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La taxe sur le recyclage sert-elle à quelque chose ?

Depuis le 15 novembre dernier, plus question de laisser son vieux PC finir sa vie sur le trottoir : des éco-organismes se chargent désormais de collecter et de recycler le matériel électrique et électronique usagé. Le tout aux
frais des consommateurs.

C’est à peine si on la remarque encore… L’éco-participation, destinée à financer le recyclage des produits électroniques ou électriques lorsqu’ils arrivent en fin de vie, figure pourtant systématiquement au bas des étiquettes
des ordinateurs, des imprimantes, des baladeurs, des appareils photo, des téléviseurs… Instituée par les pouvoirs publics français en novembre dernier, afin de se mettre en conformité avec une directive européenne, elle fait désormais partie
du paysage. Comme une évidence. Comme la concrétisation du nouvel intérêt des Français pour la protection de l’environnement. ‘ Nos clients s’y sont habitués, confirme ce vendeur d’une FNAC parisienne. Il
y a bien eu quelques questions au début, mais personne n’a jamais réellement protesté ou refusé de payer cette contribution ‘
. Il faut dire qu’en cette période de prise de conscience écologique généralisée, la note ne paraît
pas particulièrement lourde. Quelques dizaines de centimes pour une imprimante, un euro pour un PC de bureau et à peine plus pour un écran. Bref, rien de véritablement prohibitif au regard de la menace que font peser sur la planète les fameux
déchets d’équipements électriques et électroniques (aussi connus sous l’acronyme D3E) s’ils ne sont pas recyclés. Selon l’OMS (l’Organisation mondiale de la Santé), 36 tonnes de mercure et 16 tonnes de cadmium – pour ne parler que de ces métaux
lourds particulièrement nocifs – sont ainsi rejetées chaque année dans la nature. Et cela pour la simple raison qu’à l’heure actuelle, 80 % des D3E produits dans le monde sont simplement mis en décharge et brûlés sans aucun traitement
préalable. La France n’échappe pas à la règle : sur les 16 kg rejetés par chaque Français tous les ans, 2 kg seulement faisaient, jusqu’à présent, l’objet d’un retraitement spécifique.Voilà donc à quoi doit servir l’éco-participation : assurer le financement d’une filière de recyclage destinée aux D3E. Une filière constituée d’un vaste réseau d’organismes capables de collecter, de trier, de désosser et de
retraiter tous nos vieux appareils informatiques ou électroménagers, qu’ils soient ‘ blancs ‘ (réfrigérateurs, machines à laver, etc. ), ‘ bruns ‘
(téléviseurs, magnétoscopes, etc. ) ou ‘ gris ‘ (ordinateurs, imprimantes, téléphones, etc. ). Plus facile à dire qu’à faire. Car le processus est complexe et la facture salée : en France, il n’en
coûtera pas moins de 150 millions d’euros par an !

Un dispositif de recyclage mieux contrôlé que celui des piles

Afin de limiter au maximum ces dépenses, les industriels, rendus responsables par la directive européenne de la fin de vie de leurs produits, ont mis sur pied une structure équivalente à celle existant déjà pour d’autres déchets,
comme les emballages ou les pneus. Plutôt que de financer chacun leur propre filière de recyclage, ils se sont unis afin de donner naissance à des éco-organismes assurant cette opération à leur place. Au nombre de quatre (Eco-systèmes, Ecologic, ERP
et Recyclum, cette dernière se chargeant uniquement des ampoules), ces organisations européennes à but non lucratif sont chargées de gérer la collecte et le traitement des D3E. Créées et financées par les industriels et les distributeurs, elles ne
peuvent évidemment pas être livrées à elles-mêmes. Echaudés par les malversations et les échecs qui ont marqué la mise en place de la filière de recyclage des piles, les pouvoirs publics comptent bien exercer leur droit de contrôle.
‘ Nous procéderons à des inspections régulières qui devraient permettre d’assurer la totale transparence de la filière ‘, affirme ainsi Vincent Geffroy, responsable de la question des déchets au
ministère de l’Environnement.

Une augmentation prévisible du coût de l’éco-participation

Une surveillance d’autant plus importante que ce sont les éco-organismes, et non l’Etat, qui fixent le montant de l’éco-participation pour chaque type de matériel (voir encadré page suivante). Et si, pour le moment, les tarifs de
l’éco-participation restent raisonnables (au maximum 13 euros, pour un réfrigérateur), ils devraient progressivement augmenter dans les années à venir. ‘ Le succès appelle le succès, explique Sarah Martin,
responsable des D3E à l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Au fur et à mesure que le volume des déchets à recycler augmentera, les éco-organismes seront amenés à revoir leurs prix à la
hausse ‘
. Dans des pays comme l’Irlande ou la Belgique qui recyclent les D3E depuis plusieurs années, le montant de l’éco-participation atteint désormais 3 euros pour un ordinateur et 20 euros pour un réfrigérateur.
‘ Nous ferons en sorte que nos tarifs restent le plus proche possible de la réalité des coûts de traitement des équipements ‘, affirme Arnaud Brunet, le représentant en France d’ERP, sans nier de
possibles augmentations futures…Une fois le montant de l’éco-participation fixé, reste encore à la collecter. Là encore, le système fonctionne selon un principe simple : industriels et commerçants avancent l’argent, puis se font rembourser par leurs clients
respectifs. Concrètement, pour chaque PC mis sur le marché, le fabricant verse 1 euro à l’éco-organisme de son choix. Il répercute ensuite cette somme sur le tarif facturé au distributeur qui, à son tour, augmente de 1 euro le prix payé par le
client. En clair, comme pour les pneumatiques ou les emballages, c’est bien le consommateur final qui régale. Avec une différence cependant : il le fait en connaissance de cause, puisque, cette fois, le montant de cette contribution est
clairement affiché, et non directement intégré au prix de vente.Attention cependant : contrairement à ce que cet affichage pourrait laisser croire, ce n’est pas parce que l’éco-participation est perçue sur chaque produit vendu que tous les appareils électriques ou électroniques sont recyclés.
Loin de là ! D’abord, parce que dans sa directive, l’Union européenne n’en demande pas tant. Elle fixe simplement un volume minimum de D3E à recycler. Et celui-ci s’établit à 4 kg par an et par personne. Soit à peine le quart de ce que
chaque Français rejette chaque année ! Ensuite, parce que la filière est encore loin d’être au point. Lancé en novembre, le réseau de collecte et de recyclage peine à trouver son rythme de croisière. Si l’on peut désormais déposer son matériel
usagé dans la plupart des grandes surfaces, lors de l’achat d’un nouveau produit, les petits détaillants renâclent encore à souscrire au système. Quant aux déchetteries adaptées aux D3E, elles sont encore loin d’être en nombre suffisant. A l’heure
actuelle, seuls 25 % des Français habitent dans une agglomération disposant de l’un de ces équipements. Bref, et même si selon le ministère de l’Environnement, ce chiffre devrait s’élever à 50 % d’ici à la fin de l’année, votre vieux PC a
encore de bonnes chances de partir en fumée…

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Benjamin Peyrel