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Haut débit : le scandale du slamming

L’écrasement d’une ligne à tort, ou slamming, résulte trop souvent de man?”uvres commerciales frauduleuses, conséquences de la lutte acharnée que se livrent des FAI peu regardants pour récupérer des clients.

Abonné chez Free depuis environ deux ans, j’ai soudain perdu, le 18 janvier dernier, ma connexion Internet par ADSL. Suivant les recommandations de leur site, j’ai bien attendu 24 heures avant de contacter la hot line. Le
conseiller a diagnostiqué un ‘ écrasement de ligne ‘ et m’a demandé de compléter un formulaire de demande de rétablissement de la ligne et de le renvoyer par fax. Il me signale alors que ce
rétablissement prendra quelques heures ou, au pire, quelques semaines. […] Aujourd’hui, nous sommes à la fin du mois de février et je suis toujours privé de la jouissance de ma Freebox !



Yves-Marie HaussonneLes faits que vous décrivez ne laissent aucune place au doute : comme des milliers d’autres abonnés à l’ADSL l’ont été, le sont et le seront probablement encore si rien n’est fait, vous êtes victime d’un
‘ écrasement de ligne à tort ‘, un phénomène apparu avec la dérégulation des télécommunications, et qui connaît une forte recrudescence en ce début 2007.S’il est vrai qu’un pourcentage très faible de ces déconnexions subites peut être attribué aux erreurs humaines, il s’agit le plus souvent des conséquences de la compétition acharnée que se livrent les fournisseurs d’accès à l’ADSL
pour gagner de nouveaux clients.En effet, certains fournisseurs d’accès à Internet (FAI) confient le soin de recruter des nouveaux abonnés à des officines commerciales, les distributeurs, qui se livrent parfois à des pratiques abusives, malhonnêtes, voire
franchement délictueuses. Démarchant en porte-à-porte, dans les foires, les supermarchés, par téléphone… ils obtiennent un numéro de téléphone et une adresse, et parfois une signature au bas d’une demande de documentation ou d’un avis de
passage.Ces documents se transforment ensuite miraculeusement en abonnement en bonne et due forme. Plus grave encore, certains aigre-fins se contentent de relever des noms et des numéros de téléphones sur des annuaires !

C’est toujours l’abonné qui trinque

Ces ‘ contrats ‘ extorqués ou falsifiés sont alors transmis aux FAI, qui se montrent souvent peu regardants puisque, sans aucune vérification, ils transmettent à France Télécom l’ordre de
raccorder à leur propre réseau la ligne du nouveau ‘ client ‘, même si celui-ci est déjà abonné auprès d’un autre FAI. Cette opération entraîne immédiatement la coupure de tous les services ADSL. Elle
s’effectue en procédant à un nouveau câblage dans une machine, située dans les centraux téléphoniques de France Télécom, des répartiteurs appelés Digital Slam (DSLAM), d’où le nom de slamming souvent donné à ce détournement de
ligne. De là sont nées les déclinaisons ‘ slammeur ‘, pour désigner le FAI indélicat, et ‘ slammé ‘, pour qualifier le pauvre bougre qui voit sa ligne
téléphonique détournée ou ‘ écrasée ‘.Quand cela se produit, l’abonné ne peut que constater l’absence de connexion. Il interroge naturellement le FAI avec lequel il a réellement conclu un contrat, pour récupérer l’accès à l’ADSL. C’est là que l’affaire se corse.Prenons l’exemple de notre lecteur, abonné chez Free. La hot line a rapidement détecté que sa ligne a été écrasée et lui a demandé de renvoyer, par fax, un formulaire de remise en service. Rien de plus normal : Free veut être
certain que vous n’avez pas signé dans son dos chez un concurrent. Dans le même temps, on lui propose de renvoyer par fax un autre formulaire chargeant l’avocat de Free d’intenter une action en justice contre l’opérateur indélicat responsable de
l’écrasement de la ligne ! Une telle sollicitude vient du fait que, dans l’affaire, Free, qui n’a jamais pratiqué le slamming, est tout aussi lésé. La remise en service d’une ligne slammée lui est en effet facturée (environ 80 euros selon nos
sources) par France Télécom, qui doit se charger de cette opération. Jusqu’à fin 2006, ce coût était le plus souvent répercuté sur le client final, mais en janvier de cette année, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et
des postes) a publié un avis stipulant que ‘ les cas d’écrasement de ligne à tort doivent être réparés dans les meilleurs délais et sans frais pour les clients qui en sont victimes ‘.

Peu de recours pour les victimes

Les vrais coupables, eux, c’est-à-dire le ‘ distributeur ‘ qui conclut de faux contrats pour toucher une commission, ou le FAI qui n’a pas contrôlé ces contrats, ne sont pas même
évoqués ! L’Arcep argue que son rôle se limite à fixer les règles de la concurrence. Si elles ne sont pas respectées, il faut s’adresser à la justice ?” directement ou via une association de consommateurs comme l’UFC-Que choisir ?”,
à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ou au Médiateur des communications électronique qui est supposé pouvoir régler les litiges.Récapitulons. L’abonné dont la ligne a été ‘ écrasée à tort ‘ ne paie pas sa remise en service, mais cela peut prendre du temps (parfois deux mois !), et il n’est dédommagé pour
cette rupture de service que s’il intente une action en justice, toujours longue et éprouvante. Les FAI ‘ honnêtes ‘, eux, doivent payer la remise en service.

France Télécom entre deux feux

Quant à France Télécom, il se voit accuser de tous les maux, alors qu’il s’efforce de trouver une solution à cet imbroglio, prônant un accord visant à assurer dans tous les cas une remise en service quasi immédiate des lignes
slammées.Pour y parvenir, il faudra bien s’attaquer à la racine du mal, c’est-à-dire frapper les fraudeurs qui, malgré quelques procès perdus, jouissent d’une impunité presque totale.En alertant systématiquement la DGCCRF, vous la pousserez peut-être à agir envers eux comme elle l’a fait pour Noos-Numéricâble, sommé de régler ses nombreux litiges et surveillé de très près…

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La rédaction