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Comment Sony est devenu le champion de la photographie

De constructeur de compacts parmi d’autres à numéro 1 de l’hybride et des appareils haut de gamme, Sony est devenu en 5 ans un poids lourd de l’industrie photo. Et le leader de l’innovation sur le segment.

Champion des appareils hybrides, numéro 1 des compacts experts, inventeur de la catégorie bridge expert, leader de la production mondiale de capteurs : en quelques années, Sony est devenu un poids lourd du monde de la photographie, que ce soit sous sa marque propre ou par le biais de sa division composants. Bousculant au passage les marques du segment, du vénérable Canon en passant par un Nikon qui vient de fêter son centenaire. Petit retour sur l’épopée d’une marque aux mille talents.

Pas d’héritage argentique

Adrian BRANCO / 01net.com – Le premier Mavica commercialisé, le MVC-C1, lancé en 1988 au Japon est exposé au Sony Museum de Tokyo.

Connu pour ses téléviseurs, la Playstation ou ses studios de cinéma, Sony n’est pas un débutant du monde de la photographie : si la marque n’a aucun héritage argentique, elle lance en 1981 le premier appareil photo numérique… qui enregistre sur disquette, le Mavica. Un prototype qui permettra de lancer en 1988 le premier appareil photo numérique commercialisé au grand public, le Mavica MVC-C1. Et la marque n’a depuis cessé d’explorer et d’avancer dans le domaine en créant une division dédiée à la photographie puis une gamme d’appareils appelés « Cyber-shot » (le DSC-F1 en 1996). Une gamme qui perdure jusqu’à aujourd’hui et qui a permis à Sony de devenir un acteur important des compacts. Mais qui a toujours eu du mal dans les appareils plus experts. Jusqu’à l’avènement des hybrides.

Adrian BRANCO / 01net.com – Le premier Cyber-shot de l’histoire, le DSC-F1, exposé au Sony Museum de Tokyo.

C’est en 2006 que le premier mouvement vers la photographie « sérieuse » est effectué avec le rachat de la joint-venture entre Konica et Minolta. Ce rachat enfante la gamme Alpha, qui désigne les appareils à optiques interchangeables de la marque (hors exception NEX). Malheureusement pour Sony – comme pour Olympus et Pentax –, le marché du reflex est un marché à deux, où Canon et Nikon mangent tout et ne laissent que des miettes aux autres acteurs. Sony persiste et n’a jamais abandonné les reflex (même si la technologie SLT de la marque passe désormais par un viseur électronique).

Une révolution appelée hybride

En 2010, Sony prend le virage hybride : après Panasonic (2008), Olympus (2009) et Samsung (2010), le géant nippon fait le choix de l’hybride grand public en lançant le NEX5 juste avant l’été. Avec comme discours « nous faisons des appareils pour le grand public, n’escomptez pas des modèles pros ou un développent actif d’optiques ». Avant de changer son fusil d’épaule quelques mois plus tard lors de la Photokina 2010 : face à des ventes record et une opinion publique emballée par ces appareils à capteur de reflex (APS-C) dans un format très compact, Sony sent qu’il a une carte à jouer dans le marché plus expert qui lui était jusqu’ici interdit.

Sony – Lancé en 2011, le NEX 7 préfigurait déjà de l’avance technologique de Sony en matière de capteurs et d’électronique avec son viseur LCD intégré et son écran orientable.

Sony continue de développer ses NEX, sous des aspects de plus en plus experts – on se souvient du NEX7 notamment – et met 3 ans à lancer sa gamme plein format qui va lui offrir une place à la table des grands : fin 2013, Sony annonce ses Alpha A7, une nouvelle gamme d’hybrides à capteurs 24×36 (dit plein format). Et change la donne : si son marché domestique ne lui est pas encore favorable, Sony performe dans le monde entier et représente désormais plus d’une vente sur deux d’appareils à capteurs plein format en Allemagne par exemple. Volant au passage la place de numéro 2 à Nikon dans le segment plein format. Du jamais vu à l’ère numérique. Et pour cause : le numérique, c’est le terrain de jeu préféré du grand électronicien qu’est Sony.

Sony = composants + numérique

Sony History Collection – Les premiers composants produits par Sony étaient des transistors.

La majeure partie des vénérables marques photo japonaises ont une histoire commune articulée autour de l’optique : de Nikon, qui a livré les optiques des premiers appareils Canon (et de la première caméra de cinéma Sony !), en passant par Olympus ou Pentax (ex Asahi Optical), les grands noms de la photographie au XXe siècle sont surtout des opticiens.

Pas Sony : la marque a commencé sa carrière autour des composants, puisqu’elle a été la première à produire des transistors au Japon en 1954. Des transistors qu’elle a commencé à vendre à la concurrence avant de les utiliser dans son premier produit, un poste de radio. L’ADN  de Sony est donc le composant électronique, haut de gamme si possible, un composant que la marque développe, améliore, vend aux autres… avant de l’intégrer dans ses propres appareils. C’est ainsi qu’est née la Playstation : développée initialement pour Nintendo, elle sera finalement lancée par Sony, avec le succès que l’on sait. Big N n’avait pas été convaincu par le CD !

Le parallèle avec le monde de la photo est criant : la montée en puissance de Sony dans le domaine des appareils suit celle de son succès dans le domaine des capteurs. C’est un secret de polichinelle : nombre d’appareils Pentax, Nikon, mais aussi Panasonic ou Canon sont équipés de capteurs de Sony.

C’est même Nikon qui a demandé à Sony de développer le capteur 1 pouce de ses Nikon 1, un capteur que Sony a recyclé dans ses RX100, écrasant en trois ans à peine la concurrence dans le domaine des compacts experts, jusque-là dominé sans trop de mal par Canon.

Même son de cloche avec les hybrides à capteurs APS-C et plein format : c’est en accumulant un grand savoir-faire en matière de capteur et de traitement du signal, acquis en équipant les autres, que Sony a pu maîtriser son art et sortir des produits aux performances inédites comme l’Alpha A9, dont le couple capteur & processeur débite et traite pas moins d’un demi-milliard de pixels par seconde. Outre ses nombreux savoir-faire en vidéo (caméra grand public et pro), en optique (laser, caméra pros), la maîtrise de Sony en matière de composants est clé. Et si la marque est déjà très forte dans les puces de traitement du signal, dans le milieu des capteurs c’est tout simplement le roi.

Roi des capteurs

Avec plus de 50% de parts du marché mondial de capteurs CMOS, Sony est le roi incontesté du segment. Si de nombreux compétiteurs existent, notamment dans des domaines très pointus (recherche, science, industrie), la marque nippone s’impose dès que l’on recherche le meilleur rapport coût/performances, puisqu’elle s’est concentrée sur une stratégie volume & qualité, n’accordant qu’à quelques rares entreprises des composants sur mesure.

L’iPhone ? Un capteur Sony. Les Galaxy S ? Un capteur Sony (et parfois l’équivalent maison). Les Huawei, OnePlus, Motorola, etc. ? Des capteurs Sony. Tous les modules caméra haut de gamme du monde de la téléphonie mobile sont produits par Sony. Sans parler de tous les compacts experts à capteur 1 pouce (Sony, Canon, Panasonic), des capteurs APS-C de la majeure partie des constructeurs et d’un gros morceau du marché du plein format (Nikon, Pentax).

Basé à Kumamoto dans l’île de Kyushu, le centre de recherche principal de Sony en matière de capteurs est intégré à l’une de ses principales usines de production. Concentrer production et r&d dans un même endroit favorise la vitesse de réaction et a permis à Sony d’écraser littéralement la concurrence en termes de technologie : procédé « rétro éclairé » appelé Exmor R, électronique simplifiée et mémoire intégrée au capteur (Exmor RS), etc. Des technologies qui ont imposé sur le marché photo. Mais qui proviennent, à la base, de développements pour mobiles.

Les capteurs de smartphone pour s’entraîner

La gamme de smartphone Xperia de Sony n’a jamais rencontré le succès que Sony espère. Pourtant, c’est aussi grâce aux smartphones que Sony domine le marché photographique.

Le premier iPhone (2G) intégrait déjà un capteur Exmor et les Exmor RS ont d’abord été développés pour le marché de la téléphonie mobile. L’avantage de la stratégie est clair : les contraintes sont telles sur un capteur de téléphone – petite taille, peu de lumière, etc. – qu’une fois le composant développé, son adaptation sur le marché moins volumique de la photographie est plus simple. A l’instar des fondeurs de puces de PC (CPU, GPU), Sony met d’abord en œuvre ses technologies dans des puces moins chères mais produites en grand volume avant d’appliquer les recettes sur des composants plus gros et chers, tels que les capteurs aux formats APS-C ou 24×36.

Ce qui a permis à Sony de pulvériser Canon en termes de performances : quand le vieillissant outil industriel de Canon ne sert qu’à lui et à des clients typés « recherche », les usines et la R&D de Sony sont en constante évolution et amélioration pour répondre aux besoins énormes du marché mobile. En 2017, les capteurs les plus performants du monde de la photo sont signés Sony, qu’il s’agisse d’un téléphone ou d’un appareil photo.

Si le marché de masse du composant tire Sony vers le haut, c’est paradoxalement une autre tendance qui profite à Sony pour ses appareils : la contraction du marché photographique.

Sony vise le haut de gamme

Adrian BRANCO – Le nouvel Alpha A7R Mark III est un boîtier plein format haut de gamme qui s’affiche à 3500 euros.

La poussée de la Chine et des autres dragons asiatiques a bouté Sony en marge des marchés de masse en radio, télévision, téléphonie mobile, informatique, etc. Dans un Japon vieillissant, riche et en manque de main d’œuvre abordable, Sony ne peut plus être un concepteur de produit de masse pas trop cher et s’en retourne donc vers ses anciennes amours : les produits haut de gamme, très avancés technologiquement.

Et le marché de la photographie est tout à fait en phase avec cela : les volumes de compacts se sont effondrés, le téléphone a tout mangé. Et la photographie redevient un marché de niche, de passionnés, lesquels ont plus d’argent à investir et savent lire plus loin que le nombre de pixels ou la puissance du zoom.

La division Cyber-shot de Sony pratique donc une forme de néo-colbertisme : la qualité et l’innovation à tout prix, avec moins de volumes mais (beaucoup) plus de marges. Au regard des succès rencontrés par toutes les dernières gammes lancées – RX100, RX10, Alpha –, des appareils aux prix très élevés (jusqu’à 5500 euros pour l’Alpha A9 !), la formule est la bonne. Et Sony commence à faire très mal à… Canon et Nikon.

Lisez les autres articles de notre série spéciale « Sony | Photo » :

1. Comment Sony est devenu le champion de la photographie
2. Sony, le grand empereur des capteurs
3. Kumamoto TEC, visite du temple des capteurs photo de Sony
4. Reportage : les ingénieurs de Sony qui veulent manger Canon et Nikon

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Adrian BRANCO