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Colis Amazon : 3 solutions tardives contre une marée de plastique

Peut-on, chez le géant du e-commerce Amazon, mettre fin aux emballages sur plus de 5 milliards de colis par an ? La réponse est non. Mais dans l’antre de la société à Seattle, des projets se développent et des alternatives sont testées, à l’heure où Amazon n’a jamais autant pollué. 01net s’est rendu sur place.

Il faut compter une petite heure pour rallier le centre de Seattle, dans l’État de Washington, à la BFI1, l’un des principaux centres de distribution d’Amazon au nord-ouest du pays. Le temps nécessaire, aussi, pour que l’activité manutentionnaire de la multinationale déverse dans les océans l’équivalent d’un fourgon entier d’emballages plastiques. Selon la revue Sciences, 10 millions de tonnes de déchets relatifs aux commandes sur Amazon ont pénétré les eaux du monde entier sur l’année 2020.

Au mois d’octobre, 01net s’est rendu près du siège d’Amazon pour découvrir les prémices d’un changement sur la question des emballages. Pour la première fois, la société aux 350 millions de références sur sa marketplace a mis en en marche des machines permettant de ne plus utiliser d’emballage plastique, de films à bulle, mais aussi de sur-emballage inutile. Un sujet particulièrement clivant alors que le point d’inflexion arrive au moment où Amazon n’a jamais autant pollué.

« Amazon est dans le déni »

Il y a trois ans, les déchets du géant de l’e-commerce américain, responsable de plus de 50 % des livraisons de colis dans le monde, atteignaient 271 millions de tonnes. Toujours plus rapides et optimisés, les 5 milliards de colis Amazon livrés par an ont fait encore pire en 2022 avec une hausse de 18 %, pour 321 millions de tonnes. L’ONG Oceana tirait le signal d’alarme au mois de décembre dans un rapport : « Amazon est dans le déni ».

Amazon Seattle Bfi1 Entrepot
À la BFI1, dans l’un des entrepôts Amazon du nord-ouest américain, où la multinationale organisait un événement pour présenter ses dernières nouveautés à la presse © 01net

En 2019, l’année où Amazon a commencé à publier les chiffres sur son impact carbone, une jeune entrepreneuse du nom de Nicole Delma publiait sur Change.org une pétition pour tenter de faire bouger les choses. « Il est injuste qu’autant de plastique soit utilisé dans le monde alors que des options écologiques sûres pour remplacer le papier bulle, le film rétractable et la mousse de polystyrène sont disponibles », écrivait-elle. En quatre ans, elle a rassemblé plus de 700 000 signatures.

Une mise à jour de la pétition est arrivée au cours de l’été dernier, quand Nicole Delma recevait un message, tard le soir, en provenance de la direction d’Oceana. « Chère Nicole, j’ai de bonnes nouvelles : Amazon a publié hier son rapport sur le développement durable dans lequel l’entreprise a signalé une baisse de 11,6 % de son utilisation d’emballages plastiques dans l’ensemble de son réseau opérationnel mondial entre 2021 à 2022 ».

Pas de quoi faire reculer le bilan carbone de la société cela dit. Lui qui atteignait 71,54 millions de tonnes de CO2, en baisse de seulement 0,4 % sur un an, et en hausse de 40 % depuis 2019.

À la BFI1, Amazon sous son meilleur jour

La BFI1 fait partie des complexes dans lesquels Amazon propose depuis 2006 aux vendeurs tiers d’expédier leurs produits pour qu’ils puissent être livrés par Amazon, notamment dans son programme Prime pour des acheminements ultra-rapides.

C’est ici que la société nous a conviés pour découvrir ses dernières machines et ses derniers projets en matière d’emballage. Mais plutôt qu’un centre opérationnel tournant à plein régime, il est surtout un lieu où Amazon ressemble ses expérimentations. Un espace transformé en vitrine à l’occasion d’un événement baptisé « Delivering The Future » destiné à la presse le 18 octobre dernier où un robot humanoïde fut présenté.

Amazon Bfi1 Entrepot Commandes Preparation
Une employée Amazon prépare une commande. Derrière elle, les « pods » stockant les produits dans les entrepôts se déplacent automatiquement grâce à des robots © 01net

Le silence est particulièrement surprenant une fois à l’intérieur. Il faut dire que malgré une grande partie du bâtiment destiné au stockage de « pods » – des grandes étagères où viennent se ranger les marchandises proposées par Amazon et gérées par des robots – les quelques chaînes de préparation des commandes et de mise en emballage sont surtout destinées à nous présenter le fonctionnement de la chaîne logistique de la façon la plus claire possible.

Sur place, pas de trace de plastique. Les colis sont en carton, voire en papier, comme en attestent ceux d’une nouvelle machine permettant d’emballer de la façon la plus optimisée possible les commandes peu fragiles et de petite taille. L’entrepôt ne regorge d’ailleurs que de très compacts colis. Les panneaux indiquant aux salariés les gestes pour s’échauffer avant le travail sont les seuls rappels des exigences d’un rythme élevé en temps normal.

On se retrouve presque dans l’idéal que souhaiterait proposer Amazon – à la fois en termes d’écologie et de conditions de travail.

Amazon Gestes Echauffement Employes
Devant les machines de la BFI1, un panneau rappelle des bons gestes aux employés pour s’échauffer avant leur service © 01net

Deux nouvelles machines d’emballage

La machine permettant d’emballer les colis avec du papier fonctionne sans effort pour le salarié, qui n’a qu’à placer les quelques marchandises au centre avant qu’un long rouleau vienne le recouvrir. Ce papier-là, Amazon le dit résistant à l’eau, aux déchirures. Et il est entièrement recyclé. Il doit remplacer les autres emballages plastifiés. Un premier site, à Euclid dans l’Ohio a remplacé ses anciennes machines pour ce nouveau matériel présenté à la BFI1 de Seattle.

Amazon Papier Recycle Emballage
Du plastique au papier chez Amazon © 01net

Pour les commandes plus fragiles nécessitant un emballage plus solide, le carton utilisé a trouvé un nouveau procédé pour être optimisé. Désormais, c’est à la taille du produit que le colis vient se former. La machine en question découpe la surface nécessaire à chaque commande avant de la faire passer par une étape de pliage suivie d’une compresse.

Cette dernière étape permet de fermer le paquet. Elle suit un processus de thermoscellage, par une couche de plastique sur le carton, permettant de ne pas passer par l’utilisation de colle et réaliser l’action en à peine une seconde. L’espace vide à l’intérieur de chaque colis est réduit, le paquet embrasse le produit à l’intérieur.

Colis Amazon Carton Changement
Les colis de nouvelle génération par Amazon, qui s’adaptent à la taille exacte de chaque commande © 01net

Plus loin, sur un autre atelier, il n’est même plus question de machine d’emballage. Des appareils viennent tester la fiabilité des colis des vendeurs tiers. Le but : attester de leur solidité pour qu’Amazon n’ait pas à les envelopper d’un carton ou d’un emballage en plastique supplémentaire, avec du papier bulle.

Amazon a enfin compris que la logique d’emboîter un emballage dans un autre emballage était peut-être un non-sens. « Parmi les objets qui n’ont pas besoin d’être emballés, il y a ceux qui le sont déjà, ceux qui se trouvent sous la forme d’un récipient comme une bouteille de lessive », nous expliquait la responsable de cette branche. L’avantage avec une multinationale aussi puissante qu’Amazon, est qu’un tel programme peut aussi motiver les marques à remplacer leurs emballages entièrement en plastique, à l’exemple de Tide ci-dessous.

Amazon Commande Sans Emballage
Plusieurs exemples de produits sujets à un acheminent sans colis emballage supplémentaire © 01net

Un programme à destination des vendeurs tiers est disponible, pour qu’ils puissent indiquer d’eux-mêmes si leur produit peut être acheminé sans la nécessité d’être emballé par Amazon. Pour les colis potentiellement risqués, des installations viennent attester de la résistance au choc, avec un démonstrateur d’impact simulant un choc dans un fourgon, et une plateforme vibrante, pour simuler les secousses sur la route.

Toutefois, il reste à l’appréciation du client de choisir ou non de cocher l’option pour recevoir sa commande sans emballage Amazon. S’y opposer est très facile. De quoi ralentir l’adhésion du dispositif. D’autant plus pour les produits de valeur ou ceux destinés à un cadeau, où l’emballage permet de garantir la confidentialité du contenant. Sur ce point, Amazon présentait une idée, en collaboration avec les jouets Playmobil, où le paquet est tout simplement retourné, avec les illustrations à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur.

Colis Amazon Playmobil
En collaboration avec Playmobil, Amazon réfléchit à des emballages inversés, pour garantir la confidentialité de leur contenant sans devoir les emballer dans un deuxième colis © 01net

L’insoutenable absence de feuille de route

Au moindre changement de processus, Amazon peut réduire l’empreinte carbone de son activité de façon colossale. À son échelle, alors que l’entreprise est responsable de plus de 50 % des colis livrés à travers le monde, les emballages comme les méthodes d’acheminement ne peuvent être sous-estimés ou ignorés – et ce malgré la très lente conversion de la société vers des méthodes plus vertes.

Les nouvelles machines présentées ici sont un vrai pas en avant, mais le silence d’Amazon sur la feuille de route de leur déploiement pose un vrai problème. Aucune date n’a été annoncée lors de l’événement, les équipes en charge du projet refusant de nous répondre. À ce jour, seul l’entrepôt CLE3 à Euclid dans l’Ohio aux Etats-Unis en est équipé. Les machines présentes à la BFI1 n’étant que des démonstrations, pour les journalistes invités sur place.

La transition tout en douceur rappelle qu’Amazon n’a amorcé ces changements que dans une logique d’alignement avec les nouvelles mesures des autorités. Une passivité qui a de quoi mettre en rogne les ONG, qui rappelaient que derrière le passage du plastique au papier et au carton, des millions de tonnes de plastique n’ont même pas trouvé une voie vers le recyclage. En 2021, des membres d’Oceana se rendait dans de centres de recyclage de 25 villes américaines et découvraient que parmi ces derniers, 41 % n’acceptaient pas les emballages Amazon, faute de leur conception en film plastique difficile à recycler.

Amazon Colis Plastique
Un exemple de colis en plastique Amazon © 01net

L’effort devra en tout cas privilégier l’activité d’Amazon aux États-Unis dans un premier temps, où la régulation n’est pas aussi stricte que celle en Europe, comme sur le plastique à usage unique. Le pays qui possède sa propre flotte de fourgonnettes, contrairement à nos contrées, ne devra pas tarder non plus pour mettre sur les routes ses 90 000 nouvelles camionnettes électriques commandées à Rivian. Alors que l’objectif doit être atteint avant 2030, 10 000 véhicules seulement seraient aujourd’hui en circulation nous annonçait Udit Madan, le vice-président de la branche Transport d’Amazon.

Au-delà, une solution pour allier des commandes limitées en emballage et un transport sans pollution sera l’usage de drone, qu’Amazon continue de développer via sa branche Prime Air. En fin d’année prochaine, deux tests grandeur nature en Europe doivent être lancés, en Italie et au Royaume-Uni. Avant 2030, 500 millions de commandes doivent être livrées par drone, se fixe la société comme objectif, soit 10 % du total mondial des livraisons chez Amazon. En résumé, la tâche d’Amazon est immense, mais toujours moins colossale que la masse de plastique qui gît au fond des océans.

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