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Et si vous vendiez vos données personnelles ?

Le député Bruno Bonnell et le think tank Génération libre proposent d’instaurer la patrimonialité de la data et d’autoriser sa monétisation. Ce qui hérisse certains experts de la tech.

« La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe ». Cette phrase du penseur Proudhon sert de punchline au collectif qui vient de publier un véritable plaidoyer en faveur d’un droit de propriété sur les données personnelles dans le journal Le Monde. L’argumentation est simple. Les géants du web font signer aux internautes des conditions d’utilisation désavantageuses qui leur permettent d’exploiter leur data gratuitement et de se faire de l’argent avec. Il suffirait donc de devenir propriétaire de ses données pour en reprendre le contrôle et leur redonner de la valeur. A chacun ensuite de décider s’il veut les vendre et en tirer de l’argent.

Parmi les signataires, on trouve des personnalités comme le député LREM Bruno Bonnell, l’ancienne présidente du MEDEF Laurence Parisot ou encore l’écrivain Alexandre Jardin. Et surtout Gaspar Koenig, le président du think tank libéral Génération libre et le véritable héraut de cette idée en France. Il y a quelques semaines, il a publié un rapport intitulé « Mes data sont à moi. Pour une patrimonialité des données personnelles ». Il y propose de créer une plateforme d’échange de données personnelles sur laquelle « on pourrait mettre en vente les données de notre choix et y trouver un acheteur intéressé ». Il se réclame du penseur libertarien et iconoclaste Jaron Lanier qui réfléchit à ce sujet depuis 2013 aux Etats-Unis. 

A qui appartiennent vraiment nos données ?

Une position qui n’a pas tardé à susciter des réactions opposées. A commencer par celui de la présidente de la CNIL Isabelle Falque-Pierrotin qui refuse systématiquement toute approche marchande des données.

Mais la meilleure réponse vient d’être apportée par les chercheurs Serge Abiteboul et Gilles Dowek. Ils ont choisi de publier, eux aussi, leur tribune dans les colonnes du Monde. Invoquer le droit de propriété serait une fausse bonne idée, écrivent-ils en substance. Et monétiser les données ne les protègerait pas plus, ni ne leur donnerait davantage de valeur. « Le fait que les géants du Web tirent une manne considérable de nos données massivement, ne veut pas dire qu’elles ont une vraie valeur individuellement et qu’ils soient prêts à payer pour ces données en réduisant leurs profits », font-ils observer. Ils craignent, en outre, certains effets collatéraux comme le fait que les chercheurs ne puissent plus accéder à certaines informations. Enfin, difficile, selon eux, de déterminer à qui appartiennent vraiment nos données. « Vous postez une photo sur Facebook : est-elle à vous, aux personnes que vous avez photographiées, aux personnes qui vont la tagger, ou à celles qui vont la commenter, la diffuser ? », s’interrogent-ils avec justesse. Et d’appeler à renforcer plutôt le respect de la vie privée que le droit de propriété.

Le débat n’est pas clos et risque désormais d’être porté à l’Assemblée puisque Bruno Bonnell envisage de déposer un amendement en faveur de la monétisation des données personnelles.

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Amélie Charnay