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Et si le véhicule autonome était une catastrophe pour l’environnement ?

Cette technologie pourrait contribuer à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, contrairement aux discours des pouvoirs publics qui en font un élément de la transition énergétique.

L’appel à projets du programme Evra pour  expérimenter des véhicules autonomes en France a été géré en 2018 par l’Ademe. En confiant à l’Agence de la transition écologique le soin de sélectionner les candidats, l’Etat a indiqué clairement qu’il misait sur cette technologie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables en grande partie du réchauffement climatique. Le Plan de relance 2020-2022 a encore accentué ce discours.

Conforter le règne de la voiture

L'un des véhicules autonomes de la RATP assurant la liaison entre la mairie et le Bois de Vincennes.
01net.com – L’un des véhicules autonomes de la RATP assurant la liaison entre la mairie et le Bois de Vincennes.

Le problème, c’est que cette technologie ne garantit pas du tout en soi d’être plus vertueuse que les modes de transports actuels. C’est ce que souligne cette semaine un rapport de l’association de la Fabrique écologique réalisé à la demande du Forum Vies Mobiles, un think tank de la SCNF. Les transports de marchandise ont été exclus de l’étude qui a passé au scanner la littérature scientifique disponible sur le sujet.

Contrairement aux idées reçues, cette technologie ne porte pas la promesse d’un bouleversement majeur. « Ce n’est pas une innovation de rupture mais de continuité », a souligné Jill Madelanat, l’une des autrices du rapport, lors d’une conférence en ligne.
La continuité avec le système que nous connaissons actuellement qui est celui de la domination de la voiture. « Les villes et les territoires ont été façonnés au profit de la voiture avec ses externalités bien connues comme la pollution de l’air, sonore ou encore les accidents », fait aussi observer le directeur du Forum Vies Mobiles, Christophe Gay. Un modèle qui continue de se diffuser toujours davantage et qui ne sera pas remis en question par les véhicules autonomes.

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Des véhicules lourds et bardés de capteurs

Il y a ensuite un problème de calendrier. Déployés de façon extrêmement progressive, les véhicules autonomes ne sont pas attendus à grande échelle avant dix ou vingt ans. Or, il y a urgence à engager des changements dès maintenant si l’on veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Les différents études sur l’impact des véhicules autonomes sont partagées concernant la consommation à venir. Certaines prévoient une conduite plus économe et fluide ayant pour résultat une économie d’énergie. Mais il est plus probable que ce soit l’inverse qui se produise.
Bardés de capteurs et de batteries,  munis d’un système informatique et de nouveaux dispositifs de loisirs, les véhicules autonomes seront plus lourds. Ils consommeront donc plus d’énergie.

Les quatre boutons à portée de main des passagers dans la voiture autonome de Waymo.
Waymo – Les quatre boutons à portée de main des passagers dans la voiture autonome de Waymo.

Infrastructures changées, données décuplées

Mais ce ne sera pas le seul impact environnemental. Il va falloir changer les infrastructures routières comme la signalisation et le marquage au sol, installer des barrières de séparation entre les voies ou encore installer des unités de bords de route. Tous ces nouveaux équipements, notamment les capteurs et les batteries, vont émettre des gaz à effet de serre lors de leur production, consommer des ressources non renouvelables et poser problème en fin de vie pour être recyclés.

Enfin, ce nouveau mode de transport va générer des quantités très importantes de données et nécessiter de se connecter à des réseaux de télécommunications très performants comme la 5G. Ce qui aura là encore un impact sur l’environnement.

La navette autonome serait le scénario le moins risqué

L’impact global des véhicules autonomes dépendra en fait du scénario qui s’imposera. Quelle taille de véhicule ? Quelle distance ? Combien de personnes transportées ? Quelle fréquence ? Le scénario le moins risqué serait celui d’une navette autonome déployée en milieu rural ou péri-urbain.
Mais cette dernière option ne sera peut-être pas la plus répandue, les constructeurs automobiles, comme Renault, BMW ou Tesla, misent plutôt sur la voiture individuelle et les grands de la tech sur les robots-taxis. C’est le cas d’Alphabet, et de son service Waymo, qui fonctionne déjà aux Etats-Unis.

Quel que soit le scénario qui se généralisera, des effets rebonds sont redoutés. « Les véhicules autonomes pourraient inciter à parcourir davantage de kilomètres et générer de l’étalement urbain », souligne Jill Madelanat.  
On peut craindre aussi que les navettes autonomes fassent concurrence aux transports en commun ou à des modes de déplacement doux comme le vélo ou la marche.
Ce sera notamment le cas avec l’expérimentation de la RATP qui doit relier les gares parisiennes de Lyon, Bercy et Austerlitz que les voyageurs rejoignaient jusque-là à pied.

Un choix politique

Pour la Fabrique écologique, le véhicule autonome n’est pas un choix technique, mais un choix de société. On a envie d’ajouter : un choix politique. Le rapport souligne que les pouvoirs publics consentent à investir de gros moyens dans cette technologie en espérant de l’autre côté pouvoir réduire les coûts de fonctionnement des transports publics en supprimant des conducteurs.  Mais est-ce vraiment un bon calcul financier et social ?

Faut-il également chercher à se déplacer toujours plus, alors que bon nombre d’habitants aspirent à rayonner davantage dans leur quartier ? Ne peut-on pas investir davantage dans des solutions low tech et développer des modes de transport moins lourds et moins complexes pour des trajets de proximité ? Le débat est lancé.

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Amélie CHARNAY