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Téléphonie mobile : les pistes d’Arnaud Montebourg

Mardi 17 juillet, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, recevait les représentants des quatre opérateurs de téléphonie mobile. L’objectif : concilier sauvegarde de l’emploi et performances du secteur.

Depuis l’arrivée de Free Mobile, les trois opérateurs mobiles « historiques » (Orange, Bouygues Telecom et SFR) ne cessent de le pointer du doigt, le rendant responsable de tous les maux du secteur. La dernière arme dégainée est l’emploi : Free serait responsable des plans de licenciements programmés par Bouygues Telecom et SFR. Une manœuvre savamment exécutée pour interpeller directement Arnaud Montebourg et son jeune ministère du Redressement productif. Le ministre s’est donc emparé de cet épineux dossier. La semaine dernière, il recevait les syndicats du secteur et hier, mardi 17 juillet 2012, c’était au tour des quatre opérateurs.

Officiellement, aucune mesure concrète n’est sortie de cette rencontre. Le ministère, dans un communiqué de presse, s’est contenté d’indiquer que « la réunion avec les opérateurs a permis d’évoquer la situation économique et sociale difficile du secteur. Les ministres Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin ont rappelé leur volonté de voir ce secteur renouer avec la création d’emplois, l’investissement, l’innovation et l’aménagement des territoires. Lors de cette réunion, les opérateurs ont fait part de leurs propositions et de leurs attentes en faveur de l’emploi. »

Loi Chatel revisitée et emplois relocalisés

Néanmoins, certaines pistes évoquées pendant cette réunion ont déjà filtré dans la presse et Arnaud Montebourg lui-même s’est exprimé le lendemain à l’antenne de France Inter : « C’est inacceptable que dans un secteur où il n’y a pas de compétition internationale, on se retrouve avec des destructions d’emplois. […][Les opérateurs] ont fait des propositions, en contrepartie desquelles ils seraient prêts à éviter des destructions d’emplois. »

Si on se réfère aux informations rapportées par nos confrères de La Tribune, à la question d’Arnaud Montebourg « que faire pour que vous ne licenciiez pas [?] », les opérateurs ont répondu : « [supprimez] la loi Chatel ». Pour rappel, cette fameuse loi permet aux consommateurs de résilier par anticipation leur contrat avec engagement de deux ans passé après le 1er juin 2008 dès la fin du douzième mois et moyennant le paiement de 25 % de la somme restant due. Un manque à gagner selon les opérateurs, notamment sur les abonnements avec mobile haut de gamme subventionné.

La deuxième piste évoquée par Arnaud Montebourg est le rapatriement sur le sol français des centres d’appels. A priori sans concertation pour le moment avec son homologue des Affaires étrangères – les centres d’appels off shore employant des milliers de personnes dans les pays concernés –, le ministre du Redressement productif estime que « pour 10 000 emplois relocalisés sur le territoire, ça coûterait en moyenne par forfait et par mois une vingtaine de centimes de plus aux clients. Donc les consommateurs sont-ils prêts à accepter une légère hausse de prix en contrepartie de la relocalisation d’emplois qui sont en train d’être détruits ? Cette question mérite d’être posée au plan national. »

Arnaud Montebourg s’est également procuré le rapport de Manuel Jaquinet, rédacteur en chef du magazine En-contact, qui propose la création d’un numéro payant « illico » qui garantirait une réponse dans les soixante secondes. L’appel pourrait être facturé soixante centimes la minute et 60 % du montant serait consacré à la rémunération des agents. 12 000 emplois pourraient, selon lui, être créés en France. Le ministère du Redressement productif a également prévu de consulter les associations de consommateurs.

Le consommateur réglera la facture

La clé de voûte de ces deux mesures est donc… le porte-monnaie du consommateur. Des solutions que n’a pas manqué de critiquer Edouard Barreiro de l’UFC-Que Choisir dans une interview à 20 Minutes : « les hot lines ont commencé à quitter la France bien avant qu’elles ne soient plus payantes. Il nous paraît du coup étrange que le caractère payant devienne aujourd’hui un critère pour la relocalisation. Par ailleurs, c’est aujourd’hui une activité déclinante. On ne joue pas là sur le facteur le plus important. [Quant à loi Chatel], un rapport de l’Arcep, le régulateur des télécoms, a mis en évidence que cela n’avait pas créé plus de concurrence. Ce dispositif n’est pas la panacée, car il coûte très cher au consommateur. La seule fois où il a vraiment été appliqué c’est lorsque Free est arrivé sur le marché avec ses forfaits sans engagement. »

Le chantier ne fait que commencer. Les opérateurs seront à nouveau convoqués pendant l’été et le gouvernement se donne jusqu’à la rentrée avant d’annoncer des mesures concrètes.

De son côté, Free a déjà contre-attaqué : selon Capital, l’opérateur vient de déposer plainte contre SFR devant le tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale. C’est le subventionnement des téléphones qui est directement visé et que Xavier Niel qualifie de « crédit à la consommation déguisé ». Tous les opérateurs historiques ont pourtant recours à ce mode de vente. Free déposera-t-il plainte contre Bouygues ? Et contre Orange ?

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Benjamin Gourdet