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Un projet d’art de la rue en miniature

Si vous allez à Londres, regardez bien où vous mettez les pieds… Vous pourriez très bien marcher sur Little People, une version miniature de notre monde…

Si vous allez à Londres, regardez bien où vous mettez les pieds… Vous pourriez très bien marcher sur Little People, une version miniature de notre monde moderne, que l’artiste Slinkachu s’amuse à mettre en scène et à cacher dans les moindres recoins de la ville, recréant, en version décalée, avec humour et perspicacité, les situations du quotidien. Ce projet d’art dans la rue est devenu un vrai travail photographique, que l’on peut suivre en ligne sur le blog éponyme et qui connaît un beau succès : les internautes se lancent aujourd’hui dans une chasse aux Little People dans la ville !Micro Photo Vidéo :
Little People se situe dans la rue, à Londres. Comment vous est venue cette idée de mini-scènes urbaines ?
Slinkachu : enfant, je fabriquais déjà des maquettes et des jouets. Une passion qui m’est restée. Mais ce n’est que bien plus tard que m’est venue l’idée de cacher ces personnages miniatures dans les lieux publics. Quand j’ai réalisé à quel point, en vieillissant, on oublie de regarder autour de soi, pris dans une routine métro-boulot-dodo. Je voulais surprendre les gens et les encourager à reconquérir leur environnement, à faire attention où ils marchent, où ils s’assoient… On ne sait jamais, peut-être que des little people vivent là. Au fur et à mesure que je publiais des photos sur mon blog, les gens s’attachaient de plus en plus aux personnages. J’ai a lors développé des histoires et des scénarios pour chaque situation.MPV : il y a beaucoup d’humour dans vos images et dans les titres qui leur sont associés, dans votre vision décalée et ironique de la vie moderne et de ses dangers. De quoi parle Little People ?S. :
Little People commente nos vies citadines, la solitude et le sentiment d’isolement qu’on y ressent. Les villes ont cette double personnalité : grouillante, excitante, vibrante mais aussi froide et inamicale. Et les gens finissent par oublier qu’il se passe des choses autour d’eux. En fermant les yeux sur les petits drames du quotidien, nous en ratons aussi les petites merveilles. Je ne commente pas l’actualité mais, de temps en temps, je rebondis sur des mini-événements : les manifestations, la Saint-Valentin, etc. Parfois, je me contente de situations banales, mais drôles quand elles sont vues à une autre échelle : un homme attaqué par une mouche, par exemple.MPV :
Little People est devenue une création publique, née, installée et laissée dans la rue. Qu’est-ce qui rend si passionnant la création dans la rue ?
S. : c’est de pouvoir tout partager directement avec le public. Contrairement à l’art en galerie, l’art de la rue est sans restriction et gratuit. Vous vous connectez différemment aux gens, c’est plus immédiat, plus intime, sur prenant et amusant. Il se passe vraiment un truc à part quand on crée dans la rue, une excitation, un fris-son. Mon travail n’est pas une violation de l’espace public, mais je peux mieux comprendre ce que ressent un graffeur qui graffe sur les murs en sachant que c’est interdit. L’art de la rue que je pratique et que j’aime est celui qui ne détruit pas l’environnement, il l’habille et l’arrange. Il y a tellement de bâtiments affreux, que ça ne fait pas de mal d’apporter un peu de vie et de fantaisie. Plus c’est inattendu, meilleur c’est.MPV : comment se déroule concrètement la création de Little People ? Fabriquez-vous vous-même les figurines ? Comment repérez-vous les lieux ?S. : les figurines sont issues de personnages fabriqués par l’entreprise Preiser. Ils arrivent ‘ nature ‘, je les modélise en assemblant différents éléments, puis je les peins à l’acrylique et leur ajoute des accessoires. J’ai toujours sur moi un carnet où je note mes idées de scénarios ou de lieux. Enfin, je les installe aux heures creuses, tôt le matin ou tard le soir. Avec l’hiver, c’est plus difficile, il fait vite nuit, il pleut ou il neige. Chaque scène, de la préparation à la prise de vue, en passant par l’installation, prend environ quatre heures.MPV : avez-vous été confronté à des difficultés ou à des dangers en créant ainsi dans la rue ?S. : avec les autorités, le problème, ce n’est pas tant d’installer des figurines, mais de les photographier. Il semblerait, à Londres en particulier, que la photographie soit devenue très suspecte. La liberté d’expression n’est plus ce qu’elle a été… Un jour, j’ai même été arrêté par un policier qui pensait que je sniffais la colle que j’utilise pour fixer mes personnages ! Mais la principale ?” et quotidienne ?” difficulté pour moi est de photographier au sol, en tenant fixement l’appareil, et d’éviter de s’allonger dans une flaque d’eau, voire pire. Une fois, je me suis presque agenouillé sur une seringue. C’est une activité dangereuse !MPV :
Little People est devenu un projet photographique à part entière, et maintenant un blog. Quel rôle joue la photographie dans votre création ?
S. : la partie photographique a pris de plus en plus d’importance. Au début, j’ai commencé par vouloir garder une trace de l’installation, une preuve et un souvenir. Puis, avec le blog, la version photographique du projet est devenue aussi importante que le projet lui-même. La photographie me permet de raconter véritablement une histoire. Quand on trouve les figurines dans la rue, on comprend, bien sûr, mais la photo donne vraiment un ton, un point de vue, un angle, une manière de voir les choses. C’est une mise en scène de plus. Le cadrage, la mise au point, la profondeur de champ, tout crée un climat, un scénario en soi que je complète par un titre idoine. Dans la rue et sur le blog, on a deux versions, deux façons de voir le projet.MPV : vous montrez volontiers les différentes échelles de la scène, à travers différents points de vue, du plan macro au plan large. Pourquoi ?S. : pour montrer à quel point l’écart est grand entre ces minipersonnages et la ville surdimensionnée qui les entoure. Parfois, le lieu est important, et il est utile d’avoir un point de vue humain pour comprendre vraiment l’histoire, c’est ce qui est drôle. La scène est différente selon le point de vue, très rapproché ou en recul, dedans ou dehors. Ce qui était visible devient invisible et inversement. En revanche, je révèle rarement les conditions et les lieux des prises de vues. Seulement quand c’est évident. Je préfère que les gens imaginent et, pourquoi pas, retrouvent les endroits eux-mêmes.MPV : vous avez tout d’abord utilisé un compact numérique Olympus puis, plus récemment, opté pour le reflex Canon D400. Quels sont les besoins et les difficultés techniques de la partie photographique ?S. : quand j’ai démarré, il s’agissait juste d’un loisir pour m’amuser et amuser mes amis. Mais quand le blog est devenu populaire et que j’ai commencé à imprimer les images pour vendre des tirages, j’ai réalisé que leur qualité pouvait être meilleure, le contrôle de la mise au point plus sophistiqué. Le D400 est alors sorti et m’a semblé être un bon compromis entre la qualité et le prix. J’avais déjà un reflex argentique, mais seul le numérique apporte la flexibilité et l’immédiateté nécessaires à une telle entreprise. J’ai dû réapprendre à faire de la photographie. Je n’ai même pas eu besoin d’acheter un objectif macro. Celui que j’ai eu avec le kit suffisait, puisque je ne zoome pas sur mes modèles en détail, je reste en ‘ plan large ‘. Le plus difficile pour moi, photographiquement parlant, est de mesurer la quantité de profondeur de champ qui conviendra à la prise de vue, à la mise en scène. Plus ça va, plus je progresse techniquement. Cela peut vous paraître bizarre, mais ce projet n’a jamais eu aucune prétention photographique. Aujourd’hui, le projet est hybride, entre art de la rue, photographie et webart.MPV : ce projet s’est fait connaître par son blog, avant de conquérir les émissions télé branchées et les galeries. Pourquoi avoir choisi la forme du blog ?S. : je voulais montrer mon travail et m’assurer qu’il soit vu car, dans la rue, il est plutôt vite détruit. Little People s’adressant d’abord aux gens, j’ai choisi la forme la plus accessible et interactive possible, peut-être la plus populaire aujourd’hui : le blog. Et puis aussi parce qu’un blog, c’est simple à mettre en route et à jour, c’est flexible et interactif. Little People est un quotidien en soi, comme on en voit des milliers racontés dans des blogs d’anonymes. En ligne, le projet atteint chaque jour un très large public, et j’adore recevoir des commentaires sur mon travail. Je reçois même des photos de créations miniatures suscitées par Little People, ou encore des versions réinterprétées par des internautes de mes propres installations qui ont été retrouvées ! Car comme el les existent vraiment et sont laissées là où je les ai photographiées, certains internautes s’amusent à les chercher, en arpentant le bitume jusqu’à temps qu’ils les trouvent. Ce qui me plaît dans cette aventure, c’est que c’est devenu un jeu.MPV : quelle sera la prochaine actualité de Little People ?S. : la gloire ! Ce travail va bientôt être exposé, et je vais commencer à développer des scènes plus importantes aussi, et ailleurs qu’à Londres. Je pense, pourquoi pas, à investir la rue d’une autre manière… À suivre… On n’a jamais le temps de tout faire !

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Marilia Destot