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Bercy veut réduire les pouvoirs du gendarme des télécoms

Dans un rapport confidentiel dévoilé par BFM Business, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin proposent de retirer des pouvoirs à l’Arcep, notamment dans l’attribution des réseaux mobiles.

La guerre est visiblement déclarée entre le gendarme des télécoms et Bercy. Les deux ministres chargés des télécoms, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, estiment que le régulateur a trop de pouvoirs, et qu’il faut lui en retirer.

Une préconisation explosive, car, jamais depuis la création du régulateur des télécoms en 1997, un gouvernement ne lui a retiré des pouvoirs. DSK en 1997, puis Eric Besson en 2011, ont bien agité cette idée, mais ont finalement reculé…

Cette préconisation est aussi délicate, car les directives européennes imposent de confier de larges pouvoirs à un régulateur indépendant des Etats. Les deux ministres promettent donc d’agir en « respectant les règles communautaires ».

Cette préconisation figure dans le rapport confidentiel sur le rapprochement entre le CSA et l’Arcep, rapport que le gendarme des télécoms n’a jamais reçu…

Officiellement, le texte parle diplomatiquement de « rééquilibrage » des pouvoirs: « les évolutions des marchés et des technologies nécessitent un renforcement du rôle du gouvernement. [Et] la plupart des acteurs ont exprimé le souhait de renforcer les leviers de l’État et de limiter le rôle de l’Arcep. La question peut donc se poser d’un certain rééquilibrage de compétences avec le gouvernement, que de nombreux acteurs jugent nécessaire ».

Au passage, ils signalent qu’en Espagne, une prochaine loi doit « rééquilibrer les prérogatives » entre régulateur et gouvernement.

En pratique, le rapport propose de revenir sur les pouvoirs de l’Arcep dans trois domaines à savoir les réseaux mobiles, la fibre optique et la protection de consommateurs.

1 – Les réseaux mobiles

Depuis 1997, l’essentiel des pouvoirs dans l’attribution des fréquences de téléphone mobile est dans les mains du régulateur. Il décide de les mettre sur le marché, ainsi que des modalités d’attribution. Pour sa part, le gouvernement décide seulement du prix des fréquences. S’il est en désaccord avec le projet de l’Arcep, il dispose aussi d’un droit de veto, mais ne l’a jamais utilisé à ce jour.

En résumé, « l’Arcep dispose aujourd’hui d’un droit exclusif d’initiative, le gouvernement étant lié par la position de l’Arcep, et conservant seulement un pouvoir de blocage », écrivent les ministres.

Mais « de nombreux acteurs ont souligné que les décisions prises par le régulateur souffraient d’un manque d’évaluation de leur impact économique, sur la capacité du marché à absorber ces nouveaux entrants ». Surtout, l’attribution des fréquences « a un effet structurant sur l’économie, qui justifie une pleine responsabilité gouvernementale. Il serait plus judicieux de conférer au gouvernement un réel pouvoir d’initiative ».

Concrètement, le rapport propose donc d’ôter l’essentiel de ce pouvoir au régulateur pour le rendre au gouvernement. L’Arcep n’aurait plus qu’un rôle subalterne: « rendre un avis public » sur le projet du gouvernement, « mettre en oeuvre et dépouiller l’appel à candidatures », et enfin « délivrer les autorisations d’utilisation des fréquences ».

Reste à savoir si ce projet est euro-comptabile. Bruxelles a ainsi engagé une procédure contre l’Estonie, car l’Etat y gère les fréquences mobiles, tout en détenant l’oprateur historique.

2 – La fibre optique

Le déploiement du très haut débit est le grand enjeu du moment. François Hollande a notamment annoncé un plan d’investissement en février. Dans ce domaine cependant, le rôle du gouvernement est aussi limité aux modalités de financement.

Or, pour les ministres, l’Arcep « n’a pas encore réussi à insuffler seule une réelle dynamique de marché ». Conséquence: « le gouvernement devrait avoir la possibilité de prendre des mesures réglementaires, l’Arcep n’intervenant qu’en l’absence de telles mesures, ou pour trancher les vides juridiques subsistant après de telles mesures. »

Précisément, « l’ampleur de l’enjeu pourrait justifier de revenir sur le pouvoir réglementaire qui a été délégué à l’Arcep pour la définition des modalités de déploiement et d’accès des réseaux, ou, à tout le moins, de limiter cette compétence à l’absence de mesure réglementaire gouvernementale sur ce sujet. Cela permettrait ainsi au gouvernement de définir des règles précises et incitatives ».

Là encore, le rôle de l’Arcep serait réduit à émettre « un avis public » sur le projet du gouvernement.

3 – La protection du consommateur

« Un niveau élevé de protection du consommateur » fait partie des objectifs assignés à l’Arcep, qui avait notamment émis trente propositions sur le sujet en 2010.

Mais, là encore, cette action est critiquée: « l’Arcep a souhaité garantir un degré de protection du consommateur très élevé, mais parfois au détriment de l’efficacité économique ».

Or les textes « attribuent cette compétence au gouvernement ». En outre, « une régulation spécifique [aux télécoms] n’est pas réellement justifiée ».

Pour toutes ces raisons, « les instruments [de cette politique] devraient rester l’apanage du ministère compétent. L’Arcep pourrait se limiter à un rôle de recommandation ou d’avis, lorsque la technicité des questions soulevées le justifierait ».

Last but not least, le gouvernement propose aussi d’ajouter un nouvel objectif à la régulation: « le développement industriel et l’emploi ». Ainsi, « l’Arcep pourrait tenir compte de la localisation sur le territoire européen de tout ou partie des activités d’un opérateur candidat dans le cas d’un appel d’offres, à l’instar de ses centres d’appels ».

Certes, « le développement de l’emploi » est déjà un des nombreux objectifs déjà assignés par la loi à l’Arcep. Mais, certains pensent que cela devrait devenir un critère déterminant. Ainsi, les syndicats CFE-CGC et UNSA estiment que ce critère aurait dû être pris en compte dans l’attribution des fréquences 4G par l’Arcep. Ils avaient déposé un recours sur ce point en Conseil d’Etat, mais ils ont été déboutés.

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Jamal Henni (BFM Business)