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Google : comment le projet Dragonfly a été verrouillé pour ne pas faire de vagues

Confidentialité maximale et pressions internes étaient le quotidien des membres de ce projet spécial. L’objectif était de garder ce projet aussi secret que possible jusqu’au lancement final.   

Alors qu’au sein de Google l’opposition face au moteur de recherche censuré Dragonfly continue de gonfler, The Intercept vient de publier une enquête qui montre comment le projet a été géré depuis ses débuts. Le site s’appuie pour cela sur les témoignages de quatre personnes, dont une qui livre ses informations à découvert. Les autres préfèrent rester anonymes, par peur de perdre leurs jobs.

Les informations fournies par ces différentes sources montrent que la direction de Google a tout fait pour verrouiller au maximum ce projet, afin d’éviter de faire des vagues. Ainsi, les membres du projet avaient interdiction de parler de ce sujet à d’autres collaborateurs de Google. Ils étaient par ailleurs compartimentés en différents sous-groupes pour éviter les fuites au maximum. L’accès aux documents était également très contrôlé. Un tel niveau de confidentialité était très rare, expliquent les sources. Enfreindre ces règles de confidentialité signifiait le licenciement, leur avait-on dit.

Mise à l’écart des experts en droit

Mais il y a plus grave. Des personnes étaient censées analyser les implications de ce moteur de recherche censuré au niveau de la légalité, de la sécurité et du respect de la protection des données personnelles, comme cela se fait pour tous les projets Google. Mais dans le cas de Dragonfly, ces personnes ont été systématiquement mises à l’écart. D’après les sources, la direction voulait une analyse de façade qui soit dépourvue de critiques vis-à-vis de la stratégie envisagée.  

Mais les experts en sécurité et en droit n’ont pas tenu compte de ces pressions et ont pondu un rapport d’une douzaine de pages qui met en avant les risques de ce projet. Selon eux, Dragonfly ferait de Google un collaborateur « du parti communiste au pouvoir et de son système autoritaire » et qu’il serait forcément impliqué dans « le flicage et la surveillance » des citoyens chinois. Par ailleurs, le rapport souligne que le groupe n’aurait pratiquement aucun moyen de s’opposer aux demandes gouvernementales.

Communication bidon

Au niveau éthique, c’est donc particulièrement problématique, surtout pour une entreprise dont le leitmotiv a été pendant longtemps « Ne sois pas méchant ». « Je ne pouvais souscrire en bonne conscience à ce projet tel qu’il a été spécifié », explique Yonatan Zunger, qui faisait partie de cette équipe d’experts. L’homme, qui a quitté Google depuis, n’a même pas eu l’occasion de présenter ce rapport, car la direction n’a pas jugé utile de convier son équipe à une réunion pour le faire.

Une fois que l’existence de ce projet a été révélé par The Intercept en août dernier, la direction a essayé de minimiser le projet. En octobre, Sundar Pichai a expliqué qu’il s’agissait d’un projet « expérimental » dont le lancement final n’était pas certain. Mais d’après les sources de The Intercept, Dragonfly n’a jamais été un projet hypothétique. Dès le départ, il était clair que ce produit allait arriver en Chine. « Ce que Pichai a dit était bidon », a souligné l’une des sources. Selon elles, la direction a essayé de cacher ce projet pour éviter toute résistance interne ou externe jusqu’au jour du lancement final. Mais l’opération « cachotterie » a échoué. Désormais, il n’est pas certain que le projet aille jusqu’au bout.  

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Gilbert KALLENBORN