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Le consommateur se rappelle au bon souvenir de l’industrie musicale

Le MidemNet a poussé sur le devant de la scène un invité oublié : le consommateur. Avec en toile de fond la question brûlante des DRM.

Le consommateur inquiète, le consommateur doit respecter la loi, le consommateur doit payer, le consommateur est créateur de contenu, le consommateur veut de la personnalisation… Habitué aux échanges feutrés sur la musique entre
professionnels, le MidemNet ?” préambule high-tech du Marché international de la musique (Midem) qui s’est tenu à Cannes les 20 et 21 janvier ?” a semblé cette année se concentrer sur un acteur essentiel mais
jusque-là plutôt relégué au second plan : le consommateur.Bien sûr, Napster et l’iPod s’affichent toujours en format géant sur les façades du Palais des Festivals où se déroulait la manifestation. Constructeurs de mobiles, maisons de disques et sociétés high-tech sont toujours là. Mais,
comme l’a reconnu le fondateur de l’application communautaire MyStrands, Francisco J. Martin, jusque-là, ‘ nous avons oublié quelque chose de très important, c’est le
consommateur ‘.
Il n’y avait qu’à jeter un ?”il à la liste des invités : GoFish, une plate-forme d’échanges de vidéos à la YouTube, Last.FM, la webradio dont le flux est généré par les goûts et les écoutes de
l’auditeur, MyStrands, un logiciel communautaire basé sur la musique, ArtistShare, une plate-forme où les artistes font participer leurs fans au processus créatif… Et samedi 20 janvier au matin a été projeté un
‘ focus group ‘ vidéo réalisé auprès de lycéens et d’étudiants (lire l’encadré ci-dessous).

Politique agressive contre ‘ casquette d’idéologue ‘

Changements dans les invités et les débats, donc. Mais aussi dans l’ambiance. Le MidemNet s’est ainsi ouvert sur une confrontation musclée entre le président de la RIAA1 (représentante des majors
américaines du disque), Mitch Bainwol, et celui de la MPAA1 (cinéma), Fritz Attaway, d’un côté ?” soit deux des organisations peut-être les plus honnies des internautes ?”, et Gary Shapiro, le
président de la Consumer Electronics Association, qui défend les intérêts de nombreux fabricants d’électronique de l’autre.Hostile aux poursuites judiciaires contre les internautes, Guy Shapiro est partisan du fair use, soit des règles garantissant certains droits d’utilisation des appareils et des exceptions au copyright.
Résultat : des échanges houleux. RIAA et MPAA se sont vues épinglées pour leurs politiques agressives, et ont pour leur part accusé le président de la CEA de porter une ‘ casquette
d’idéologue ‘.
‘ Les utilisateurs de technologies doivent respecter les droits, n’a cessé de marteler Fritz Attaway, de la MPAA. Quand quelqu’un consomme un film [sur Internet,
NDLR], il faut qu’il y ait une compensation pour tous les talents qui l’ont créé. ‘ Même discours chez Mitch Bainwol : ‘ La technologie n’est pas une excuse pour
contourner la loi. ‘
Assez vite, Gary Shapiro, lui, a pointé du doigt la source du mal selon lui : les DRM (digital rights management, ou gestion des droits numériques), qui brident les usages des fichiers achetés sur Internet et
alimentent les réticences des consommateurs à acheter de la musique en ligne. A l’argument de leur légalité, que lui opposent les industries du cinéma et de la musique, il rétorque : ‘ Ce qui est mauvais et immoral
n’est pas forcément illégal. ‘

La protection des fichiers en débat

Si les
éditions précédentes du MidemNet égratignaient surtout la politique d’Apple ?” qui place des DRM sur les fichiers d’iTunes Music Store et oblige à les lire sur
l’iPod ?”, cette année, c’est l’idée même de la protection des fichiers qui faisait débat. Trop restrictive pour les uns, pas au point techniquement pour les autres, pas toujours compatible sur tous les supports, etc.Le thème est d’actualité : EMI a
annoncé ne plus vouloir placer, pour le moment, de système anti-copie sur ses CD, tandis que Yahoo! Music, Fnacmusic et VirginMega
mettent
désormais en vente des fichiers en MP3 non protégés.Preuve de la préoccupation du secteur, un débat s’est tenu dimanche 21 janvier après-midi, intitulé ‘ DRM : en avons-nous vraiment besoin ? ‘2. Comme si cela ne
suffisait pas, une étude consommateurs réalisée par la division télécoms et média d’Informa présentée dimanche matin mentionnait ‘ l’impossibilité à charger [sa] musique sur de multiples appareils
de lecture ‘
au rang des principales frustrations des utilisateurs. La faute, entre autres, aux DRM, note Informa.Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas, pour la plupart de ces professionnels, d’une question de principe, mais bien de business. ‘ Je ne dis pas que les DRM doivent être légaux
ou illégaux,
a insisté Gary Shapiro. Je dis que les consommateurs commencent à y réagir en se détournant du marché. ‘Les DRM n’ont pas seuls fait débat. Le contrôle du contenu des plate-formes d’échanges de vidéos a aussi alimenté les discussions. ‘ Si vous filtrez trop, vous comprimez le phénomène qui est justement basé
sur l’expression personnelle ‘,
estime le président de GoFish, Michael Downing. Le risque de faire fuir les consommateurs était dans toutes les têtes. Or, comme l’a rappelé Brian Camelio, patron
d’Artistshare, même quand un concept marche, ‘ il n’y a aucune garantie que les gens vont revenir ‘.(1) Recording Industry Association of America et Motion Picture Association of America.(2) Plus précisément :
‘ DRMs: do we really need’M ? ‘, jeu de mot sur le M de management (gestion, contrôle) dans Digital Rights Management et
‘ ’em ‘, contraction de ‘ them ‘ (elles, les DRM).

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Arnaud Devillard, à Cannes