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Comment Qualcomm espère que ChatGPT va chambouler le marché des PC en 2024

Six ans après s’être lancé dans le marché des processeurs pour PC avec ses puces Snapdragon, le concepteur américain de puces tout-en-un Qualcomm croit son moment venu. La raison de sa confiance est la montée en puissance des IA génératives et l’avantage qu’ont les NPU sur les CPU et GPU dans ce domaine.

« Nous sommes au début d’un changement majeur de l’informatique ». Ces paroles prononcées par le fondateur et PDG de Nvidia lors de la conférence d’ouverture du Computex de Taipei, les hauts cadres de Qualcomm en sont, eux aussi, convaincus. Mais alors que Nvidia s’est fait l’archi-leader du marché des IA dans les super calculateurs et le cloud, le champion des puces pour smartphones qu’est Qualcomm le voit sous un autre angle : celui de son avènement potentiel dans le monde du PC.

Kedar Kondap, Kedar Kondap. SVP and GM, Compute et Gaming chez Qualcomm.
Kedar Kondap, Vice-Président Sénior et directeur général de la division “Compute & Gaming” chez Qualcomm. © Adrian BRANCO / 01net.com

Six ans après que l’Américain a annoncé avec Microsoft l’arrivée de ses puces ARM pour des PC, Qualcomm croit voir en sa prochaine puce le moment où les technologies vont basculer en sa faveur. « Définitivement, 2024 sera l’année où tout va changer pour nous », assure Kedar Kondap, grand chef des puces PC chez Qualcomm. « Cela fait des années que le PC n’a pas suffisamment évolué. Le tournant est pour nous l’avènement des IA génératives comme ChatGPT ou Stable Diffusion ». Cette assurance, le quinquagénaire la tient de l’actualité récente et du savoir-faire acquis dans le monde du smartphone.

A lire aussi : L’IA dans votre PC : Intel donne des détails sur le NPU de vos futurs ordinateurs portables (mai 2023)

« Le succès mondial de ChatGPT ou encore de Stable Diffusion ces derniers mois ne sont que le début de la révolution des IA. C’est le début d’un changement majeur dans l’industrie avec l’avènement du NPU. Et chez Qualcomm, cela fait des années que nous développons et intégrons des NPU dans nos processeurs. Qu’il s’agisse de puces Snapdragon pour smartphones, ou celles pour PC », rappelle Kedar Kondap. « À l’heure actuelle, seules nos puces Snapdragon 8cx sont à même d’exécuter Windows Studio Effect (*) grâce au NPU intégré dans nos SoC ». Alors qu’AMD ne dispose que d’un processeur IA théorique et qu’Intel ne devrait intégrer un NPU pour la première fois que dans sa 14e génération de puces Core prévue pour fin 2023/début 2024, Qualcomm a en effet de nombreuses années d’expériences dans le domaine. Et prédit que ce sera sa chance.

(*) : une application de Microsoft intégrée dans les Windows 11 de machines étant équipées de NPU qui permet de gérer de manière très fine les effets et autres améliorations de la webcam dans Windows.

Du CPU au GPU, et du GPU au NPU

Pour des applications comme le suivi du visage, les NPU consomment très nettement moins d'énergie que les CPU et GPU. © Adrian BRANCO / 01net.com
Pour des applications comme le suivi du visage, les NPU consomment très nettement moins d’énergie que les CPU et GPU (ici quasiment 140 fois moins !). © Adrian BRANCO / 01net.com

« Il y a eu plusieurs évolutions dans le marché du PC : d’abord, le CPU fut central. Puis le GPU est devenu incontournable. Et chez Qualcomm, la montée en puissance des IA nous font penser que ce sont les NPU qui vont devenir, à terme, les puces (*) les plus importantes à mesure que les usages se développent ». Mais la question est là : quels sont les usages qui vont permettre au NPU de décoller ? Et quels seront les bénéfices immédiats pour les utilisateurs ?

« Nous ne savons pas encore quelles seront les ‘’les killer apps’’ de demain. Aujourd’hui, en plus du Windows Studio Effect, il y a des éditeurs logiciels comme Luminar qui utilisent les NPU sur PC. Et il y a bien sûr Microsoft Copilot qui va révolutionner la manière d’utiliser Office ». Quant au bénéfice du NPU sur ces applications, il se résume en un mot : énergie. « Vous pouvez assurément exécuter de nombreux modèles et algorithmes IA avec les CPU et GPU. Mais les NPU sont d’une tout autre magnitude en matière d’efficacité énergétique ! La consommation des NPU dans certaines tâches est très inférieure à celles des autres types de puces », assène Kedar Kondap.

(*) : Monsieur Kondap parle ici de puce logique, c’est-à-dire d’une partie de puce spécialisée au sein d’une puce tout-en-un (qui contient des parties CPU, GPU, NPU, réseau, etc.)

Un NPU pour séduire, un nouveau CPU pour… rattraper les autres

Oryon, le "super" cœur CPU maison de Qualcomm, devrait permettre à l'entreprise de venir concurrencer Intel, AMD mais aussi Apple en matière de puissance. © Adrian BRANCO / 01net.com
Oryon, le “super” cœur CPU maison de Qualcomm, devrait permettre à l’entreprise de venir concurrencer Intel, AMD et aussi Apple en matière de puissance. © Adrian BRANCO / 01net.com

Le temps dira si le NPU prend éventuellement la place centrale que Qualcomm lui prédit. Il n’en reste pas moins que pour l’heure, l’Américain n’a pas réussi à percer. Si une partie de cet état de fait tien au logiciel (lire après), il y a aussi une raison matérielle : la partie CPU de ses puces n’était pas au niveau de celles d’Intel et d’AMD. Une situation qui pourrait changer à la fin de l’année avec l’arrivée de ses premiers cœurs CPU customs, les fameux Oryon. Des cœurs à propos desquels Kedar Kondap sait tout, mais ne peut pas dire grand-chose.

A lire aussi : Qualcomm dévoile Oryon, le cœur de son arme anti Apple M1 (novembre 2023)

« Comme nous vous l’avions annoncé en fin d’année dernière, c’est lors de notre prochain Snapdragon Summit en fin d’année que nous vous présenterons notre future puce pour PC et les cœurs CPU Oryon. Je ne peux malheureusement rien partager de spécifique à propos de cette puce », s’excuse le haut cadre de Qualcomm. Et quand on lui demande quel sera le gain de performances par rapport à la génération actuelle (Snapdragon 8cx Gen 3), il sourit. Et répond « Significativement supérieur ! ». Quant aux questions touchant à la bisbille avec ARM dont nous vous avons déjà beaucoup parlé, l’ingénieur en chef botte ici en touche : « Je ne peux faire aucun commentaire sur les affaires légales en cours ». Mais il a cependant pu commenter nos remarques et questions à propos du développement logiciels sous Windows ARM.

L’écosystème logiciel ARM Windows passe en “phase 3”

Après une phase Windows 10 très difficile, l’arrivée de l’émulation x64 vers ARM 64 a permis à Windows 11 ARM d’afficher de meilleures performances. Mais tout n’est pas encore parfait dans le monde des applications Windows. Et ce quand bien même Microsoft propose ses propres machines sur processeurs Qualcomm customs (les Surface Pro X avec les puces SQ, des Snapdragon un peu remaniés), les performances n’ont jamais été stellaires.

« Nous savions qu’arriver dans le monde Windows serait une tâche longue et difficile. La première phase était que les applications se lancent. La seconde, était de voir arriver des applications natives, et c’est déjà le cas avec des partenaires comme Adobe. Nous entrons en phase trois, où les applications vont commencer à être optimisées pour le calcul hétérogène (*). Nous n’en sommes qu’au début et cela va encore prendre un peu de temps. Mais l’arrivée des LLM à la ChatGPT, de Copilot, etc. vont accélérer le mouvement », assure l’ingénieur.

Ici, difficile de donner tort à Qualcomm : il a fallu attendre quelques années, mais de nombreux logiciels comme ceux d’Adobe font désormais très largement appel au GPU pour l’exécution de certaines fonctions spécifiques. Il reste cependant aux concepteurs de puces à offrir tous les outils pour faciliter le travail des développeurs. Il n’empêche que le grand fautif reste Microsoft : alors qu’Apple a effectué de manière quasi transparente le passage de PowerPC à x86 et de x86 à ARM, cela ne fut pas aussi facile sous Windows par manque d’un logiciel aussi puissant et bien fait que Rosetta.

(*) : c’est-à-dire des applications dont tout ou partie des fonctions sont optimisées pour être exécutées, selon les besoins, sur les CPU, GPU et/ou NPU.

Le marché PC est très important pour Qualcomm

Qualcomm n'hésite pas à se comparer à certaines puces de chez Intel, surtout dans les cas où son NPU lui permet d'avoir l'avantage. © Adrian BRANCO / 01net.com
Qualcomm n’hésite pas à se comparer à certaines puces de chez Intel, surtout dans les cas où son NPU lui permet d’avoir l’avantage. © Adrian BRANCO / 01net.com

Alors que les smartphones représentent 1,5 milliard d’unités par an, celui des PC ne représentait que 286,2 millions de machines en 2022, selon le cabinet Gartner. La question est donc de savoir si tout l’investissement de Qualcomm sur plus de six ans avait du sens. Et Kedar Kondap répond sans la moindre hésitation : « Tout à fait. Oui, il y a eu de fortes baisses après le pic du COVID, mais le marché du PC reste constant et représente tout de même de gros volumes », assure-t-il.

© Adrian BRANCO / 01net.com

Avant d’ajouter que « comme je vous l’ai dit, nous sommes convaincus que nos usages PC vont évoluer. Les modèles de LLM vont s’affiner, se spécialiser. De plus, il n’est pas toujours rentable ni souhaitable de les exécuter dans le cloud. Autant pour des raisons de coûts, de latence que pour des raisons de vie privée », rappelle Kedar Kondap. Un avis partagé par les cadres d’Intel que nous avons rencontrés en début de Computex qui assuraient que « chaque interrogation de ChatGPT coûte 6 cents ».

« Nous pensons que l’inférence dans les appareils, c’est-à-dire exécutée au plus proche des données et des capteurs, sera complémentaire de l’inférence dans le cloud. Et avec nos années d’expérience dans les NPU, nous sommes convaincus que nos puces auront un avantage très significatif sur les acteurs historiques », assure-t-il. Rendez-vous donc en fin d’année 2023 pour découvrir si la future puce PC hautes performances de Qualcomm sera techniquement et logiciellement au niveau.

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Adrian BRANCO