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La tentation du compatible

Les encres génériques permettent, en théorie, de diminuer les coûts d’impression. Mais sont-elles sans risque pour les imprimantes et leur qualité est-elle irréprochable ?

Sans doute avez-vous déjà été confronté à ce dilemme au moment de refaire le plein en encre de votre imprimante ? Choisir entre les cartouches d’origine, qui se payent au prix fort, et les cartouches dites génériques ou compatibles, qui promettent des économies de 30 à 40 % et plus. Tentant ! Dans les faits pourtant, ceux qui osent passer au compatible sont minoritaires.

Selon les chiffres de GFK, en France, la part des encres compatibles ne représentait, en volume, que 9,8 % du marché des cartouches pour jet d’encre en 2009. Elle est même en léger retrait par rapport à l’année 2008 (10,4 %). Pourquoi les encres compatibles et leur promesse d’économies n’attirent-elles pas plus ? Certainement pour des raisons de commodité.

Opter pour les cartouches de marque, c’est choisir la simplicité et la sécurité. On identifie facilement son modèle de cartouche et on a, a priori, une garantie de qualité. C’est en tout cas le discours de tous les fabricants que nous avons interrogés. Ils vendent leurs produits comme des solutions avec un engagement en termes de qualité ou d’autonomie qui n’est valable que si vous utilisez l’imprimante avec ses consommables d’origine.

Sans surprise, tous déconseillent vivement l’utilisation de modèles compatibles et préviennent les consommateurs qui seraient tentés de les adopter qu’ils devront en assumer les conséquences.

Les risques pour l’imprimante

Et de fait, il y a des risques. Au mieux, vous n’obtiendrez pas la qualité d’impression attendue. Au pire, une encre à la viscosité non adaptée pourra baver ou, au contraire, boucher les têtes d’impression. Si une telle panne est démontrée, la garantie du constructeur peut devenir caduque. Dans ce cas, c’est normalement au fabricant de la cartouche incriminée de vous dédommager et d’assumer les réparations.

Si vous utilisez des compatibles et que votre imprimante est victime d’une défaillance sans liens avec leur usage, c’est la garantie de l’imprimante qui s’applique. Théoriquement, vous êtes donc toujours couvert. Dans la réalité, avec les génériques achetés sur le Net, dont l’origine est souvent indéterminée, obtenir réparation est bien évidemment illusoire.

Malgré ces risques, le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour avoir des éléments de réponse, nous avons expérimenté plusieurs modèles compatibles. Pour cela, nous avons acheté une Canon MP550, une imprimante figurant dans le top 5 des meilleures ventes d’un grand site marchand et différentes encres compatibles.

Des gammes et des prix variés

On trouve, en effet, divers types d’encres compatibles dans des gammes de prix variées. Les compatibles neuves, les compatibles remanufacturées – c’est-à-dire des cartouches d’occasion réinitialisées et remplies d’encres génériques – et enfin des systèmes de remplissage manuel ou fait par des boutiques spécialisées.

Dans chacune de ces familles, on déclinera deux sous-catégories : les cartouches de marque ayant plus ou moins pignon sur rue (Pelikan, Armor, les marques d’enseignes de chaînes spécialisées ou de la grande distribution) et les cartouches dites génériques ou sans marque – les fameuses « no name » – qu’on trouve surtout via les réseaux de distribution sur Internet et qui sont souvent les moins chères.

Pour les cartouches compatibles de marque, nous avons choisi celles d’Armor, un industriel français qui, en plus de produire sous son nom, sous-traite pour de nombreuses marques de distributeurs. Nos cartouches génériques proviennent d’un vendeur d’Amazon Marketplace. Aucune marque ne figure sur la boîte et une mention indique « encre formulée aux USA », ce qui ne donne aucune information sur le pays de production.

Enfin, nous avons fait remplir des cartouches d’origine dans une boutique Cartridge World. Cette enseigne américaine, spécialisée dans les consommables (plus de 150 franchises dans l’Hexagone), remplit vos cartouches vides en moins de cinq minutes.

Avec la réputation sulfureuse des compatibles, nous nous attendions au pire. Mais, dans l’ensemble, nous avons été agréablement surpris. En impression bureautique et Web, avec des documents Composite sur papier standard, toutes nos encres ont fait leur travail. La qualité n’a rien à envier à celle des encres d’origine et c’est même parfois légèrement meilleur dans les aplats de couleurs.

Notre test de cartouches génériques
Notre test de cartouches génériques – Notre test de cartouches génériques

Plus surprenant, les résultats sont aussi très bons en photo. Nous avons soumis nos tirages à un jury de huit personnes et si 100 % des jurés ont bien désigné les impressions réalisées avec les encres Canon comme étant les meilleures (couleurs plus fidèles à l’image de référence, meilleurs contrastes), tous ont également été bluffés par la qualité de rendu des impressions effectuées avec des cartouches compatibles.

Côté autonomie, il n’y a pas photo ! Les compatibles sont non seulement moins chères, mais elles en offrent plus que les cartouches d’origine, ce qui réduit d’autant le coût à la page (lire le tableau ci-dessous).

Le papier aussi a son rôle à jouer

L’influence du papier n’est pas à négliger dans la qualité d’impression des photos. Nous l’avons constaté en testant un papier de marque Medirange, à 270 g/m2, qualifié de « Professionnal   et de « Super Glossy » et vendu moins de 10 euros la ramette de 100 feuilles. Trop beau pour être vrai !

En effet, avec l’encre Canon, les sorties photo sont catastrophiques, le brillant n’est pas homogène, les couleurs et les contrastes ne sont pas respectés. Les encres compatibles sont plus tolérantes avec ce support, mais la qualité reste éloignée de ce que permet le papier d’entrée de gamme Canon.

Si le bilan est globalement positif en ce qui concerne la qualité et l’autonomie, nos tests ne permettent pas de mettre en évidence des données liées à l’utilisation de compatibles à long terme. En ce qui concerne la détérioration éventuelle des têtes d’impression, pour chaque type de cartouches, après avoir vidé deux jeux, nous avons lancé le test de vérification des buses. Seules les cartouches Armor ont laissé apparaître des traînées dans le magenta, signe d’un dysfonctionnement. Un phénomène corrigé après un nettoyage des têtes d’impression.

Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Côté tenue dans le temps, résistance à l’humidité, aux UV ou à l’ozone, faute de disposer d’un labo de vieillissement accéléré, nous n’avons pu vérifier ces points. Cependant, des tests indépendants comme ceux menés en 2008 par le magazine américain PC World donnent des indications. Et de ce point de vue, l’avantage semble être en faveur des consommables d’origine.

Enfin, notez que ce retour d’expérience n’a pas valeur absolue. Il ne compte que pour notre machine de test, avec un type déterminé d’encre et de papier. Avec d’autres combinaisons, les résultats peuvent être totalement différents. Et c’est bien là toute la difficulté avec les compatibles, on ne peut pas savoir à quoi s’attendre avant d’avoir testé. Le plus sage pour limiter les risques est de recourir aux marques ayant pignon sur rue et affichant clairement leurs garanties.

Cartridge World, par exemple, propose une garantie trois mois satisfait ou remboursé sur ses cartouches remplies. Armor va plus loin avec, en plus du satisfait ou remboursé durant deux mois, une garantie de deux ans. La marque s’engage à assurer la réparation de l’imprimante si elle venait à être endommagée par ses cartouches ou toners.

Enfin, avant de franchir le cap, dites-vous bien que l’économie que représente la cartouche compatible, si elle peut sembler importante en pourcentage, est à mettre en relation avec votre usage. A raison de quelques pages par mois et d’un changement de cartouche annuel, cela ne représente que quelques euros. Pas sûr que le risque en vaille la peine…

Des cartouches sous haute protection

Ce n’est pas un scoop, les constructeurs d’imprimantes qui investissent des sommes importantes en recherche et développement ne voient pas d’un bon œil la prolifération des fabricants de compatibles. Outre l’effort constant porté sur l’amélioration des machines et des encres, ils font tout ce qui est légalement possible pour mettre des bâtons dans les roues des fabricants de compatibles. Ainsi, cartouches, formules d’encre et têtes d’impression sont couverts par des dizaines de brevets qu’aucun fabricant de génériques ne se risquerait à détourner sous peine de le payer cher devant des tribunaux.

Quant aux puces qui équipent les cartouches, si elles ont une utilité réelle pour informer du niveau de remplissage, elles sont aussi là pour compliquer la tâche des fabricants de compatibles. Selon l’un d’eux, elles seraient aujourd’hui aussi sophistiquées que celles qui équipent nos cartes bancaires. Devenir fabricant de compatibles ne s’improvise donc pas.

En plus de posséder leurs propres laboratoires pour concevoir des encres et des cartouches, les fabricants de compatibles font travailler des juristes pour surveiller la parution des brevets et s’assurer qu’aucun de leur produit n’enfreint de propriété intellectuelle. Cette déontologie forcée ne s’applique toutefois qu’aux marques ayant pignon sur rue.

Une partie des cartouches à bas prix qu’on trouve sur le marché vient de pays où l’on s’embarrasse moins des problèmes de paternité intellectuelle. Pour les cartouches trop onéreuses ou complexes à imiter, notamment celles qui intègrent les têtes d’impression, il reste la solution du reconditionnement. Tout à fait légal tant que l’encre réinjectée dans les cartouches ne viole aucun brevet, évidemment.

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Sébastien Casters