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Se comprendre à demi-mot

Pour faciliter l’écriture des SMS, les mobiles possèdent un logiciel expert en orthographe. Explications sur la saisie prédictive et ses limites.

Bien que les téléphones mobiles ?” tout comme leurs homologues fixes ?” aient été conçus pour véhiculer la parole, ils servent aujourd’hui tout autant à communiquer par écrit. Petits et grands, ados en tête, envoient des messages à tour de doigts : selon l’ART (Autorité de régulation des télécommunications), plus de 1,3 milliard de SMS ont été envoyés au cours du premier trimestre 2002 ! Pour écrire toute cette prose, le seul instrument à disposition est le clavier du mobile, qui n’a évidemment pas été conçu pour cela.Du coup, la composition est plutôt fastidieuse : avec les lettres de l’alphabet réparties sur huit touches (2 à 9), il faut appuyer de une à quatre fois sur une touche pour écrire une lettre.Ce mode de saisie, qui fonctionne sur tous les téléphones, n’est cependant pas le seul disponible. Sur les mobiles récents, il existe un mode spécial de saisie dite “prédictive” ou “intuitive”. Pour gérer ce mode, presque tous les constructeurs exploitent la technologie T9 (Text on 9 keys), développée par la société Tegic Communications (rachetée en 1999 par AOL). Motorola utilise une autre technologie sur certains de ses téléphones. Quel que soit le système utilisé, la saisie prédictive permet de composer du texte beaucoup plus rapidement qu’à l’ordinaire, en appuyant seulement sur une touche par lettre. Pour écrire “micro”, par exemple, on appuie sur les touches 6, 4, 2, 7 et 6, à la place de la séquence traditionnelle (644422 2777666). Mais comment le premier appui sur la touche 6 est-il interprété comme un “m” et non comme un “n” ou un “o”, les autres lettres traditionnellement désignées par cette touche ? Et l’appui suivant sur la touche 4 comme un “i” et non comme un “g” ou un “h” ? Plus généralement, comment le mobile fait-il pour lever les inévitables ambiguïtés liées à la présence de trois ou quatre lettres par touche ?

Dictionnaire et statistiques

Le secret réside dans une approche très simple : le logiciel de saisie prédictive ne gère pas la saisie des lettres isolément, mais comme faisant partie d’un mot que vous êtes en train de composer. Toute l’astuce consiste à détecter ce mot, en levant progressivement les ambiguïtés à l’aide d’un dictionnaire chargé dans la mémoire du mobile. Au fil de la saisie des lettres, le logiciel calcule l’ensemble des combinaisons de lettres que les touches pressées peuvent donner. A l’aide de son dictionnaire, il élimine toutes celles qui ne correspondent pas au début d’un mot de la langue française.

Saisie à grande vitesse

Après trois ou quatre pressions de touches, la liste des mots probables est nettement réduite. Au final, lorsque toutes les lettres du mot ont été tapées, il ne reste qu’une seule combinaison possible dans 95 % des cas. Pour les 5 % restants, l’ambiguïté ne peut pas être levée car deux mots correspondent à la même séquence de touches. C’est le cas, par exemple, de “noble” et de “oncle” (66253). Le logiciel affiche alors en priorité le mot le plus couramment usité, en se référant à des données statistiques de fréquence d’utilisation du mot dans la langue. Si ce n’est pas ce mot-là que l’utilisateur cherche à écrire, il doit alors appuyer sur une touche (généralement 0 ou *) pour afficher les autres propositions et valider le mot correct.Selon les téléphones, le mode d’utilisation de cette technologie varie un peu. Avec certains modèles comme le Sony CMD-Z5, les différentes combinaisons possibles sont affichées en bas de l’écran au cours de la composition. Sur d’autres, seul apparaît le mot ou la partie de mot la plus probable. C’est très souvent déroutant, car on a l’impression d’avoir appuyé sur une mauvaise touche. Lors de la composition du mot “pauvre” (728873), on voit ainsi apparaître successivement “s”, “sa”, “pau”, “saut”, “sauts” puis “pauvre”. Mieux vaut ne pas regarder l’écran en cours d’écriture et se concentrer sur l’appui sur les touches. Au final, le nombre de frappes est nettement réduit. Il s’ensuit que le temps nécessaire à la composition des mots en saisie prédictive est très inférieur à celui de la saisie traditionnelle.

Les limites de la prédiction

Selon une étude menée par des chercheurs de Nokia et des universitaires canadiens, un utilisateur expert pourrait atteindre 40 à 46 mots par minute, contre 24 à 27 mots par minute au maximum en saisie non prédictive. En pratique, si les vitesses réelles sont nettement inférieures, la saisie prédictive est de toute façon plus efficace.Mais il existe des exceptions à cette règle. Ainsi, si l’on est fâché avec l’orthographe, le système T9 ne sert pas à grand-chose. Comme le système s’appuie sur un dictionnaire, les fautes ?” involontaires ou non ?” rendent la prédiction inopérante. Par exemple, la tentative de saisie de “picine” à la place de “piscine” bloque après la composition de “pici” sur le mot “rich”, le système refusant le “n” qui suit (T9 attend un “e” pour “riche” ou un “t” pour “riait”). Par ailleurs, pour les mots absents du dictionnaire intégré au mobile, il faut ajouter manuellement le mot, nécessairement composé avec le mode de saisie traditionnel. Cette procédure d’ajout n’est pas toujours possible, et ?” très souvent ?” elle n’est pas bien expliquée dans les manuels.La saisie prédictive est aussi une technologie trop académique. Elle s’appuie sur une langue qui ignore les dérives phonétiques. Avec T9 activé, il est impossible d’utiliser le langage branché propre aux SMS, avec des abréviations comme “kfé” ou “à2m1” et des envolées lyriques comme “smackkkk” ou “hellooooooo”. Fort heureusement, sur tous les mobiles équipés de T9, il est possible de désactiver le mode de saisie prédictive, souvent actif par défaut. C’est sans doute ce qu’ont déjà fait bon nombre de jeunes utilisateurs de mobile

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Jean-Marc Gimenez