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Test : Renault Mégane électrique, un quasi sans-faute, mais une énorme épine dans le pied

La Mégane réussit l’exploit d’être sans doute la voiture électrique la plus plaisante que nous ayons conduit ces derniers mois, mais pas nécessairement celle que nous recommanderions les yeux fermés. Comment un tel paradoxe est-il possible ? Il tient à un choix de conception, certainement pour des raisons économiques et que la voiture traîne aujourd’hui comme un boulet.. 

Renault est présent sur le marché des véhicules électriques depuis longtemps (2012), avec la Zoé, mais à ce jour, il ne dispose que de deux modèles en magasin : la Zoé, désormais dans sa seconde version, et une Twingo électrifiée à la hâte, mais qui s’en sort honorablement.
La Mégane arrive sur un marché électrique en pleine ébullition avec une énorme pression sur ces épaules. Celle d’inaugurer une nouvelle plate-forme électrique pour la marque, et celle d’incarner la nouvelle stratégie électrique qui doit voir le Losange abandonner les moteurs thermiques d’ici à 2030.
Pour couronner le tout, Renault ne s’est pas facilité la tâche en s’attaquant au segment C, certes porteur, mais très concurrentiel, et dans lequel il n’a pas brillé récemment.
En résumé, si l’on tient compte de tous ces éléments, il est assez aisé de comprendre à quel point cette Mégane électrique représente un enjeu majeur pour Renault. Pourtant le constructeur tricolore n’a pas hésité à prendre des risques pour ce modèle à part, à commencer par l’esthétique. 

Design : à la croisée des styles

Esthétiquement, la nouvelle Mégane (5e génération) est unique en son genre. Pas tout à fait un SUV, pas non plus une berline coupé, ni un Crossover, elle emprunte à tous les styles pour créer le sien. Le résultat est un mélange de plusieurs formats a priori inconciliables, mais qui assez incroyablement donne un résultat très agréable à l’œil malgré des proportions inédites. 

Le premier coup de génie de cette Mégane, c’est d’avoir su exploiter les avantages que lui offre la plate-forme CMF-EV, dès sa conception. Elle a la double particularité. La première, c’est d’être très légère, la Mégane pèse environ 200 kg de moins qu’une VW ID.3 dotée d’une batterie équivalente. La seconde, c’est de pouvoir y intégrer le pack batterie de plus fin du marché, et, ainsi, de pouvoir abaisser le centre de gravité. Ces deux spécificités ont bien sûr des conséquences sur le design, mais aussi sur les impressions de conduite, nous y reviendrons. 

Android débarque chez Renault

Non content d’avoir cassé les codes sur l’esthétique extérieure, la Mégane propose aussi quelque chose d’assez inédit pour Renault, à l’intérieur cette fois.
Le constructeur appelle ce nouvel environnement OpenR. Il s’articule autour de deux écrans, tous les deux de 12 pouces, l’un horizontal, pour l’instrumentation, l’autre vertical pour la partie média. Le second est nettement tourné vers le conducteur ce qui transforme le poste de pilotage en une sorte de cocon assez agréable à vivre.
La principale nouveauté ici, c’est la présence d’Android Automotive qui est à la manoeuvre pour toute la partie infodivertissement. Il ne faut toutefois pas le confondre avec Android Auto, qui est le prolongement des smartphones Android dans la voiture. Android Automotive est un OS dédié aux véhicules et qui équipera toutes les marques de l’Alliance (Renault, Nissan, Mitsubishi).
C’est l’intégration de l’écosystème Google en natif dans la voiture. Concrètement, l’utilisateur peut y renseigner son compte, comme sur un smartphone, pour accéder à l’ensemble des services de Mountain View, Maps bien sûr, mais aussi Assistant ou le Play Store. 

L’environnement est finalement très proche de celui que peut avoir un utilisateur de smartphone Android, avec une interface simple d’utilisation et une fluidité assez rare sur une interface de voiture.
Enfin, pour quiconque souhaiterait conserver ses habitudes, CarPlay et Android Auto sont évidemment compatibles, et en Bluetooth, s’il vous plaît !

Une nouvelle signature électrique en conduite

Allons droit au but. La Mégane est l’une des voitures électriques les plus plaisantes à conduire aujourd’hui. Il s’agit même de l’une des rares électriques dont la conduite est identifiable et donc unique. En effet, il est souvent reproché aux véhicules électriques d’offrir assez peu de variations dans le ressenti du conducteur et de ne baser le plaisir que sur une accélération fulgurante. Or, en Mégane, quelques minutes après avoir pris le volant et même après les phases d’accélération, le sourire colle aux lèvres. Toutes proportions gardées, notamment sur le niveau de performance, ce genre de sentiment sur un véhicule électrique nous ne l’avions ressenti qu’au volant de la Porsche Taycan et de l’Audi e-tron RS, des voitures trois fois plus chères et autrement plus complexes techniquement. 

Renault a fait un travail remarquable sur la plateforme CMF-EV et plus particulièrement en matière de châssis. Le toucher de conduite est impressionnant, porté autant par un réglage spécifique de la direction que par un facteur de démultiplication particulier de la rotation du volant.
Concrètement, il suffit à peine de tourner le volant pour embarquer la voiture dans une direction ou dans l’autre avec une souplesse assez étonnante. En découle une prise en main immédiate de la voiture et la sensation de l’emmener partout aisément, tel un kart.
Forte de ses 220 ch, et de ses 300 Nm de couple, la Mégane n’est pas en reste sur les phases d’accélération ou de reprise. En définitive, elle propose un cocktail très rare de dynamisme et de vélocité qui n’a pas d’équivalent à ce niveau de prix. 

Autonomie : pour le meilleur et pour le pire 

La partie autonomie est à la fois un point fort et la principale faiblesse de la Mégane électrique. Explications. 

Renault propose deux versions de sa Mégane. L’une dotée d’une « petite » batterie de 40 kWh, l’autre pourvue de la « grande » batterie de 60 kWh. Ce point technique est également le critère qui va le plus faire varier le prix de la voiture. Mais changer de batterie ne permet pas uniquement d’espérer une meilleure autonomie (passer de 300 km à 470 km), cela permet aussi de la recharger plus vite. Et c’est là que la stratégie de Renault est difficile à comprendre avec des bridages qui pénalisent l’utilisateur.

Dans sa version la plus accessible, à 35 200 euros, la recharge est limitée à 7 kW, moins que les 22 kW proposés par la Zoé par défaut. Autrement dit, ses utilisateurs seront cantonnés à une recharge à domicile, et privés de recharge rapide.
Une finition légèrement mieux dotée, à 37 200 euros ajoute une fonction de charge rapide… mais la limite à 85 kW ! Quant à la version de 60 kWh dont on pourrait espérer qu’elle rattrape l’erreur de ses petites soeurs, elle fait à peine mieux avec une recharge rapide limitée cette fois à… 135 kW.
En définitive, dans le meilleur des cas, la recharge de 20 à 80% de la batterie est réalisée en 30 mn. Cet aspect apparaît comme une énorme faiblesse de la Mégane par rapport à la concurrence et la met déjà en difficulté pour le futur.

Comment Renault justifie-t-il ce choix ? Le constructeur part du principe que 90% des recharges se font au domicile et que la recharge rapide est peu répandue.
Certes, mais pour une familiale du segment C, brider à ce point la recharge, la condamne à ne pas voyager ou pas très loin. Renault explique également que moins de 1% du parc de bornes installé actuellement délivre une puissance supérieure à 150 kW. Par conséquent, son offre collerait à la réalité du marché.
Une fois encore, certes, mais quid du futur ? Les bornes rapides se développent à vitesse grand V et la Mégane semble déjà être en retard sur ce point. L’écart avec la concurrence ne fera qu’augmenter au cours des années.
Enfin, le dernier argument du constructeur est sans doute celui qui s’entend le plus, mais aussi le plus difficile à vérifier. Renault explique avoir mis au point un système de mise en température de la batterie dès lors que celle-ci s’apprête à être rechargée. Dans les faits cela se traduirait par une charge plus constante et plus efficiente. Malheureusement, au cours d’un essai de 24 heures, nous n’avons pas été en mesure de vérifier cette affirmation, mais c’est une question qui demande à être creusée. 

Cette limitation sur la recharge est d’autant plus dommageable que la Mégane est un modèle d’efficience en matière de consommation. Alors qu’avec la plupart des modèles, nous peinons à atteindre les valeurs d’autonomie WLTP (il faut bénéficier de bonnes conditions météo, rouler uniquement en mode éco, ne pas trop charger la voiture, etc.), avec la Mégane il s’agit presque d’une constante.
La bonne aérodynamique de la voiture, son système de récupération au freinage (réglable en intensité via des palettes au volant) et son système de refroidissement liquide à l’huile permettent à la Mégane d’afficher une consommation parmi les plus basses du marché.
À titre d’exemple, en adoptant une conduite douce sur un itinéraire mêlant routes urbaines et moyenne montagne, notre consommation s’est élevée à 13,1 kWh/100 km. Avec une conduite nettement plus sportive, en ajoutant quelques portions d’autoroute et quelques passages par le mode sport, nous avons à peine dépassé les 18 kWh/100 km. À l’heure actuelle, ce niveau de consommation n’est proposé que chez Tesla, Mercedes et le groupe Hyundai/Kia.

Voilà le plus grand paradoxe de cette nouvelle Mégane électrique. Elle dispose d’une autonomie plus qu’honnête, du moins dans sa version 60 kW, mais souffre terriblement lorsqu’il s’agit de passer à la borne.
Ce manquement aurait sans doute pu être pardonné pour un nouvel acteur du marché de l’électrique. Lorsqu’on est présent sur ce terrain depuis 10 ans et qu’on se targue d’en avoir tiré une grande expérience, c’est tout simplement une faute.

Quel prix et quelle place face à la concurrence ?

Le souci de ne pas avoir clairement opté pour un format que ce soit SUV ou berline, c’est qu’on finit par être confrontés aux deux. De fait, la concurrence de la Mégane est pléthorique. Elle va de la Kia e-Niro au Hyundai Kona en passant bien sûr par la Tesla Model 3 et l’incontournable EV6. Nous parlons bien évidemment de la version 60 kW de Renault, celle dont nous avons pu profiter lors de notre essai.
Si en matière d’équipement et de plaisir de conduite, la Mégane tient la dragée haute à tout le monde ou presque, il n’en va évidemment pas de même sur l’autonomie et la recharge.
Concrètement, si elle est plus plaisante à conduire qu’une Ioniq 5 ou même qu’une Tesla Model 3, elle est non seulement moins spacieuse que la première et moins performante que la seconde, mais surtout, elle est moins bien dotée que les deux en matière de batterie. 
C’est là toute la difficulté pour la Mégane, malgré ses nombreuses qualités, son prix demeure élevé au regard de son autonomie et la met en concurrence avec des véhicules qui proposent une offre plus équilibrée. À peine moins chère qu’une Model 3 ou une EV6, elle souffre de la comparaison avec les deux. 

Pour convaincre les acheteurs, Renault veut miser sur des produits dits de « réassurance » censés compenser les faiblesses relatives de l’offre. Il s’agit, au choix d’une aide au financement de l’installation d’une wallbox à domicile, d’une carte de recharge crédité de 1 000 km ou de l’option Switch car qui, à condition de souscrire à un abonnement de 30 euros par mois, permet de bénéficier d’une voiture thermique équivalente ou supérieure pendant une durée de 20 jours par an.
Pour l’achat d’une nouvelle Mégane électrique, le nouveau propriétaire pourra bénéficier gratuitement de l’une de ces trois options. 

Verdict de l’essai

La Mégane électrique est une excellente surprise. Renault signe un retour marquant sur le segment C avec une électrique au caractère trempé. Réussie esthétiquement, bien dotée et proposant une interface moderne et épurée, elle s’offre même le luxe de procurer une plaisir de conduite assez rare en électrique.
Renault frise le sans-faute en ne faisant qu’une seule erreur. Mais celle ci est grossière et pourrait même être rédhibitoire pour certains acheteurs potentiels.
En effet, les limitations en matière de recharge de la Mégane nous semblent incompatibles avec les ambitions de la voiture mais aussi avec son prix. Sur la version d’entrée de gamme, elles pourraient s’entendre en considérant qu’il s’agit du second véhicule du foyer. Mais sur le modèle de 60 kW, vendu plus de 41 000 euros, tout de même, elles sont injustifiables. Le plaisir de conduite saura-t-il faire oublier la frustration de la capacité de recharge ? Seules les ventes le diront. 

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