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Antiterrorisme: le blocage des sites web, taclé par la Commission des droits de l’homme

Selon l’institution, le blocage d’un site qui fait l’apologie du terrorisme ne peut être décidé que par un juge. Par ailleurs, elle estime que le nouveau texte de loi ouvre la porte aux écoutes téléphoniques abusives.

Votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 18 septembre dernier, la loi de « lutte contre le terrorisme » a reçu hier, 26 septembre, un avis cinglant de la part de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). L’institution estime, en effet, que certaines de ses dispositions porte atteinte à l’Etat de droit.

Ainsi, selon le CNCDH, le blocage de sites Internet incitant à commettre des actes terroristes nécessite l’intervention d’un juge et ne peut se faire de manière simplement administrative. En effet, dans la mesure où un tel site constitue une infraction pénale, seule une autorité judiciaire serait compétente pour décider son blocage. Donner ce pouvoir à une police simplement administrative « porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs (article 16 de la Déclaration de 1789) ». En d’autres termes, cette disposition crée un abus de pouvoir, et c’est d’autant plus grave qu’il s’agit d’une ingérence forte dans la liberté d’expression.

Par conséquent, le CNCDH préconise le procédure suivante: « le pouvoir de bloquer l’accès à un site Internet devrait être dévolu au juge des libertés, qui statuerait dans un délai bref de 48 ou 72 heures, sur saisine du parquet compétent, notamment à la suite d’un signalement auprès de la plateforme Pharos ».

Des écoutes sans contrôle

La CNCDH a également critiqué le rallongement du délai de conservation des enregistrements des « interceptions de sécurité », c’est-à-dire des écoutes téléphoniques administratives (réalisées sur ordre du Premier ministre). Le projet de loi souhaite faire passer cette durée de 10 à 30 jours ce qui aurait pour effet, selon la CNCDH, de rendre « quasi inefficace » le contrôle de ces écoutes et, par conséquent, de porter « une atteinte disproportionnée au droit de la vie privée ».

La raison est assez subtile. Si le délai de conservation est court, la transcription des enregistrements doit se faire rapidement. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) pourra donc intervenir rapidement. Avec un délai plus long, le contrôle ne pourra se faire qu’au bout d’un mois. « En pratique, des personnes pourraient être écoutées pendant de nombreuses heures, sans que cela soit justifié », souligne la CNCDH.

Le texte de loi doit d’abord passer au Sénat avant son adoption définitive. S’il conserve les dispositions critiquées par la CNCDH, il y a des chances que le Conseil constitutionnel le censure par la suite.

Lire aussi:

Sites terroristes : passe d’armes entre le Conseil du numérique et l’Intérieur, le 17/07/2014
Une nouvelle proposition pour encadrer le blocage des sites terroristes, le 23/07/2014

Source:

L’avis de la CNCDH

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Gilbert Kallenborn