Passer au contenu

« Consentir ou payer » : si l’UE valide le système de Meta, la protection de nos données personnelles sera mise à mal, selon ces ONG

23 associations demandent, dans une lettre ouverte au Comité européen de la protection des données (EDPB), de ne pas valider le modèle du « Payer ou consentir » de Meta, la maison mère de WhatsApp, Facebook et Instagram, mis en place en novembre 2023. Le groupe de Mark Zuckerberg n’aurait qu’un objectif : contourner à des fins commerciales les règles protégeant la vie privée en vigueur au sein de l’Union européenne, taclent les associations. En cas de feu vert, les ONG craignent que le modèle soit adopté par d’autres plateformes, mettant à mal la protection des données personnelles prévue par le RGPD.

Alors que le Comité européen de la protection des données (EDPB) se prononcera mercredi 17 avril sur le nouveau système « Payer ou consentir » de Meta, 23 ONG appellent l’Europe à refuser un tel modèle mis en place par la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. Dans une lettre ouverte publiée le lundi 15 avril, les associations européennes, comme Wikimedia Europe, EDRi European Digital Rights et Access Now, demandent au comité européen de s’opposer à un tel système.

L’EDPB, qui veille à la bonne application du règlement européen sur les données personnelles (RGPD), étudie depuis plusieurs semaines ce type de modèle  – Meta n’est pas le seul à l’avoir déployé. Le comité rendra un avis sur ce système du « Payer ou consentir » en général – et non spécifiquement sur celui de Meta. Il devrait publier tout prochainement des « lignes directrices » à ce sujet, et se réunit mercredi 17 avril pour trancher la question. Et pour les ONG, sa décision est primordiale. Elle déterminera « le paysage futur de la protection des données au sein de l’Espace économique européen et au-delà », écrivent-elles. D’où cette dernière lettre, après différents appels et actions entreprises contre le « Pay or Consent ».

Un faux choix, selon les ONG

Le système du « Payer ou consentir » de Meta, mis en place en novembre dernier, consiste à avoir deux options. Soit l’utilisateur accepte que ses données personnelles soient collectées, auquel cas, il accède aux plateformes « gratuitement ». Soit il paie un abonnement payant et évite ainsi d’être la cible de publicité ciblée. Pour ce faire, il faut désormais payer 9,99 ou 12,99 euros par mois. Ce nouveau système a été mis en place par Meta après plusieurs déconvenues judiciaires.

Comme nous vous l’expliquions, Meta a été contraint, suite à plusieurs décisions de justice européennes, de respecter le RGPD. Ce texte nécessite le recueil d’un consentement éclairé avant tout traitement de données personnelles.

Mais pour les associations, la nouvelle alternative de Meta – tu consens ou tu paies – n’a rien d’un consentement éclairé. Elle constitue (à nouveau) un « effort pour contourner les réglementations européennes sur la protection des données au nom d’un avantage commercial ». Les ONG demandent à l’EDPB « de ne pas soutenir cette stratégie et de plaider au contraire en faveur de protections solides qui privilégient le contrôle des personnes sur leurs données », peut-on lire dans la lettre ouverte.

Avec un tel prix, le refus d’être suivi réservé à ceux qui en ont les moyens ?

Il faut « mettre l’accent sur le besoin de choix authentiques  (…) et contribuer à garantir les droits fondamentaux des individus dans l’EEE  (l’espace économique européen) », plaident les associations, au rang desquelles se trouve aussi NOYB, l’association du juriste autrichien Max Schrems.

Les ONG de défense des droits numériques étaient déjà montées au créneau ces dernières semaines, en envoyant une lettre similaire au même Comité européen de la protection des données, le 16 février dernier. Elles y dénonçaient un choix qui entraîne « un taux de consentement encore plus élevé, de plus de 99,9 % ». Avec un tel prix d’abonnement, les droits fondamentaux – et le fait de refuser la collecte de ses données personnelles – sont réservés à ceux qui en ont les moyens, regrettaient-elles.

La crainte de voir ce modèle adopté par tous, s’il est validé par le comité

Cette fois, les associations prennent soin d’ajouter à leur argumentaire l’ouverture d’une enquête de la Commission européenne fin mars : l’exécutif européen y liste bien le modèle de Meta, qu’il a dans le collimateur depuis des mois.  Or, « l’article 5(2) du Digital Markets Act (DMA) exige que les plateformes obtiennent un consentement de l’utilisateur au sens de l’article 4(11) du RGPD », le règlement européen sur les données personnelles, rappellent les associations. Ce qui explique que la Commission « s’inquiète du fait que le choix binaire imposé par le modèle “payer ou consentir” de Meta pourrait ne pas offrir une véritable alternative », écrivent les ONG.

À lire aussi : Mais pourquoi l’Europe tient-elle autant à casser les pieds d’Apple, de Google et de Meta ?

Le consentement « ne peut, en effet, être valable que si la personne concernée peut exercer un véritable choix » – ce qui ne serait pas le cas chez Meta, puisque l’utilisateur doit payer pour refuser la collecte de ses données personnelles. Si on valide ce modèle, on « perpétuerait un système qui privilégie les intérêts commerciaux aux droits individuels », estiment les ONG. En d’autres termes, en cas de feu vert, d’autres sociétés pourraient aussi adopter un tel système.

À lire aussi : IA : les combines d’OpenAI, de Google et de Meta pour pallier la pénurie de données

Une plainte devant les CNILS européennes

Fin novembre, une vingtaine d’associations européennes, dont l’UFC-Que Choisir, avaient porté plainte contre Meta. Huit d’entre elles, réunies au sein du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), avaient ensuite, en février dernier, porté leur action devant les CNILS européennes. Elles estiment aussi que l’abonnement payant est « un écran de fumée destiné à détourner l’attention du consommateur quant au traitement illicite de ses données personnelles ».

Selon ces dernières, un tel système violerait le RGPD, le règlement européen qui protège nos données personnelles, en ne respectant pas les « principes de traitement équitable, de minimisation des données et de limitation des finalités du RGPD », précise le texte. Meta, que nous avons contacté, a expliqué que son « abonnement sans publicité » était bien, selon l’entreprise, conforme aux lois de l’UE, ainsi qu’aux dernières décisions et jugements rendus par les principales autorités et tribunaux européens. En juillet dernier, nous a précisé Matthew Pollard, le porte-parole de Meta, « la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a approuvé le modèle d’abonnement comme un moyen valable, pour les utilisateurs, de consentir au traitement des données à des fins de publicité personnalisée ». L’avis de l’EDPB, qui devrait être pris dans moins de 24 heures, sera publié dans les prochaines semaines.

Note de la rédaction : cet article a été modifié pour inclure les commentaires de Meta reçus après la publication de l’article. 

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.

Source : Lettre ouverte 15 avril 2024


Stéphanie Bascou
Votre opinion
  1. Le droit à la vie privée est un droit fondamental. On n’a pas à payer pour avoir ce droit. C’est à eux de nous payer avec notre accord si ils veulent nos données personnelles pour faire du business qui leur rapportent des milliards, et non le contraire. Et l’Europe doit respecter ce droit de l’individu. Sans ce droit c’est la porte à la dérive à tous les abus, sociaux, économiques, juridiques, etc,etc.

    1. vous oubliez un autre droit fondamental celui de faire du commerce. Au nom de quoi obligerait-on une entreprise à fournir ses services sans aucune contrepartie ? De quoi vivraient-ils ?

      1. Je suis d’accord sur le fait de payer pour accéder à leur plate-forme, tout service a un prix pourquoi pas, je suis le premier à faire payer mes services… mais pas en échange de données privées Il ne faut pas mélanger les choses. Dans ce cas précis ce n’est plus un consentement mais une contrainte commerciale au dépend du droit privé, juridiquement parlant. C’est comme ci des journalistes entrent dans votre propriété privée, votre jardin, ce font un bon barbecue, jettent leurs ordures dans votre jardin, sans votre consentement, vous extorquent un maximum de données personnelles et privées et vous demandent ensuite de payer pour partir sans divulguer vos informations privées. C’est exactement la même chose. Accepteriez vous de payer ? Personne n’accepterait et les responsables de meta, les premiers. Allez relever des données privées et personnelles aux responsables de Meta sans leur consentement, et vous verrez leurs réactions. Dans notre cas il ne faut pas jouer avec les mots “payer ou consentir”, ce n’est plus du consentement mais une contrainte commerciale voire même du chantage, “payer et on ne divulguera pas vos données personnelles”, je crois en la juridiction européenne, l’Europe apporte l’équilibre nécessaire et fondamentale au droit de l’individu au niveau planétaire, dans ce train à très grande vitesse, dans ces nouveaux domaines technologiques (géniales mais qui peuvent être aussi très dangeureuses si on ne fait pas attention). Vous avez soulevé un problème fondamentale, merci pour votre réaction, Merci à l’Europe.

        1. votre comparaison ne tient pas la route. En l’occurrence vous avez vraiment le choix ne pas aller sur le site, aller sur le site et accepter les cookies ou payer vous êtes prévenu à l’entrée pas à la sortie il ne faut pas tout mélanger.

  2. ben il y a aussi un troisième choix , supprimé les reseaux qui fonctionnent de la sorte et basculer sur une alternative qui ne prend pas les gens pour des pigeons …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *