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Un chausseur sachant chausser

Grâce à l’acquisition et à la modélisation en 3D, fini le mal de pieds ! Avec l’EuroShoe, la chaussure du futur sera personnalisée.

Situé à Vigevano, à une trentaine de kilomètres de Milan, l’Institut italien des technologies industrielles et des automatismes (Itia) s’apprête à révolutionner l’industrie de la chaussure grâce à un procédé de création et de fabrication de modèles complètement personnalisés. Du sur mesure pour tous ! ‘ Aujourd’hui, votre pied doit s’adapter au modèle, explique Emanuele Carpanzano, responsable du projet à l’Itia. Avec EuroShoe, c’est l’inverse : la chaussure s’adapte à votre pied. Bien que fabriquée de façon industrielle, la paire est conçue uniquement pour vous ! ‘Dans le hall de l’usine pilote, les habitants de Vigevano et de Milan sont invités à jouer les cobayes. Au lieu d’essayer modèle sur modèle d’un stock déjà existant, comme dans n’importe quel magasin traditionnel, le client pénètre dans une petite cabine sombre, se déchausse et pose un pied après l’autre sur une plaque de verre. Un appareil photo numérique, placé sous la plaque, capture la forme du pied. Puis quatre autres, disposés autour des chevilles, photographient le pied sous toutes ses coutures. L’opération dure quelques secondes. Trois minutes plus tard, une reproduction en 3D du pied apparaît sur l’écran de l’opérateur. Le client choisit alors un modèle de base, chaussure de ville classique ou résolument tendance. La personnalisation est là encore très poussée : à la manière des options sur une voiture, on peut modifier le type de cuir, sélectionner la couleur, voire ajouter ou retirer des accessoires décoratifs. Tout ou presque est modulable !Le choix définitif est fait ? L’ensemble des informations collectées est transmis en temps réel au centre de contrôle de l’usine, qui ordonne et planifie la production. Identifiée par un numéro unique, la commande est exécutée conformément aux mesures biométriques et aux exigences du client. La chaîne de production, très innovante, permet une totale flexibilité et aucune chaussure ne ressemble à une autre. A l’autre bout de la chaîne, les cartons s’accumulent. Au total, 1 000 paires de chaussures ont déjà été produites par cette usine unique au monde. Les habitants de Vigevano et de Milan ont de la chance : ‘ Afin de tester le système, nous leur offrons la paire de chaussures qu’ils reçoivent dans la semaine,commente Emanuele Carpanzano. Tout cela est pour l’instant complètement expérimental. ‘ Reste que les travaux avancent vite : ouverte en septembre dernier, après quatre années de recherches, l’usine pilote de Vigevano devrait achever sa phase d’expérimentation fin mars. Et, à compter d’avril, le laboratoire espère démarrer la phase de commercialisation en transférant sa technologie aux industriels. Parmi la cinquantaine de partenaires du projet, six grands chausseurs européens devraient vite sauter le pas, dont Bally. ‘ D’après nos études, le potentiel est énorme, d’autant que le prix de ces chaussures est très compétitif par rapport à celui des chaussures classiques. Le surcoût ne dépasse pas 30 %, explique Andrea Ballarino, ingénieur à l’Itia. Pour une chaussure industrielle à 100 euros, l’EuroShoe coûtera 130 euros. ‘

Financé pour moitié par l’Europe

L’ingénieur est intarissable sur les avantages de cette invention : ‘ Notre chaussure est aussi dix fois moins chère qu’un modèle réalisé sur mesure par un artisan. Le résultat est bien meilleur et bien plus confortable, car un artisan ne prend qu’une dizaine de mesures. ‘A l’image de la conception et de la fabrication, la commercialisation de l’EuroShoe se veut également inventive. Puisque la chaussure est réalisée à la demande, le chausseur ne sera plus dans l’obligation de stocker autant de modèles qu’avant. Très vite, l’achat pourrait même être virtuel et s’effectuer depuis un ordinateur. Mieux, une fois les informations biométriques du client stockées dans la base de données du chausseur, il sera possible de commander les paires suivantes depuis chez soi, via Internet. Le laboratoire fourmille d’idées ! Et tout cela est bel et bien sérieux. En quatre ans, le budget des recherches, financé pour moitié par l’Union européenne, a atteint 17 millions d’euros. Derrière l’innovation technologique, se cache en effet un enjeu économique important. L’objectif est, ni plus ni moins, d’améliorer la compétitivité de l’industrie de la chaussure européenne face à la concurrence de l’Asie en général, et de la Chine, en particulier. ‘ Aujourd’hui, nous estimons que la production européenne baisse de 10 % chaque année, souligne Emanuele Carpanzano. Avec le projet EuroShoe et la possibilité de produire en grande quantité des chaussures sur mesure, l’Europe prend un avantage technologique. ‘ Lindustrie de la chaussure européenne repart du bon pied !

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Didier Forray