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Internet descend dans la rue

De centres d’accueil en structures itinérantes, des associations caritatives comme Emmaüs ou ATD Quart Monde multiplient les projets pour faire découvrir Internet et les nouvelles technologies aux populations les plus défavorisées. Avec
l’appui logistique et financier, de l’Etat, de l’Europe et du mécénat privé.

‘ Aujourd’hui on ne fait rien sans les nouvelles technologies. ‘ Le constat dressé par l’association Emmaüs peut paraître brutal. Il éclaire en tout cas sur l’impérative nécessité de ne
laisser personne en dehors de la révolution technologique véhiculée par Internet.En novembre 2003, l’association
ouvrait son premier
cyberespace au sein de l’un de ses principaux sites parisiens : l’Agora. Aujourd’hui, après une pleine année d’exercice, l’heure est au bilan. Et les premiers chiffres sont
encourageants. En 2004, la structure a accueilli 3 530 personnes (d’une moyenne d’âge de 38 ans) autour de deux usages principaux : la formation (bureautique et Internet) et le libre-service.On y vient pour consulter de l’information, faire des démarches administratives ou se construire un réseau. ‘ Le lien social se modifie avec Internet, explique-t-on chez Emmaüs. Des
communautés se créent. Sur la question de l’hébergement, par exemple, nous avons pu constater combien la population russe sur Paris s’était particulièrement bien organisée. ‘
L’écriture, et plus particulièrement le besoin
d’écriture, est aussi au rendez-vous. ‘ Pour certains utilisateurs, on est à la limite de la pathologie, détaille Emmaüs. Ils écrivent sans fin, leur vie à la rue, leur journal, sans structure syntaxique.
Ils se déchargent. ‘
L’association a également relevé certaines pratiques dictées par le bon sens. ‘ Deux ou trois personnes ont autour du cou leur clé USB sur laquelle sont scannés tous leurs
papiers. ‘

Quatre nouveaux points d’accès en 2004

Face au succès rencontré, une ouverture du cyberespace en soirée (à la belle saison) serait à l’étude. Dans la foulée du cyberespace, Emmaüs a multiplié les points d’accès informatique et Internet sur Paris et sa région. Courant 2004,
nous avons ouvert quatre nouvelles implantations : à Créteil ainsi que dans les 15e, 13e et 11e arrondissements ‘, souligne Selimaj
Shyqyri, coordonnateur du projet. Contrairement au cyberespace équipé de neuf postes, ces quatre derniers sites ne disposent que de deux ordinateurs chacun.L’ensemble de l’opération se poursuit avec le soutien de Microsoft. ‘ Outre le don de logiciels, en 2005 nous avons également choisi de privilégier la formation de formateurs ‘, précise
l’éditeur. ‘ Nos bénévoles ont, au départ, de bonnes connaissances en informatique, ponctue Selimaj Shyqyri. Cependant, il faut bien se rendre compte que cela ne suffit pas. Un travail sur la pédagogie
s’impose, car on ne parle pas forcément de la même manière à des étudiants qu’à des gens qui vivent dans la rue. ‘
Selon Emmaüs, le ‘ bouche à oreille ‘ a fonctionné à fond, au point que d’autres associations actives dans la capitale (Secours populaire, Association protestante parisienne) réfléchissent à la mise en place de
structures similaires.Par ailleurs, dans le cadre du
Fonds social européen (FSE) en France et du
programme Equal (une initiative financée sur des fonds européens pour ‘ combattre les discriminations, réduire les inégalités et parvenir à
une meilleure cohésion sociale ‘
), plusieurs associations comme La Mie de Pain, La Halte des amis de la rue, l’Association des cités du Secours catholique ou encore Emmaüs, ont mis en place des ateliers informatiques. Depuis
leur lancement début décembre, ces structures privilégient l’action dans la durée autour d’un petit nombre de personnes, avec un objectif : désacraliser l’ordinateur en tant qu’objet pour faciliter la réinsertion par l’emploi.

Aller à la rencontre des gens

De son côté, ATD Quart Monde a choisi une approche plus nomade. Avec son projet ‘ l’Internet de rue ‘, l’association veut ‘ recréer du lien social à partir des TIC, en allant au-devant
des familles les plus pauvres ‘
. L’opération, déployée sur Paris et une partie du Val d’Oise, a reçu le soutien du ministère de la Recherche dans le cadre d’un appel à projets, lancé il y a quelques mois autour des
‘ usages de l’Internet ‘.Dans un premier temps, l’association, qui va à la rencontre de familles très pauvres vivant parfois dans des caravanes ou des logements isolés, a choisi d’investir dans un matériel léger et facilement transportable : ordinateurs
portables et téléphones GPRS. ‘ Les débuts sont prometteurs, mais les contraintes techniques sont assez lourdes et nous cherchons encore une aide pour financer un accès à Internet en mode GPRS ‘, note
Jean-Pierre Pinet, qui pilote le projet ‘ Internet de rue ‘.A terme, les responsables du projet verraient bien l’ajout d’un véhicule avec du matériel fixe permettant d’autres usages (accès par satellite, impression, scanner…).‘ Pour beaucoup de participants, il s’agit d’une première ouverture à l’informatique, explique-t-il. Mais c’est aussi un moyen de chercher du boulot sur Internet ou d’obtenir sans attendre un
extrait d’acte de naissance. ‘
Les informations sur le projet sont périodiquement diffusées sur
un blog collaboratif qui assure également une ‘ veille francophone sur le fossé numérique ‘. ‘ Nous allons essayer
d’apprendre aux gens à s’exprimer et à donner leur avis en ligne. Dans ce cadre, le blog est le moyen idéal ‘
, poursuit Jean-Pierre Pinet. Et d’ici peu, des blogs collaboratifs devraient voir le jour autour de deux thèmes
choisis par les utilisateurs : le racisme et les expulsions.

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Philippe Crouzillacq