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Comment les opérateurs télécom ont déjà tenté de tuer la neutralité du net

Aux Etats-Unis, les opérateurs pourraient être autorisés à facturer l’accès à certains sites ou services. Par le passé, ils sont nombreux à avoir essayé de passer entre les mailles de la neutralité du Net.

Outre-Atlantique, Ajit Pai est probablement l’homme le plus apprécié par les opérateurs et le plus détesté par les acteurs de la Silicon Valley. A la tête de la Federal Communications Commission (FCC), l’agence américaine de régulation des télécommunications, il milite pour l’abolition de règles établies sous l’administration Obama. Pour préserver la neutralité du Net, elles empêchent les opérateurs de limiter l’accès à certains sites ou de facturer des services gourmands en données – comme Netflix. Pour les clients, le risque est réel : par le passé, nombreux sont les opérateurs qui ont tenté de compartimenter leurs offres, notamment pour lutter contre des services concurrents.

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La bataille contre les appels gratuits (2005-2012)

Avant la démocratisation des forfaits illimités, les appels vocaux étaient au centre de la stratégie des opérateurs. Avec l’arrivée de la 3G puis de la 4G, ils ont été concurrencés par des applications utilisant la voix sur IP (VoIP). Des alternatives parfois bien moins coûteuses pour les clients, qui ont rapidement rencontré le succès. Dès 2005, l’opérateur local Madison River Communications décidait de bloquer les appels VoIP. Rappelé à l’ordre par Michael Powell, alors à la tête de la FCC, l’entreprise a dû faire machine arrière.

Sept ans plus tard, les protagonistes se nomment AT&T et Apple. En 2012, l’opérateur décide de réserver l’utilisation de FaceTime en 3G à ses clients profitant des forfaits les plus onéreux. Pour les autres, seule une utilisation en Wi-Fi est alors possible. D’abord assumée par la firme américaine, la décision est remise en cause quelques semaines plus tard sous la pression des défenseurs de la neutralité du Net. Quelques années plus tôt, AT&T avait bloqué l’accès à Skype, toujours pour éviter de faire baisser la facture téléphonique de ses clients.

Les opérateurs vs Google (2011-2013)

Apple n’est pas le seul géant à avoir été visé par les opérateurs américains. En 2013, AT&T, Verizon et T-Mobile s’allient contre Google. Tous trois lancent une application de paiement mobile baptisée Isis. Pour l’imposer à leurs clients, ils décident de priver ces derniers de Wallet, l’application de Google, rendue incompatible avec les smartphones qu’ils distribuent. Par la suite, Isis sera renommé Softcard, avant d’être racheté par Google. Softcard disparaît définitivement en 2015 au profit de Wallet.

En 2012, Verizon contraint Google à retirer du Play Store des applications permettant le partage de connexion. Le but étant de préserver sa propre option, facturée 20 dollars. Après une enquête de la FCC, l’opérateur a dû régler 1,25 million de dollars au Trésor américain et autoriser ses clients à télécharger librement les applications permettant de transformer leur smartphone en point Wi-Fi.

Comcast vs BitTorrent (2007-2010)

Les entorses à la neutralité du Net concernent également le téléchargement de films et séries, surtout lorsque l’opérateur propose ses propres services de vidéo. En 2008, la FCC a reproché à Comcast d’avoir volontairement ralenti les vitesses de transfert des fichiers torrent pour inciter ses clients à se tourner vers ses services. Ces pratiques avaient été sanctionnées par l’autorité de régulation américaine, qui avait prié à Comcast d’y mettre fin. Une décision aujourd’hui critiquée par Ajit Pai, pour qui la FCC n’aurait pas dû intervenir.

Des usages européens qui évoluent

En Europe, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) a récemment défini des lignes directrices protectrices de la neutralité du Net. Pourtant, plusieurs opérateurs réservent des offres spécifiques à certaines applications. C’est notamment le cas de Vodafone qui propose de ne pas décompter les données consommées par Netflix ou YouTube, moyennant 7£ par mois (environ 8€). Au Portugal, l’opérateur MEO propose d’allouer une quantité de données supplémentaire à certaines applications, contre 5€ par mois.

Dans les deux cas, ces offres ne privent pas les clients d’un accès à d’autres applications. Mais de fait, cela renchérit le coût induit des services qui ne seraient pas inclus dans l’offre commerciale. Associer des applications à des tarifs spécifiques permet aussi de familiariser le consommateur avec un Internet compartimenté. Du côté des fournisseurs de services et de contenus, être présent dans ces « packs » pourrait devenir indispensable. Une place qui a forcément un coût : Google, Facebook ou Netflix pourraient devoir mettre la main au portefeuille. A terme, ces surcoûts pourraient être répercutés sur les utilisateurs, tout en constituant des barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs.

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Raphaël GRABLY