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Comment les « radars sonores » pourraient bientôt sanctionner les véhicules trop bruyants

Un dispositif breveté permet de localiser les bruits dans l’environnement. Il est d’ores et déjà déployé dans les quartiers animés de Paris et pourrait, d’ici à deux ans, servir à verbaliser les automobilistes et les motocyclistes.

Voilà une innovation technique que les gilets jaunes ne risquent pas d’apprécier. Les forces de l’ordre pourraient bientôt s’appuyer sur des radars automatiques acoustiques pour sanctionner les véhicules trop bruyants. De premières installations expérimentales sont en cours en Île-de-France pour tester et valider un dispositif technique breveté et créé par Bruitparif, un centre d’évaluation technique de l’environnement sonore.

Baptisé « Méduse », l’appareil est capable non seulement de détecter les dépassements de seuils acoustiques, mais aussi de les localiser et de les placer sur une image sous la forme d’une marque hexagonale. Son nom est inspiré de la forme de l’objet, composé d’un « bonnet » en dessous duquel sont fixés quatre microphones disposés en tétraèdre.

Bruitparif – Le capteur “Méduse”

Une première « Méduse » a été placée en vallée de Chevreuse en juillet dernier, le long de la RD91. Appelée « Route des 17 tournants », celle-ci est particulièrement prisée par les motocyclistes et les conducteurs de voitures sportives… au grand regret des riverains. Un deuxième capteur devrait bientôt être installé à un autre endroit de la RD91. Trois autres devraient ensuite être activés en milieu urbain, deux à Paris et un à Villeneuve-le-Roi.

Pour l’instant, aucune sanction ne pourra découler des mesures de ces capteurs. Pour cela, il faudra attendre la promulgation, d’ici à la fin du mois, de la loi d’orientation sur les mobilités et de son amendement n° 2984. Celui-ci prévoit — pour la première fois — l’usage « d’appareils de contrôle automatique » pour « la constatation des niveaux sonores des véhicules ». Toutefois, l’introduction de cette technologie dans l’arsenal répressif des forces de l’ordre ne se ferait qu’au terme d’une période d’expérimentation de deux ans.  

Bruitparif – Exemple de mesures sur route

De toute façon, sur le plan technique, les capteurs « Méduse » ne sont pas encore au point pour remplir cette mission. Pour visualiser les sources de bruit, les modèles actuellement déployés intègrent un appareil photo à 360° qui prend des clichés floutés toutes les 15 minutes. Or, la fonction de « radar sonore » suppose un traitement en temps réel, et donc de pouvoir gérer des flux vidéo. Par ailleurs, afin de verbaliser les conducteurs, ces capteurs doivent pouvoir s’interconnecter avec les lecteurs de plaques d’immatriculation utilisés par les forces de l’ordre. Enfin, une donnée essentielle reste encore à définir par les autorités, à savoir les seuils acoustiques qui déclencheront l’amende. Sur ce point, on peut s’attendre à une belle bataille entre les associations d’automobilistes et les associations de riverains.

La révolte gronde sur la Butte aux Cailles

Mais il n’y a pas que sur les routes que la « Méduse » fait grincer des dents. Le dispositif a également été déployé par la Mairie de Paris à une quarantaine d’endroits, dans des quartiers animés de la Capitale : quai François Mauriac, port de la Rapée, les Halles, République, Marais, canal Saint-Martin, bassin de la Villette.

Bruitparif – Déploiements dans les quartiers animés de Paris

Quelques capteurs vont également être accrochés dans le quartier de la Butte aux Cailles. Or, dans ce lieu emblématique de la Commune de Paris, un début de révolte commence à se faire sentir. Une association de commerces du quartier a lancé une pétition pour s’opposer à ces « micros photos », un déploiement qu’elle assimile à un acte de « surveillance » visant à « contraindre [leurs] agissements, [leur] expression dans les lieux publics ».

Change.org – Pétition en ligne contre les “méduses” sur la Butte aux Cailles

Du côté de Bruitparif, on se montre zen. « C’est vrai que les commerçants de la Butte aux Cailles ont l’air particulièrement hostiles. Mais généralement, après un peu de pédagogie, cela se passe très bien », nous explique Fanny Mietlicki, directrice de Bruitparif, qui rappelle que le capteur n’enregistre aucun contenu audio, mais ne mesure que des décibels, et que les images sont automatiquement floutées.

« L’objectif, c’est d’objectiver les nuisances sonores. Le développement de la Méduse a démarré en 2016 en partant du constat qu’il était difficile de localiser les sources de bruit dans un milieu urbain très dense. Ce dispositif aide à la compréhension des phénomènes et permet d’avoir un dialogue entre les différents acteurs », souligne la directrice. Par le passé, le capteur a permis, par exemple, d’identifier une source de nuisance sonore au niveau de la péniche de concert Batofar : un hublot resté ouvert pendant la nuit laissait échapper la musique dans le quartier. Désormais, celui-ci reste bien fermé.

Enfin, signalons qu’une vingtaine de « Méduses » sont également déployées sur les chantiers du Grand Paris Express, pour aider au dialogue entre les entreprises et les riverains.

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Gilbert Kallenborn