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Interview exclusive : le créateur de Doom mise sur l’iPhone

Légende du jeu vidéo, John Carmack a développé les premiers FPS cultes (Wolfenstein, Doom, Quake). Il travaille aujourd’hui sur Rage, nouvelle licence lancée hier 18 novembre sur le smartphone d’Apple, en attendant les PC et les consoles. Il nous raconte son développement, son ergonomie et son avenir.

01net. : Combien de temps cela a-t-il pris de développer Rage sur l’iPhone ?
John Carmack : Environ quatre mois. L’équipe de développement pour mobiles d’id Software a été démantelée l’année dernière après le rachat de la société par Zenimax. Nous nous sommes retrouvés avec une toute petite équipe de deux personnes. Ils réalisaient une sorte de travail de fond. Je suis arrivé [sur le projet] fin juillet et j’ai introduit la technologie dont j’ai fait la démonstration à la QuakeCon.

John Carmack
John Carmack – John Carmack

Nous voulions un jeu extrêmement bien fait, et réalisé rapidement. J’ai alors décidé de consacrer un peu plus de deux mois de mon propre temps au projet, à temps plein, avant sa sortie. Historiquement, pour ces projets, je me charge de créer la technologie de core rendering [la base du moteur graphique, NDLR] puis je la transmets à l’équipe pour qu’elle fasse le plus gros du développement. Mais, pour Rage, j’ai travaillé sur le projet quasiment du début à la fin. C’était très plaisant, mais j’ai vraiment dépassé le temps que j’avais prévu au départ… et même celui que je pensais accorder aux projets mobiles sur toute l’année !

Quelle importance revêtent ces projets mobiles pour vous ? Sont-ils l’avenir ou juste un à-côté ?
Cela fait plus de cinq ans que nous avons fait le premier Doom RPG sur un téléphone et, en ce qui me concerne, c’était comme une bouffée d’air frais de me consacrer à un petit projet, dont le développement est beaucoup plus court. Mais le reste de la société n’accordait pas vraiment d’importance au développement de jeux mobiles. Un projet comme Doom RPG était bienvenu parce qu’il générait de l’argent, mais la société n’y faisait pas attention et ne lui apportait pas son soutien.

« La majorité des gens ne veulent pas d’une super PSP »

Mais, avec Rage, les choses ont été différentes, parce qu’il s’agit de notre nouvelle licence, avec toutes les ressources que cela implique pour les PC et les consoles. Il y avait même une nervosité palpable du fait que nous sortions la version mobile avant le jeu proprement dit. On sentait une peur de faire mauvaise impression, ou que les gens aient une expérience désagréable. Le fait que j’y passe autant de temps a donc semblé justifié à tous. Tout le monde est satisfait du résultat et pense finalement que c’était une bonne décision de sortir cette version.

Que pensez-vous des FPS actuels, qui contrôlent et guident le joueur ? (1)
Le principal reproche qu’on nous fait au sujet de Rage est qu’on ne peut pas se balader librement. J’adorerais créer un jeu à monde ouvert, et je pense qu’on pourrait réaliser quelque chose de très satisfaisant. Mais je crois que l’expérience de jeu directive pour un FPS, avec un pavé directionnel, un bouton pour faire feu et quelques autres options essentielles sur l’écran de l’iPhone est un peu trop complexe pour se montrer performante dans le marché mobile. Certaines personnes veulent que leur iPhone soit une super PSP, mais ils sont minoritaires. La majorité veulent juste un jeu sympa et simple d’accès.

Rage sur iPhone
Rage sur iPhone – Rage sur iPhone

J’espère que nous arriverons à terme à fournir un jeu qui satisfasse tout le monde, mais, pour l’instant, nous nous concentrons réellement sur les titres faciles à prendre en main, qui ne demandent pas autant de dextérité que les jeux sur console. C’est ce que nous avons décidé de faire pour Rage et c’est ce que nous ferons certainement pour les titres à venir. Mais on pense également recourir à des techniques de FPS plus classiques, quelques-unes pouvant même être empruntées à Quake Live. Néanmoins, pour l’instant, on ne s’est pas engagés à développer cet aspect des choses.

En parlant de l’avenir et de prochains jeux, pouvez-vous nous dire quelques mots de Doom 4 et des autres jeux en cours de développement ?
Je ne peux pas trop vous parler de Doom 4, on n’a pas vraiment communiqué à l’extérieur de la société sur ce titre. Je ne sais pas quelles sont les décisions stratégiques le concernant. Je peux vous dire que le projet avance plutôt bien, mais que toute notre attention est évidemment tournée pour l’instant vers Rage, qui sortira l’année prochaine sur PC et sur console.

« Je peux garantir qu’il y aura plusieurs épisodes de Rage sur iPhone »

Mais en définitive j’espère que l’on pourra sortir au moins un, si ce n’est deux autres titres mobiles de Rage avant son arrivée sur les consoles. Nous avons développé tant de choses pour cet univers en près de quatre ans que j’adorerais en glisser quelques-unes dans d’autres jeux pour iPhone, qui seraient plus centrés sur des points précis de ce monde.

Rage sur iPhone sera donc une série d’épisodes ?
C’est ce que j’espère. Il faudra voir comment le premier marche, mais il démarre très bien. Une bonne partie de l’équipe qui a travaillé avec moi était nouvelle. Elle a atteint un bon niveau et a développé de réelles compétences. Je pense donc qu’il y aurait de quoi faire bien mieux que ce premier jeu, en utilisant les mêmes trouvailles de conception, et je suis très enthousiaste à cette idée. Je peux quasiment garantir qu’il y aura au moins un jeu Rage supplémentaire sur iPhone, si ce n’est deux. Nous voulons faire quelque chose en extérieur dans le Wasteland, faire conduire des véhicules, proposer des combats excitants. Il y a encore plein de choses dans l’univers de Rage qu’on peut utiliser pour ce genre de jeux.

Quels sont les avantages et inconvénients de travailler sur ce genre de « petits » projets ?
Il y a du bon et du mauvais dans tous les cas. Les petits projets offrent la possibilité de prendre des risques. Il est évident que, dans le cas des gros jeux sur PC et sur console pour lesquels vous dépensez des dizaines de millions de dollars, il faut être prudent. Vous vous orientez naturellement vers ce que vous savez fonctionner parfaitement. Vous ne pouvez pas faire quelque chose de totalement différent parce que cela représente beaucoup d’argent et qu’on ne vous laissera pas prendre le risque de le perdre.
Mais pour un projet de six mois, avec une équipe de six personnes seulement, c’est moins grave. Une société comme Zenimax peut prendre des risques sur ce genre de projet. Il est donc possible de tenter quelque chose d’innovant, même si ce sera peut-être un flop. Mais d’un autre côté, nous avons tellement d’expérience dans les FPS, dans notre fonds de catalogue, dans nos franchises, etc. qu’il serait un peu idiot de ne pas tirer profit de tout ça. Il y a tant de personnes qui gardent un souvenir ému de Wolfenstein, de Doom ou de Quake qu’il serait dommage de ne pas créer quelque chose qui tire profit de cet historique.

(1) La question initiale concernait l’opinion de John Carmack sur Call of Duty, mais il n’a pas souhaité y répondre.

Lire la suite de l’interview de John Carmack : Pourquoi Doom a été conçu en vue subjective.

Voir une démo de Rage sur iPhone :

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William Audureau et Pierre Fontaine