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A l’écoute de la détresse

Depuis 1960, des gens qui souffrent téléphonent à SOS Amitié pour trouver une oreille attentive 24 h sur 24, 365 jours par an. Maintenant, ils peuvent aussi entrer en contact par courrier électronique.

‘ J’ai envie de mourir. Aidez-moi. ‘ ou ‘ Merci de m’avoir écouté ‘. Ce sont des messages poignants ou, au contraire, apaisés, qui arrivent sur l’écran des bénévoles de SOS Amitié. Ce nouveau moyen d’écoute, testé depuis mai 2001 par cette association reconnue d’utilité publique, vient s’ajouter au téléphone pour tenter de tisser un lien avec ceux qui ont besoin d’exprimer leur souffrance.‘ Internet permet de toucher des personnes qui n’utilisent pas le téléphone pour se confier, car ce contact direct les bloque et elles n’osent pas parler ‘, explique Nicole Viallat. Porte-parole de SOS Amitié Ile-de-France, elle a accepté de nous recevoir au siège de l’association, à Boulogne (92), afin de ne pas dévoiler l’adresse des centres d’écoute, traditionnellement gardée secrète pour des raisons de sécurité. Coordinatrice du projet Internet au niveau national, cette bénévole témoigne à visage découvert, contrairement aux ‘ écoutants ‘, qui doivent conserver leur anonymat en toutes circonstances. ‘ Les jeunes, surtout, sont plus à l’aise en ligne. Au téléphone, 2 % des appelants sont des jeunes de moins de 20 ans. Mais sur le Web, ils envoient 10 % des messages. ‘Cette main tendue vers les jeunes est salutaire, car même si le nombre de suicides est le plus élevé chez les 35-55 ans, il reste toujours trop élevé chez les plus jeunes : environ 700 par an.

Une zone d’écoute plus large

Chaque année, environ 160 000 tentatives de suicide conduisent leur auteur à l’hôpital. En 1998, 10 534 suicides ont été recensés. Et il pourrait ne s’agir que de la partie émergée de l’iceberg !Les jeunes ne sont pas les seuls à tirer parti de ‘ l’écoute ‘ par e-mail. Nicole Viallat cite aussi les Français expatriés, les francophones de tous les coins du monde ou les malentendants, à condition bien sûr qu’ils aient accès à Internet. ‘ Nous recevons des messages du Maghreb, par exemple, des jeunes filles d’une vingtaine d’années qui n’ont pas le droit de sortir.’ En général, les problèmes évoqués sont les mêmes qu’au téléphone : difficultés dans le couple ou la famille, dépression, solitude, suicide. Et comme au téléphone, les femmes représentent 60 % des appelants.

Des messages confidentiels

Après réflexion, l’association a choisi la messagerie électronique, car le tchate public et même les salons privés en ligne lui semblaient trop difficiles à gérer humainement et techniquement. En se connectant d’abord sur le site de SOS Amitié, la personne qui veut se confier envoie un courriel. Elle est prévenue de certaines conditions : promesse d’une réponse dans les 48 heures (souvent plus rapide en fait), langue française obligatoire et règles éthiques de SOS Amitié. Parmi ces principes fondateurs, l’anonymat et la confidentialité.Pour préserver l’appelant, SOS Amitié a mis en place un système qui remplace l’adresse électronique par un numéro. Ainsi le bénévole de SOS Amitié ne connaît pas l’adresse électronique de son interlocuteur. Pour garantir la confidentialité, aucun message n’est archivé sur les serveurs de l’association même si, pendant l’échange, l’appelant peut choisir d’afficher le fil des messages successifs. Cela peut être utile, car l’appelant est ainsi prévenu que plusieurs bénévoles peuvent se succéder devant l’ordinateur. La plupart des contacts s’arrêtent après un échange, mais parfois les messages continuent à aller et venir cinq ou six fois.Pour l’instant, quelque 50 bénévoles disséminés dans sept villes françaises se relaient pour relever les messages et y répondre tous les jours. Assez pour faire face aux cinq ou six messages quotidiens. En 2002, l’association a répondu à 1 300 messages, dont 68 % émanaient de personnes qui n’ont écrit qu’une seule fois. Pour déployer ce dispositif, SOS Amitié a reçu des aides du ministère des Affaires sociales et de la fondation France Télécom.

Le pouvoir de l’écrit

Après neuf ans de bénévolat au téléphone, Eric* juge le passage au Web à la fois difficile et libérateur : ‘ On ne dispose plus du ton de la voix, des soupirs, des silences comme au téléphone. Il faut retrouver l’émotion dans les mots employés. En revanche, les gens vont directement à l’essentiel et osent écrire le mot suicide. ‘ Eric note aussi que mettre en forme ses pensées soulage la personne en difficulté et l’aide à amorcer une réflexion sur sa situation.Michelle*, qui a une dizaine d’années d’expérience au téléphone, estime que l’aide par Internet est similaire et différente à la fois. ‘ Les problèmes abordés sont semblables. Mais il faut faire un effort pour que la réponse ne semble pas sèche. J’écris toujours que le message m’a touchée, moi, en tant que personne. ‘ Elle ajoute que les jeunes demandent souvent des conseils. ‘ Ce n’est pas notre rôle, mais par écrit, c’est plus difficile de résister à la tentation du conseil. ‘Reste que les bénévoles évoluent dans un flou juridique. Si les internautes gardent les messages, serait-il possible pour eux ou leur famille d’attaquer SOS Amitié, par exemple pour ‘ non-assistance à personne en danger ‘ en cas de suicide ? Il est aussi bien difficile de garantir anonymat et confidentialité à 100 % sur Internet. Et par courrier électronique, il est impossible de répondre dans l’urgence. ‘ J’ai lu des messages du type : ” J’envoie cette bouteille à la mer. Je ne sais pas qui m’entendra. “Mais quand on envoie un message, on attend une réponse comme un sursis ‘, note Michelle avec espoir* Les prénoms des bénévoles ont été changés.www.sos-amitie.com
www.samaritans.org.uk
www.telefonseelsorge.de

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Isabelle Boucq