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Dans les secrets du design de Renault

Pour rester dans la course, les constructeurs doivent faire preuve d’innovation. Visite du centre de design de Renault.

Guyancourt, dans les Yvelines, au Technocentre de Renault. Pour arriver au cœur du département design, le centre stratégique du constructeur automobile, il a fallu changer deux fois de badge, passer trois portes sécurisées et être accompagné par Denis Visconte, le directeur adjoint qualité et process développement design. On ne plaisante pas avec les avant-projets. C’est dans ce département que se décide l’avenir du constructeur, les choix de design et de techniques pour les dix ans à venir. Il faut dire que, face à une concurrence toujours plus féroce, il faut faire preuve d’innovation et de réactivité. Et ne pas se tromper ! C’est là que l’informatique entre en jeu, en facilitant la tâche des concepteurs et des décideurs. Petite immersion dans l’ultramoderne ? et ultrasecret ? Renault Design

La vitesse de renouvellement des modèles a dicté un nouveau mode de travail

Impossible aujourd’hui de continuer à travailler comme au bon vieux temps, à l’époque des feutres et des maquettes. Renault l’a compris depuis bien longtemps. Sa première présentation virtuelle remonte à 1989, il y a plus de vingt ans ! Depuis, l’informatique s’est imposée dans les bureaux de design. Elle facilite la gestion des données, les échanges entre les bureaux d’études. Elle permet de travailler sur des fichiers directement exploitables par la suite pour la fabrication. Elle permet aussi d’accélérer la présentation des projets, comme au département design

Maquette : du réel au virtuel

Lors du renouvellement d’une voiture, un “ concours ” interne est lancé dans les différents bureaux de style du constructeur. Le Technocentre centralise le travail des bureaux localisés à Paris, Bucarest (Roumanie), Sao Paulo (Brésil), Bombay (Inde) et Kiheung (Corée du sud). Il y a dix ans, il fallait effectuer une première sélection sur dessin. Puis venait la phase des maquettes à l’échelle 1/5e. Enfin, les projets finalistes étaient présentés sous forme de maquettes grandeur nature (échelle 1). Autant dire que le nombre de projets réalisables était limité et les choix pas franchement évidents…Avec le déploiement de l’informatique a été mis en place un ensemble d’outils de création numérique et de présentation virtuelle, le “ Process G3D ”, pour Global Digital Design Development

Un écran de 9 mètres sur 2 pour afficher des images ultraréalistes

Face à nous, un écran immense de 6,15 x 2,30 mètres, pour une résolution de 3 000 x 1 000 pixels ; le premier du genre en Europe lors de son inauguration en 1999. Depuis, un écran encore plus grand, le PowerWall de 9 mètres sur 2, remplit le mur d’une autre salle de Renault Design. Un bel écran de cinéma, sauf qu’il est possible de profiter de l’image sans être dans le noir. Et donc de travailler en même temps que l’on regarde une vidéo.Un impératif technique auquel la rétroprojection a permis de répondre. Trois énormes vidéo-projecteurs synchronisés prennent place derrière l’écran. Pour le public, l’image est parfaite et on peut passer devant l’écran sans couper le faisceau de lumière. Photos et vidéos de véhicules défilent sous nos yeux. Sans qu’il n’y paraisse, tout n’est qu’image de synthèse ou presque. Effets de matière, ombres, reflets… Ici, le niveau de précision ne permet plus à l’œil de faire la différence entre le réel et le virtuel. Pour arriver à cette prouesse, les “ modeleurs numériques ” utilisent des logiciels du commerce tels que AutoStudio et Maya d’Autodesk, les mêmes qu’utilise le cinéma. Pour passer à la vidéo, il a fallu filmer des décors et y ajouter le véhicule numérique. Un désert brésilien, une rue de Bombay… Des mires balisent les décors réels afin de pouvoir ensuite caler la voiture dans son environnement.Puis est apparu le décor numérique. Le premier remonte à 2004, avec le concept-car Fluence. Aujourd’hui, les décors sont créés de toutes pièces, comme ceux des jeux vidéo, mais en bien plus précis. Pour le jeu Need for Speed, par exemple, Renault a fourni un modèle numérique de la Mégane Coupé… mais il a été contraint d’en dégrader la qualité

Des présentations à couper le souffle pour des décisions ultrarapides

Pour se décider, les dirigeants ont donc aujourd’hui sous les yeux des photos et des vidéos représentant le véhicule en situation dynamique : dans la circulation, sur une route de campagne, à côté de personnages ou de véhicules contemporains. De quoi imaginer son impact dans l’environnement, chose impossible à réaliser à l’époque des maquettes “ en dur ”.Ce sont de puissants PC, de marque HP tournant avec Windows, qui permettent de réaliser les vidéos. L’équivalent de 300 ordinateurs actuels, empilés sur des structures métalliques, fonctionnant de concert. Réaliser 30 secondes de film à 25 images par seconde nécessite environ deux heures de calcul. Quant aux équipements de la salle de projection, ils sont évalués à environ 200 000 euros, ce qui est très peu pour un tel centre de design. Le savoir-faire pour sa mise en œuvre et son intégration dans le process de développement, lui, n’a pas de prix.Le département design produit ainsi plus de 4 000 films par an pour répondre aux besoins du groupe, que ce soit pour Renault, Dacia, pour des prototypes, du restyling, une identité visuelle… La chaîne créative est respectée, elle s’est juste adaptée à la technologie : le designer produit son projet qu’il met en forme avec un maquettiste numérique. Son savoir-faire est aussi important que lorsqu’il travaillait la clay, une sorte d’argile synthétique à modeler. Il faut au minimum une semaine au maquettiste pour réaliser un extérieur de voiture à partir des plans numériques

L’avenir ne passera pas par la 3D stéréoscopique

Et demain ? Pourra-t-on présenter les véhicules en 3D relief ? Denis Visconte n’y croit pas dans l’immédiat : “ Nous avons déjà essayé ce type de visualisation. C’est spectaculaire, mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous et tout le monde ne voit pas la même chose en fonction de sa place dans la salle. ” Non, le rêve du directeur du G3D ne se nomme pas 3D stéréoscopique. Pour lui, deux solutions pourraient révolutionner la prospection design : l’hologramme et la stéréolithographie (voir Micro Hebdo n° 557). Cette dernière technologie permet l’impression d’un objet en volume, une manière d’obtenir une maquette de façon très rapide. Pour l’heure, ce procédé existe à petite échelle (1/10e). Pour les gros volumes, il faut encore passer par une fraiseuse, technique autrement plus compliquée. Passer très rapidement d’un modèle numérique à un objet ? et inversement ? serait l’avancée attendue par bon nombre de concepteurs. Rendez-vous dans quelques années

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Vincent Frappreau