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Le kaki tisse déjà sa toile

Quand la Grande Muette se met aux technologies de l’information et de la communication, rien ne l’arrête. Le combattant du troisième millénaire est quasiment sous nos yeux. Garde-à-vous…

Un soldat progresse avec son unité sur un théâtre d’opérations quelconque. Équipé d’un ordinateur relié à internet, il transmet ses rapports par e-mails cryptés, reçoit diverses données sur sa localisation ?” cartes et vidéos ?” ainsi que des instructions de son commandement. Ce scénario du soldat ” internetisé “, habituellement américain, n’est pas une fiction. Dès 2006, l’armée de terre fran- çaise déploiera un tel équipement pour ses soldats. Nom de code : ” Équipement félin “. Une projection annoncée par le général Mark. Chargé, à l’état-major, de tout ce qui a trait aux systèmes d’information et de communication, de la conception à la réalisation, ce spécialiste des transmissions ?” arme choisie dès sa sortie de Saint-Cyr ?” ingénieur Supelec, aime à rappeler le leadership de l’armée de terre française dans le domaine technologique : “Au niveau international, l’armée française a toujours été dans le peloton de tête dans tous les secteurs relevant des systèmes d’information et de communication. Dès 1985, les États-Unis achetaient d’ailleurs notre réseau intégré de transmissions automatiques, le Rita.

Des besoins logistiques et tactiques

Internet et les technologies IP ne pouvaient pas échapper à l’intérêt d’une armée figurant dans le trio de tête sur la scène mondiale. Dès le début des années 1980, la fonction qu’occupe le général Mark est structurée. Mais ce n’est qu’au milieu des années 1990 que les technologies IP (protocole internet) deviennent un sujet d’importance. L’époque est à la professionnalisation de l’armée et au resserrement de ses effectifs. De 1996 à 2002, l’armée de terre aura ainsi perdu plus de 100 000 personnes. Elle en compte actuellement 176 000, dont environ 30 000 civils. “Compte tenu de ces attendus, il a fallu renforcer le rôle de l’informatique de gestion. Dans le domaine des transmissions d’information, l’utilisation des technologies internet satisfait les besoins de l’armée. Mais aussi dans le travail collaboratif. Ces technologies améliorent le fonctionnement de l’armée dans sa vie quotidienne, mais aussi optimisent les capacités opérationnelles des forces engagées sur différents théâtres“, explique le général Mark. L’armée de terre est en train de déployer un intranet tactique qui permettra de mettre en réseau les capteurs recueillant l’information, les systèmes d’armes et de commandement. Le but est la numérisation de l’espace de bataille. “ Les États-Unis numérisent une division entière, soit 25 000 hommes, c’est-à-dire que l’ensemble de la division utilise des réseaux, des systèmes d’informations, le tout sous IP “, affirme le général. L’intranet tactique de l’armée française est déployé partiellement sur le théâtre des Balkans, en Bosnie et au Kosovo. “ Il offre la capacité d’acquisition, c’est-à-dire le recueil des informations, assorties de capacité de traitement. “L’image d’Épinal du poste de commandement de campagne sous tente est dépassée. Il faut imaginer un poste de commandement qui fonctionne en réseau, qui utilise messagerie, images, visioconférences. “C’est une révolution du mode de fonctionnement et cela modifie le cycle de décision” s’enthousiasme le général Mark, “ par exemple, les ordres graphiques pourraient bientôt remplacer les ordres écrits. Nous sommes au début d’un ensemble d’évolutions dont on ne peut mesurer encore l’ampleur “. La Bosnie est le théâtre d’opérations sur lequel les technologies internet ont été pour la première fois utilisées dans les réseaux de communication entre systèmes de commandement. La téléphonie sur IP va être mise en place courant 2002, avant d’être déployée au Kosovo, “puis ce sera une approche systématique à terme quel que soit le théâtre envisagé“, annonce le général Mark. L’ensemble des systèmes de commu- nication et d’information de l’armée de terre française sont désormais compatibles avec le protocole internet. Une étape supplémen- taire sera prochainement franchie dans l’utilisation du protocole IP pour la transmission d’informations classées ” Confidentiel Défense “. L’armée de terre française travaille à la mise en place d’un réseau privé virtuel destiné à la transmission de ce type d’information “ dont la divulgation est de nature à nuire à la Défense nationale “.

Une armée moins muette ?

La communication interne de l’armée de terre a également entamé sa mutation technologique. Depuis le 25 juin dernier, et jusqu’au 25 octobre, la totalité des états-majors et une trentaine de régiments ?” sur les 100 que comporte ce corps d’armée ?” peuvent utiliser l’Intraterre, l’intranet de l’armée de terre, afin d’interpeller l’administration sur une question relative à leur état de militaire. Ce projet est né à l’initiative du colonel Franceschi. Chef de service au Sirpa (Service d’informations et de relations publiques de l’armée de terre), le colonel Franceschi ?” 14 ans de légion étrangère ?” fait preuve de réalisme sur les nécessités de communication de l’armée : “ Le but est de répondre à un article des droits de l’homme : tout citoyen a le droit de demander des comptes à l’administration. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une communication interne sincère et transparente. J’en suis convaincu et si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre le fera à notre place et ne sera pas nécessairement bien intentionné“.Début 2001, le colonel Franceschi met en ?”uvre le projet ” Communication personnalisée “. En phase d’expérimentation, pour l’heure, trois officiers sont chargés de récupérer les questions. Le délai de réponse, très modeste, est de sept jours francs. L’objectif est de le réduire à un peu plus de 48 heures. Un projet qui ne contourne en rien la sacro-sainte voie hiérarchique, selon le colonel : “ La voie hiérarchique est au bénéfice de l’administré et du chef, c’est-à-dire qu’elle apporte des avis successifs, enrichit la réflexion, de manière à ce que le chef ait un éventail d’avis justifiés par des gens compétents chacun à son niveau, qui préparent sa décision dans l’intérêt de l’administré et du commandement. Pour un renseignement objectif, la hiérarchie n’a aucun intérêt puisque chaque échelon dira la même chose.” Persuadé que de tels usages se développeront au sein des autres corps d’armée, le colonel Franceschi songe déjà à son prochain projet : dégager des créneaux de chat [discussion] sur intranet qui mettraient en relation le directeur du personnel de l’armée de terre et les administrés. En attendant de traduire ” Rompez ” en smiley…

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Christophe Dupont