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La téléphonie sur IP marque des points

Naguère considérés comme immatures, les iPBX commencent à gagner la confiance des entreprises. Elles les jugent plus économiques et plus ouverts, voire fonctionnellement plus riches, que les PABX. Certains apprécient aussi la migration progressive, facilitée par des offres mixant téléphonie IP et téléphonie traditionnelle.

Après cinq ans de tâtonnements, la téléphonie sur IP entre enfin dans les entreprises, en particulier dans les PME. La plupart des raisons de craindre cette technologie ?” immaturité technique, qualité aléatoire de la voix, et migration brutale ?” sont en passe de s’estomper, même si la richesse insuffisante des fonctions téléphoniques offertes ou les coûts élevés des combinés IP restent patents.

Une migration souvent progressive

C’est souvent à l’occasion du renouvellement d’un équipement jugé obsolète que les entreprises se décident pour un iPBX. Mais peu d’entre elles optent pour la politique de la table rase. Chez Goyer, l’ancien système téléphonique, à base d’équipements signés Ericsson et SAT, arrivait en bout de course. La solution choisie, d’origine Avaya, reste toutefois hybride. “Mais elle a pour vocation à évoluer vers le tout-IP”, explique Bruno Goyer, p.-d.g. de Goyer. Au siège de cette entreprise, qui conçoit des façades et des fenêtres, a ainsi été installé un gros PABX traditionnel de type Definity G3si, dont le logiciel et la connectivité Ethernet autorisent un fonctionnement mixte, en mode PABX ou iPBX. Chacun des deux sites distants est, en outre, équipé d’un PABX Definity d’entrée de gamme (modèle EPN).Sur les trois sites, les postes téléphoniques sont classiques et traditionnellement reliés au PABX local, via un câblage dédié. En revanche, entre le siège et le site le plus important, la voix est véhiculée sur protocole IP, via des liaisons louées. Il s’agit donc plus de transport que de véritable téléphonie sur IP ! Mais cette situation est provisoire, puisque les postes seront progressivement remplacés par des téléphones IP reliés aux réseaux locaux Ethernet, tandis qu’au moins un des sites distants devrait accueillir un pur iPBX (l’IP 600, d’Avaya Communication). De plus, à titre de test, deux Soft phones IP (des PC multimédias dotés d’un logiciel de téléphonie) sont déjà mis en ?”uvre, l’un au siège, l’autre sur un site distant.SIF, une société spécialisée dans la transformation des produits de la mer, a été amené à acquérir, lors de sa naissance qui résultait de la fusion de trois entreprises, un système de téléphonie sur IP entièrement nouveau, basé sur le Succession, de Matra Nortel (devenu EADS Telecom). “La seule mise à niveau de deux des PABX existants aurait été plus coûteuse que le déploiement d’un iPBX”, estime Dominique Leprêtre, responsable informatique de SIF. Il ajoute : “Nous avons comparé deux solutions. Celle de Cisco nous est vite apparue comme immature, tant le constructeur se montrait incapable de réaliser de véritables démonstrations, au contraire de Matra Nortel, qui a, en outre, affiché une volonté forte de nous accompagner.” Il faut toutefois noter que, depuis, l’offre de Cisco a beaucoup évolué.La chambre de commerce et d’industrie de Lyon (CCIL) n’a, pour sa part, même pas envisagé d’être infidèle à son fournisseur Alcatel, car la migration devait être non seulement progressive, mais aussi partielle. Elle a été réalisée sur la base du 4400 existant, dont une mise à jour logicielle lui a permis d’acquérir la capacité à gérer des communications sur IP.

Des solutions hybrides facilitent la transition

D’un point de vue matériel, il a aussi fallu intégrer une carte de voix sur IP dans le 4400 et déployer des routeurs voix- données, un OmniSwitch Router pour le siège, et de petits équipements dans chacune des huit antennes. Mais, dès lors qu’il s’agit de cohabiter avec un ancien système, les constructeurs d’équipements réseaux Ethernet-IP venus à la téléphonie sont moins à l’aise.Ainsi, chez Baccarat, producteur et distributeur d’objets en cristal, on déplore d’importants problèmes lors de l’interconnexion de l’ancien PABX et du NBX de 3Com, imposée par la nécessaire progressivité du remplacement des postes téléphoniques. “Il y avait deux façons de procéder, toutes deux assez coûteuses : soit en dotant chaque poste analogique d’un boîtier d’interface, soit en conservant le vieux PABX, et en s’interfaçant avec lui. Cette seconde solution a eu notre préférence, mais nous avons ensuite réalisé que le NBX ne supportait pas la signalisation de notre PABX d’origine Telic Alcatel, il est vrai très ancien”, regrette Thierry Mangin, responsable informatique de Baccarat. En revanche, le NBX a donné toute satisfaction pour l’application de gestion de la relation avec le client qu’il prend en charge, dans le cadre d’un centre d’appels comptant une quarantaine de postes. En particulier, l’ouverture naturelle des iPBX a grandement facilité le couplage téléphonie-informatique et l’intégration à un serveur Lotus Notes.

Des coûts d’administration réduits

L’un des principaux arguments mis en avant par ces entreprises réside dans les coûts de cette nouvelle téléphonie. Pour un seul site, le prix d’achat de l’iPBX est, certes, comparable à celui d’un PABX. Mais une première économie apparaît lorsqu’il s’agit d’équiper plusieurs sites de taille modeste. Alors qu’il fallait autrefois acquérir autant de petits PABX et souscrire des abonnements téléphoniques locaux, un simple accès IP suffit. Cette économie a séduit la CCIL, dont les huit antennes locales, comptant chacune cinq à dix utilisateurs, ont été équipées à moindres frais. “Il a suffi de remplacer leurs routeurs par des Alcatel Omni Access 512, qui font office de routeurs et de commutateurs voix-données”, explique Albert Lévigne, responsable du département Réseaux et télécoms de la CCIL. Et d’ajouter : “La gestion des appels étant concentrée sur le 4400 situé au siège, le système de téléphonie est unifié. Cela signifie, par exemple, que l’on peut procéder à des renvois d’appels d’un poste à l’autre, quels que soient les sites sur lesquels ils se trouvent.”Les coûts d’administration sont également réduits. Cette dernière peut, en effet, être confiée à l’équipe réseau déjà en place. “Lorsque nous avons évalué les iPBX, nous voulions surtout voir les outils d’administration, car notre souci premier était de ne plus être tributaires d’un prestataire extérieur”, explique Dominique Leprêtre. Un argument repris à son compte par Albert Lévigne : “L’administration se révèle bien plus simple, car elle est centralisée, et rares sont les interventions qui nécessitent le déplacement d’un technicien.”En toile de fond, les entreprises entrevoient la possibilité qu’une part importante de l’administration puisse être déléguée auprès des utilisateurs. “Lorsque l’un d’entre eux change de bureau ou même de site, il s’identifie sur n’importe quel poste téléphonique qui endosse son profil. Les standardistes n’ont donc plus besoin de le chercher”, comme l’explique Dominique Leprêtre.Toutefois, les iPBX ne sont pas en tout point moins chers que les PABX. Ainsi, les téléphones eux-mêmes sont encore très onéreux. “Dans la solution NBX de 3Com, ils atteignent 457 ? par poste doté d’un port Ethernet 100 Mbit/s, si bien que le remplacement du parc ne peut être que progressif”, explique Thierry Mangin. Le même coût est évoqué à la CCIL, dont les téléphones IP sont en fait des postes numériques traditionnels, chacun étant complété par un module Ethernet-IP interne. De plus, au sein de cet organisme, la migration vers le tout-IP ne concerne que les antennes distantes, tandis que le siège reste équipé d’un câblage dédié et de postes classiques. Mais cette migration progressive peut avoir un coût, correspondant aux passerelles permettant de conserver provisoirement l’ancien PABX ou les vieux combinés téléphoniques. Tel est le cas même lorsque l’existant a pratiquement disparu. “Pour chaque site, nous avons dû acquérir une passerelle de type media gateway dotée d’interfaces T2 et Ethernet, afin de relier quelques vieux postes et télécopieurs”, précise ainsi Dominique Leprêtre.

Des lacunes rédhibitoires il y a deux ans, aujourd’hui jugées mineures

La téléphonie sur IP efface aussi une bonne partie des craintes qu’elle suscitait quant à l’étendue des fonctions téléphoniques. “Notre système étant hybride, on retrouve exactement les mêmes fonctions que sur les PABX de la marque Avaya”, affirme Bruno Goyer.De leur côté, les offres des spécialistes des réseaux, comme celles de 3Com ou de Cisco, souffrent encore de quelques lacunes, mais celles-ci sont aujourd’hui jugées mineures, alors qu’elles étaient rédhibitoires il y a deux ans. “Nous avons légèrement dû modifier notre cahier des charges afin de nous accommoder de l’absence de quelques fonctions”, affirme Thierry Mangin. Chez SIF, la solution iPBX a même été jugée fonctionnellement plus riche. “Les PABX et combinés classiques ne nous offraient pas le même niveau d’ergonomie tant au niveau de la navigation dans les fonctions qu’au niveau de l’accès à l’annuaire, ou de la gestion des appels entrant et sortant”, explique Dominique Leprêtre, ajoutant même que ce critère a pesé dans le choix de la technologie IP.De même, les questions sur la disponibilité des serveurs supportant les gestionnaires d’appels ont pratiquement disparu. D’abord, parce que chez certains constructeurs, comme Alcatel, Avaya et même 3Com, ces gestionnaires restent supportés par une plate-forme propriétaire tournant sous un Unix temps réel particulièrement fiable. Ensuite, parce que, même lorsque la plate-forme est de type Windows NT 2000, comme chez EADS Telecom, la vocation monoapplicative du serveur est synonyme de relative stabilité. “Le serveur sous NT 4.0, qui héberge le gestionnaire d’appels, a dû être redémarré quatre fois en dix-huit mois, mais l’opération n’a pris que quelques minutes, sans susciter la moindre inquiétude, car nous connaissons fort bien ce système d’exploitation. Notre PABX s’arrêtait beaucoup plus rarement, mais lorsque cela arrivait, nous n’osions même pas y toucher”, se souvient Dominique Leprêtre. Plus généralement, si les iPBX sont d’abord apparus comme des solutions fort immatures en comparaison des PABX, ces derniers sont désormais considérés comme des systèmes propriétaires et fermés, alors que la téléphonie sur IP devient une application informatique comme une autre.

LAN et WAN : la nécessaire adaptation des réseaux

Le déploiement d’une solution de téléphonie sur IP s’appuie, certes, sur l’infrastructure réseau dédiée aux données, mais elle a un impact non négligeable sur celle-ci. Sans même parler de la signalisation, chaque communication mobilise, en effet, un débit pouvant aller de 10 à 30 kbit/s, selon les algorithmes de compression utilisés. La mise à niveau n’est pourtant pas toujours synonyme de surcoût.Chez Goyer, sur le réseau étendu, une liaison louée a dû être portée à 512 kbit/s au lieu de 64 kbit/s, tandis que sur le backbone Frame Relay de l’offre Global Intranet, Transpac a configuré un circuit virtuel dédié aux flux vocaux. “Mais, en contrepartie, le budget télécoms annuel a baissé de 13 %, sur un total de 170 000 ?”, précise Bruno Goyer. Et d’ajouter : “Le surplus de bande passante est, en outre, mis à profit pour réaliser des sauvegardes nocturnes.”La CCIL a, pour sa part, fait d’une pierre deux coups. “Nos liaisons louées de 64 ou 128 kbit/s n’auraient pas supporté les nouveaux flux, mais l’appel d’offres que nous avons lancé nous a permis d’obtenir, pour un coût comparable, des liaisons de 512 kbit/s ou 1 Mbit/s”, explique Albert Lévigne. Chez SIF, en revanche, un surcoût a été constaté, puisque les lignes Transfix ont dû être dimensionnées pour supporter la voix. De plus, les mécanismes de gestion de la qualité de service des routeurs ont été activés, afin de réserver une partie de la bande passante.Au niveau du réseau local, l’enjeu est différent. Certaines entreprises ont dû réaliser un travail d’ingénierie. Au siège de la CCI de Lyon, un VLan est ainsi dédié à la voix. D’autres sociétés, comme SIF, se sont passés de cette mesure. “Nous avions d’abord configuré un VLan, qui s’est finalement révélé inutile”, conclut Dominique Leprêtre.

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Thierry Lévy-Abégnoli