de l’entreprise. Joyau technologique de l’île, TSMC est la pierre angulaire du « bouclier de semi-conducteurs » (silicon shield) de Taïwan. Une stratégie de défense qui vise à satisfaire les Etats-Unis (notamment) en composants électroniques de pointe, afin d’être (quasiment) sûrs de les voir s’engager au côté de Taïwan en cas d’attaque militaire de la part de la Chine.

Territoire refuge des loyalistes de Tchang Kaï-chek à la suite de la défaite du Kuomintang face aux forces communistes de Mao en 1949, Taïwan est de fait un état indépendant depuis cette date. Mais sa souveraineté est contestée par la Chine qui y voit une extension naturelle de son territoire – alors qu’aucun empereur n’y a jamais régné.

Lire aussi :  L’usine de gravure en 3 nm  de TSMC sera opérationnelle au second semestre 2022 

Face à des tensions économiques (blocages d’exportations agricoles comme lors de la « crise des ananas ») et militaire qui ne cesse de monter depuis l’arrivée du président Xi en 2013 (Xi Jinping qualifie le « retour » de l’île dans le giron chinois « inévitable » et n’exclut pas le recours à la force) le gouvernement de la petite République de Chine (ROC, le nom officiel de Taïwan) fait tout pour que les usines de pointe restent sur l’île.
En espérant que les répercussions d’une attaque chinoise, qui stopperait purement et simplement les approvisionnements de champions états-uniens comme Apple, AMD, Qualcomm ou Intel, forcera le gouvernement américain à agir avec force.

Une théorie de plus en plus viable quand on analyse la crise actuelle des sous-marins français et la constitution de l’alliance Aukus (Australie, Royaume Uni et Etats-Unis) dans la région pacifique.

Taïwan tourne le dos au nucléaire

Wikimedia – Centrale nucléaire de Ma’anshan

TSMC construit peut-être quelques usines hors de l’île, mais en tant que pièce maîtresse de son gouvernement, l’essentiel de forces de TSMC reste à Taïwan. Un état de fait qui limite sans nul doute les ambitions de l’entreprise en matière de compensation carbone. Car le gouvernement de Mme Tsai, présidente de Taïwan depuis 2016, affiche un plan de sortie du nucléaire à l’horizon 2025.

Avec seulement trois réacteurs nucléaires du début des années 80 en opération – les travaux sur deux réacteurs de nouvelle génération ont été annulés – qui ne produisent plus que 10% de l’électricité de l’île, Taïwan voit sa dépendance aux énergies fossiles exploser depuis le début des années 90.  En cause : le développement des industries de pointe et l’explosion de la qualité du niveau de vie de la population.

Wikimedia, Source EIA (U.S. Energy Information Administration) – Mix énergétique de Taïwan.

Consommant 4,8% de l’énergie totale de l’île – part qui devrait passer à 7,2% quand l’usine 3 nm sera opérationnelle ! – TSMC est donc en partie limité par les choix énergétiques de son gouvernement. Le gouvernement de Mme Tsai a toutefois conscience de sa dépendance aux énergies carbonées et multiplie les projets d’énergies renouvelables.
Ainsi, TSMC va acheter la totalité de l’énergie produite par une ferme éolienne en cours de construction dans le détroit de Taïwan. Mais le site ne sera opérationnel qu’en 2026 et les 920 MW (maximum théorique) de l’ensemble n’offrent ni la puissance ni la garantie énergétique (que prodigue le nucléaire) de pouvoir alimenter ne serait-ce que l’unique future usine en 3 nm.

A découvrir aussi en vidéo :

 

Il faudra donc que Taïwan multiplie les méga projets énergétiques renouvelables (mais est-ce réalisable ?) dans les trois prochaines décennies pour que TSMC arrive à tenir sa promesse de neutralité carbone. Mais au moins, autant Taïwan que TSMC sont volontaires sur le sujet. A titre de comparaison, le conglomérat coréen Samsung, qui vise aussi 2050 pour la neutralité carbone, voit ses émissions augmenter en 2020. Et continue de produire des centrales à charbon sur son territoire national...

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