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Google prépare un moteur de recherche censuré pour la Chine

Une application Android censurant certains mots clefs ou sites web pourrait être lancée dans les six à neuf mois. Le résultat de négociations menées par Sundar Pichai lui-même.

Don’t be Evil (« Ne soyez pas malveillants ») fut longtemps la devise de Google, appelant ses salariés à se comporter de façon bienveillante et notamment à donner un accès impartial à l’information. Des consignes qui semblent bien révolues. The Intercept révèle ce jour les plans du géant du web pour lancer une version censurée de son moteur de recherche en Chine. Le site s’appuie sur le témoignage de salariés scandalisés qui ont également fourni des documents internes confidentiels. Le projet prévoit une version où l’accès à certains sites serait impossible et la recherche de termes comme « droits de l’homme », « démocratie », « religion » ou « manifestation politique » bannie. Du sur-mesure pour le gouvernement de ce pays qui n’a de cesse de surveiller et contrôler l’expression de sa population.

Lorsqu’une personne effectuera une recherche, les sites Web interdits seront supprimés de la première page des résultats, et une clause de non-responsabilité s’affichera indiquant que « certains résultats peuvent avoir été supprimés en raison d’exigences légales ». Mais dans d’autres cas, la censure sera invisible. Parce qu’il sera impossible d’obtenir des réponses en lançant des requêtes avec certains mots clefs ou des phrases entières, tous blacklistés. Images et textes ne remonteront pas dans le moteur de recherche comme s’ils n’avaient tout bonnement jamais existé.

Une application mobile Android

Le projet aurait pour nom de code Dragonfly (libellule, en français) et ne mobiliserait qu’une équipe réduite d’une centaine de personnes. Lancé dès le printemps 2017, il aurait connu une montée en puissance depuis le mois de décembre dernier et la rencontre entre le patron de Google Sundar Pichai et des membres du gouvernement chinois dont Wang Huning, conseiller en politique étrangère du président. A la suite de cette entrevue, Google avait d’ailleurs annoncé la création d’un centre de recherches en intelligence artificielle à Pékin.

Pour le moment, Google se concentre uniquement sur une application Android qui a déjà été dévoilée aux autorités. Il faut dire qu’Android représente 80% du marché des OS mobiles dans le pays. Le lancement pourrait intervenir au cours des six ou neuf prochains mois, suivant le feu vert des fonctionnaires chinois. Il n’est toutefois pas assuré, la guerre commerciale qui se joue actuellement entre les Etats-Unis et la Chine risquant de retarder, voire d’empêcher sa sortie.

Google est actuellement interdit en Chine. Ceux qui tentent d’y accéder ne peuvent le faire qu’en s’équipant d’un VPN mais le gouvernement lutte aussi contre ces derniers en les bloquant dès qu’il parvient à les détecter. Une action qui s’inscrit dans le cadre du « grand firewall », qui vise à filtrer l’Internet depuis 1998 mais qui s’est encore durci depuis 2016.  Google a déjà négocié par le passé avec le gouvernement chinois, allant jusqu’à maintenir une version censurée de son moteur de recherche entre 2006 et 2010. Il avait dû y renoncer devant les critiques sévères que cela avait suscité aux Etats-Unis.

Cette fuite pourrait bien ébranler Google. Maintiendra-t-il son projet maintenant qu’il est démasqué ? Si c’est le cas, cela créerait un précédent extrêmement dommageable dans tous les pays où des dissidents risquent leur vie pour défendre les libertés fondamentales.

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Amélie Charnay