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Sony, le grand empereur des capteurs

Le succès de Sony dans le monde de la photographie est porté, en parallèle, par une domination écrasante dans le segment des capteurs d’image. Qui fait du japonais un incontournable de l’industrie.

Le nombre de produits intégrant un ou plusieurs capteurs d’image est en pleine explosion : le moindre téléphone mobile en intègre entre 2 et 3 et on prédit que d’ici 2020 une voiture en embarquera plus de 10 ! Avec environ 40% de parts de marché du capteur en 2017 (Nikkei et Bloomberg parlent même de 50% !), Sony est le maître incontesté du segment et livre ses pièces à toutes les industries. Au cœur de la recherche et de la production de tous ces capteurs d’image se cachent de grandes usines, comme celle de Kumamoto que nous avons visitée.

Yole Développement – Dans ce rapport de 2016, Sony avait 35% de parts de marché, en hausse de 20 point depuis 2009. En 2017, cette part de marché est estimé à au moins 40% !

La position dominante de Sony dans le domaine des capteurs n’est pas un hasard : elle est le fruit d’une volonté, celle de son directeur général Kazuo Hirai qui a, dès 2012, décidé que la photographie serait l’un des trois piliers majeurs de la stratégie de Sony. Et ce à une époque où Canon et Nikon étaient toujours largement leaders du segment. En cette année 2017, Sony a réussi son double pari. Double ? Oui : non seulement la marque s’impose dans de nombreux pays comme le n°2 de la photo devant Nikon, mais un second objectif, plus secret, est largement rempli. Car quand Kazuo Hirai parlait de photo, il parlait autant de produits finis – les appareils – que de composants. Un domaine pour lequel Sony a toujours eu une affinité particulière. Et dans le domaine des capteurs, l’avance est désormais considérable.

Le composant, la force de Sony

À lire : Comment Sony est devenu le champion de la photographie

Le Sony de légende résonne avec les mots Walkman, Trinitron, CD, et autres produits marquants de ces dernières décennies. Mais la marque a surtout, dès le début de son histoire, été marquée par le composant électronique. C’est notamment grâce à ses transistors maison – les premiers de l’Histoire du Japon – qu’elle a pu devenir un champion de la radio dans les années 50. Sony n’est pas qu’un assembleur de composants : l’entreprise tokyoïte a le savoir-faire, les unités de recherche et développement ainsi que les outils industriels pour développer et produire ses propres pièces.

Conscient de l’aspect stratégique grandissant du capteur d’image, la marque a rapidement anticipé l’augmentation des besoins, qu’ils soient dans les téléphones mobiles, la vidéosurveillance ou l’automobile. Avec la chute des ventes d’appareils photo, ces derniers se cantonnent aujourd’hui au rôle de vitrine technologique censés illustrer le travail des équipes de recherche.

Le segment de la photo est désormais produit d’image et de laboratoire de recherche à hautes exigences, les volumes de vente dans le domaine de la photo pure étant bien loin de leur splendeur d’antan.

Exmor, fer de lance des capteurs Sony 

Certaines technologies de capteurs Sony sont bien connues des amateurs : parmi elles, Exmor, Exmor R ou Exmor RS, des mentions qui apparaissent aussi bien sur les appareils photo que les téléphones. Pour rappel, Exmor est la technologie initiale de capteur CMOS « by Sony » qui intègre un convertisseur analogique/numérique directement dans le composant.

Lancé en 2008, Exmor R est un procédé dans lequel les photodiodes sont placées juste sous les microlentilles (le métal isolant était auparavant placé entre les lentilles et les photodiodes), une innovation majeure qui a permis à Sony de s’imposer dans toute l’industrie grâce aux très bonnes performances en basses lumières de ses capteurs. Sony a depuis amélioré le procédé avec l’Exmor RS, une version où l’électronique n’est plus placée sur les côtés du capteur mais à l’intérieur même du composant.

Le capteur se voit aussi équipé de mémoire directement dans sa circuiterie, lui offrant des performances en lecture jamais atteintes jusqu’ici. D’abord introduites dans les smartphones, ces technologies ont rapidement été étendues aux capteurs des appareils photo, plus grands et donc plus difficiles et coûteux à construire. A chaque fois, Sony a marqué l’histoire du capteur et en a profité pour étendre ses parts de marché. Ironie de la chose : pourvoyeur d’excellents capteur mobiles, Sony n’a cependant jamais réussi à percer dans le domaine des smartphones et a toujours trébuché… sur la qualité photo, la faute à un manque de maîtrise logicielle – on ne peut pas être bon partout.

La domination de Sony dans le domaine des capteurs d’image passerait complètement inaperçue du grand public si elle n’avait pas un impact aussi important sur le reste de l’industrie. Un impact qui vous concerne plus que vous ne le pensez…

Un constructeur avec un impact mondial

Le 16 avril 2016, un terrible tremblement de terre touchait l’une des trois usines de production de capteurs de Sony, entraînant dans son sillage une pénurie de composants. Sans que vous ne vous en rendiez compte, cette pénurie de pièces vous a touché. Dans l’achat de vos produits, car quand il y a moins de composants sur le marché, les prix sont à la hausse, mais aussi parce que l’offre en matière d’appareils photo en a pâti. 

L’exemple le plus frappant : les Nikon DL, des boîtiers annoncés début 2016, qui utilisaient les capteurs 1 pouce Sony. Ils auraient dû être disponibles dans le courant de l’été 2016, mais ne sont finalement jamais sortis !

À lire : Nikon DL : la gamme de compacts experts qu’on n’attendait plus !

Endommagée par le séisme, l’usine de Kumamoto TEC a été mise à l’arrêt et Sony n’a pas pu livrer les composants à Nikon. Sony, Panasonic et Canon, seuls constructeurs disposant déjà de boîtiers utilisant ces capteurs, ont pu piocher dans leurs stocks pour leurs propres appareils. Mais pas Nikon, qui lançait là ses premières références. Après plus d’un an de retard, Nikon annonce en septembre 2017 l’abandon des trois modèles de DL annoncés, mais aussi l’arrêt pur et simple de ses velléités dans le segment des compacts experts.

Le tremblement de terre de Kumamoto a donc non seulement tué les ambitions de retour de Nikon mais a aussi réduit la compétition – avec ce qu’elle a de positif sur les technologies et les prix – sur les appareils préférés du grand public. Tout cela parce que Sony était le seul constructeur de capteurs capable de produire d’aussi bons modèles au format 1 pouce.

Et la dépendance de l’industrie de la photo vis-à-vis des capteurs Sony n’est pas prête de s’arrêter : si Canon a du mal à améliorer les performances de ses propres capteurs et achète désormais des modèles à Sony pour tous ses compacts 1 pouce, Nikon, qui sourcait aussi ses capteurs chez Toshiba, est entièrement dépendant de Sony depuis que ce dernier a racheté la division capteurs de Toshiba fin décembre 2015. A titre d’indication, le GH5 de Panasonic et l’OM-D E-M1 Mark II d’Olympus intègrent un capteur Sony, de même que les hybrides de Fujifilm, tous les appareils de Ricoh-Pentax, etc.

Sans parler des centaines de millions de smartphones, iPhone inclus, qui intègrent tous, au moins dans le haut de gamme, un capteur signé Sony. C’est d’ailleurs un des éléments que de nombreuses marques chinoises mettent en avant : après le processeur, la nature du capteur photo est très souvent vantée auprès du public. Et si c’est le cas, c’est à 100% un capteur estampillé Sony.

Samsung en embuscade ?

Qui pourra arrêter Sony dans sa course à la domination du monde des capteurs CMOS ? L’industrie compte de nombreux acteurs qui préparent le futur des capteurs – capteur organique, obturateur global, etc. Si Panasonic et Olympus sont évidemment des concurrents, il y a aussi OmniVision et On Semi qui performent dans certaines niches.

Mais la menace globale vient surtout de Samsung, un coréen malheureux en photographie puisqu’il a fermé sa division d’appareils photo fin 2015, mais doué dans le domaine des composants : numéro un mondial de la DRAM et de la mémoire flash, c’est aussi le seul constructeur à pouvoir livrer des modules caméra équipés indifféremment de capteurs Sony ou maison sans que la qualité d’image ne varie – les Galaxy S intègrent du Sony ou du Samsung selon les marchés.

Champion des semi-conducteurs, la marque coréenne a beaucoup appris de sa défunte division photo et a commencé à mettre le paquet dans le segment des capteurs. L’histoire de la guerre Sony/Samsung va-t-elle se répéter dans le domaine de l’image numérique ? Peut-être, mais de la montée en puissance de sa gamme photo en passant par une vraie priorité industrielle sur le segment et quelques technologies de pointe, Sony a pour l’heure plus d’un avantage sur son challenger.

Lisez les autres articles de notre série spéciale « Sony | Photo » :

1. Comment Sony est devenu le champion de la photographie
2. Sony, le grand empereur des capteurs
3. Kumamoto TEC, visite du temple des capteurs photo de Sony
4. Reportage : les ingénieurs de Sony qui veulent manger Canon et Nikon

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