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PC au bureau : ce que vous avez le droit de faire…

A-t-on le droit d’utiliser son ordinateur de bureau à des fins personnelles ? Difficile de répondre de façon catégorique. Dans ce domaine, la législation est floue et les employeurs n’en savent souvent pas plus que les
salariés…

Au bureau, on est là pour travailler ! Tout le monde est d’accord… Mais qui n’a jamais envoyé de courriel personnel, réservé son billet de train en ligne ou regardé ses photos de vacances sur l’ordinateur de son entreprise
 ? A l’occasion d’une pause entre deux dossiers, il est tentant de faire une petite escapade sur Internet, surtout quand on peut profiter de la connexion haut débit de la société pour laquelle on travaille ! Mais comment savoir si ces pratiques
sont légales ? La plupart des salariés, jugeant sans doute délicat de poser la question à leur employeur, utilisent la connexion Internet de leur entreprise en ignorant quelles sont les limites à ne pas franchir…Globalement, est considéré comme personnel tout ce qui n’entre pas dans la définition de son poste. Surfer sur Internet pour lire les actualités, suivre des enchères en ligne, faire une partie de Tetris, écouter ses propres fichiers
MP3 est, a priori, interdit et susceptible d’être sanctionné par l’employeur. Que peut-il être reproché au salarié ? Son manque de productivité bien entendu, mais aussi la saturation de la bande passante de l’entreprise ainsi que les risques qu’il
fait courir à son ordinateur et à sa société en les rendant vulnérables aux virus et autres logiciels espions.

Une pratique souvent tolérée

Mais, selon les entreprises, l’utilisation de l’ordinateur du bureau à des fins personnelles est plus ou moins tolérée. La Cnil, dans un guide qu’elle destine aux employeurs (1), considère comme admissible un usage personnel
raisonnable, n’amoindrissant pas les conditions d’accès professionnel au réseau et ne mettant pas en cause la productivité. Profiter de l’ordinateur, de la connexion Internet et de la messagerie de son entreprise ne constitue donc pas une faute
professionnelle, sauf si cet usage se révèle abusif.En cas de litige entre l’employeur et le salarié, l’évaluation de la faute reprochée est étudiée au cas par cas par la justice, selon le temps passé et le préjudice réellement subi par l’entreprise : on ne peut pas comparer le
cas d’un salarié qui profite de sa pause-café pour envoyer un mail à un ami avec celui d’un blogueur qui utilise l’ordinateur de son entreprise pour émettre, sur son site, des critiques à l’encontre de sa hiérarchie !

La multiplication des chartes Internet

En l’absence de loi sur le sujet, certaines grandes sociétés (comme la RATP, Lagardère Active, Ubi France, Renault, le Groupe Elior, TF1, etc. ) publient des ‘ chartes Internet et nouvelles
technologies ‘
. Ces textes précisent aux employés les règles qui régissent l’utilisation de la messagerie et d’Internet, l’installation de logiciels, etc. Ils les informent aussi qu’ils peuvent être soumis à des contrôles.
‘ Le contrôle doit être justifié par la nature des tâches et proportionné au but recherché, précise David Melison, juriste au Forum des droits sur l’Internet. En d’autres termes, les entreprises ne doivent
pas contrôler et conserver plus de données qu’elles n’en ont besoin pour assurer la sécurité du système et l’intégrité des données ‘.
Une telle charte, qui doit être soumise aux représentants du personnel, constitue une garantie pour l’employeur : grâce à elle, il peut facilement prouver, texte à l’appui, qu’il encadre l’utilisation par ses employés des
ressources informatiques de l’entreprise et n’est donc pas responsable de leur détournement éventuel (à des fins de piratage, par exemple). Ces règles écrites lui permettent aussi de démontrer qu’un salarié a commis une faute. Plusieurs entreprises
qui n’avaient pas pris soin d’éditer un tel document ont ainsi perdu en appel après avoir licencié un employé accusé de consulter des sites pornographiques (2).Annexées au règlement intérieur des sociétés, ces chartes rendent obligatoires le respect de leurs règles et prévoient des sanctions en cas de manquement. Certains employeurs se contentent souvent d’un simple rappel à l’ordre ;
d’autres, lorsqu’ils découvrent qu’un salarié fait une utilisation abusive des biens de leur société, profitent de l’occasion pour déclencher une procédure de licenciement.Et les cas se multiplient : le Cerit, le centre d’étude et de recherche sur le droit et la jurisprudence de l’Université de Nancy 2 constate, depuis deux à trois ans, une explosion des affaires liées à une utilisation personnelle
de l’ordinateur au bureau. Une hausse également remarquée par les membres des Prud’hommes (de Paris et de l’Ouest parisien) interrogés lors de notre enquête. Ces juges relèvent cependant une différence notable entre Paris et la province :
‘ A Paris, nous jugeons surtout des cas d’employés qui montent leur propre affaire sur le matériel de l’entreprise, ou profitent de leur messagerie pour faire passer des messages tendancieux ou injurieux, note
Françoise Janin, conseillère Prud’homale à Paris. Mais les cas d’utilisation personnelle abusive restent atypiques. Sans doute parce que, dans la Capitale, le taux d’équipement en haut débit à domicile est plus élevé et que, dans des
entreprises qui sont essentiellement des sociétés de services, passer un peu de temps sur Internet au bureau est plus facilement admis… ‘

Lecture des courriels interdite !

Parallèlement aux chartes Internet, le code du Travail et surtout la jurisprudence apportent, eux aussi, des éléments d’information sur ce qui est autorisé et interdit. En 2001, l’arrêt Nikon a ainsi établi l’interdiction, pour
l’employeur, de lire les courriels personnels de ses employés envoyés depuis leur messagerie professionnelle, même si cette pratique est effectivement interdite par l’entreprise !D’autres cours d’appel ont condamné des entreprises pour licenciement abusif sans cause réelle car elles n’avaient pas pu établir la preuve de ce qu’elles avançaient (3). Les disques durs ou les documents des employés n’ont en effet
valeur de preuves que sous certaines conditions : l’employé doit être prévenu de l’action qui va être engagée contre lui, et un expert doit être présent lors de la saisie (voir l’encadré page précédente). L’entreprise peut alors présenter ces
documents pour valider le licenciement de l’un de ses salariés devant un tribunal, qui lui donnera sans doute raison. Pour ne pas en arriver là, un conseil : si vous avez la chance de pouvoir utiliser Internet à des fins personnelles au bureau
et que vous ignorez ce que votre employeur tolère, mieux vaut surfer avec modération… c’est plus sûr !(1)
http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/CNIL_GuideTravail.pdf (page 11)


(2) Notamment : M. Laurent B. contre Expeditors International France SAS, cour d’appel de Paris, 22e chambre C, 16 novembre 2001.


(3) Notamment : M. JJ A. contre Nextiraone, cour d’appel de Toulouse, 4e chambre, 4 septembre 2003 ; M. Christian V. contre Franrea-Castany, cour d’appel de Montpellier, 7 janvier 2004 ;
Braitim France contre M. Gaston D. N., cour d’appel de Paris, 22e chambre B, 7 décembre 2004.

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Nathalie Bloch-Sitbon