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Vea Buddy, la petite montre intelligente 100% française qui a de grandes ambitions

Alors que les géants de la high tech se positionnent sur le marché des montres intelligentes, une PME française s’est lancée dans la mêlée. Sa Vea Buddy sortira début 2014. Retour sur le parcours d’une création originale.

Vea Buddy. Prononcez Véa, avec un accent, bien français, et Buddy comme vous le voulez. Car cette montre intelligente n’est pas née dans la Silicon Valley ou le labo d’un géant asiatique mais est Designed in Marseille, comme d’autres le sont à Cupertino.

Une montre connectée fondée sur une longue expérience

La Buddy est le fruit d’une TPE, Vea Digital, dirigée par l’énergique et avenante Brigitte Bensaid, sa directrice générale et fondatrice. Une petite structure qui a commencé dans l’import de matériel photographique en 2000 et notamment les cadres photonumériques. Avant de disparaître corps et âme, ils ont connu leur heure de gloire en intégrant des connecteurs et connectiques en tout genre, jusqu’à l’intégration de cartes SIM.

A l’époque, Vea Digital met en place « un petit bureau pour concevoir des produits plus sophistiqués ». En 2003, naît ainsi la première montre clé USB de la société : le connecteur USB trouve sa place en bout de bracelet et y restera jusqu’à la Buddy. Quelque temps plus tard, Vea lance la Vea Phone, sa première montre téléphone. Il y en aura plusieurs déclinaisons, dont une sous Android, qui « arrivée trop tôt sur le marché. […] Il y a trois ou quatre ans » et ne connaîtra pas le succès escompté, nous a expliqué Brigitte Bensaid lors d’une interview téléphonique.

Comment est venue l’idée d’une montre téléphone ? « Je suis tête en l’air, j’oublie tout le temps mon téléphone », justifie-t-elle. « Je me disais que ce serait bien de pouvoir me le coller au bras ». Dont acte. Une première mondiale revendiquée et reconnue en justice face à des géants peu scrupuleux sur le respect de la primogéniture.
Au fil des années, la société se fait une réputation, on reconnaît le talent de son équipe d’ingénieurs, une dizaine de personnes au siège, pour la miniaturisation.

Le choix du crowdsourcing

Ainsi, cette farandole d’appareils mènent tout droit à la montre connectée, qui accompagne et étend la sphère utile d’un smartphone. Pour la Vea Buddy, Vea voit grand, voit plus large. Là où les designs des premières montres étaient réalisés de manière « un peu expérimentale » en interne, la Buddy bénéficie du travail des designers professionnels de Caiman Design, une entreprise parisienne connue pour avoir conçu la Freebox Crystal.
Cette « professionnalisation » du design a été un des éléments qui a motivé Vea Digital et Caiman Design a sauté le pas du financement collaboratif. Une campagne a donc été lancée en janvier 2013 sur Indiegogo, avec pour objectif de lever 320 000 dollars.

Mais, deux problèmes vont se poser. Tout d’abord, Paypal bloque le compte qui reçoit les paiements et « a annulé les commandes faites », se rappelle Brigitte Bensaid « parce qu’ils ont pensé que c’était du blanchiment ! ». Le temps de trouver une solution, « la poussée, très rapide [sur ce genre de site], qui dure environ 15 jours » était terminée.

Ce sont donc un peu plus de 115 000 dollars qui ont été levés. Ensuite, l’autre handicap tient au fait que « nous sommes Français », nous explique-t-elle. « Quand nous sommes allés voir les grands sites américains, comme Gizmodo, The Verge, etc., ils n’ont jamais donné suite ». Un manque de couverture légèrement compensé par l’exposition liée au crowdfunding. Car pour cette petite structure, ce moyen de financement était également une solution pour s’assurer une bonne visibilité française et internationale. Echaudée par quelques précédents malheureux -Vea s’est fait bassement copier plusieurs produits par des fabricants chinois- Brigitte Bensaid voit un énorme avantage dans ce système de financement en place publique, un coffre de résonnance. 

Donner le temps aux idées

Pour autant, avec philosophie et une approche qui ne déplairait pas à Apple, la fondatrice de Vea Digital remet cette demi-réussite en perspective. Atteindre l’objectif final aurait surtout permis de « faire plus de marketing, de parler plus de la montre, parce que sur ce point on va être coincé. Il va falloir faire en sorte que le bouche à oreille fonctionne », modère-t-elle.

« Si on avait plus d’argent, on serait allé beaucoup plus vite, c’est sûr. […] L’argent, c’est du temps », continue-t-elle. « Mais, si on était allés plus vite, la montre n’aurait sans doute pas été aussi aboutie », assène-t-elle. Car, « il y a un temps incompressible pour pouvoir bien réfléchir à un produit. Si on veut aller trop vite, le temps peut jouer contre nous. »

La Galaxy Gear, de Samsung, s’invite alors dans la conversation. « Elle a été fabriquée à la va-vite, en réaction à la montre d’Apple. Elle n’est pas aboutie, il lui manque des fonctions. Faire quelque chose à la va-vite, c’est être sûr de se planter », observe-t-elle, consciente que le géant a les moyens de sortir plusieurs itérations de sa montre et de les porter grâce à des campagnes de « matraquage » publicitaire.

On sent bien à l’entendre que la directrice générale de Vea Digital a plus d’affinité avec la méthode de travail d’Apple. La firme de Cupertino « a un raisonnement différent. [Elle veut] attendre que le produit soit hyper mûr. Samsung va peut-être sortir trois montres entre temps ! », dit-elle en riant.

Une longue expérience en guise d’atout

Face à ces titans et aux nombreux acteurs qui se lancent sur le marché des montres intelligentes -même les grands noms de la grande distribution s’y mettent- Vea Digital compte sur son savoir-faire acquis depuis 2006. « Nous avons une très grande connaissance de ce produit, une très grosse expérience, mais on est une petite société, confrontée à un problème de visibilité. Malgré nos efforts, on n’arrivera jamais à atteindre Samsung ou Apple ».

Brigitte Bensaid constate alors que « notre seule solution, c’est que la montre soit vraiment très bien – et je pense qu’elle va l’être – et que le produit conquiert des parts de marché ». Au-delà du design fin (8 mm), assez plaisant et de la finition qu’on nous annonce de bonne facture (boîtier en aluminium et bracelet en plastique), la Vea Buddy a bénéficié d’un développement conjoint du logiciel et du matériel, pour une intégration la plus poussée possible.
Avec en guise de fil directeur, version de prototype après version, une volonté ne pas céder à l’appel de l’accumulation de fonctions inutiles. Il faut savoir reconnaître qu’on « peut le faire mais que ça ne sert pas à grand chose », avance-t-elle, avant de donner un exemple. « L’appareil photo, on l’avait mis au départ, il y a un an et demi, mais quand on a vu la qualité des photos… ». Et d’ajouter immédiatement que « la qualité des photos des smartphones est désormais exceptionnelle. Elle se rapproche de celle des appareils photos, ça ne sert donc à rien quand on a un véritable appareil photo de faire des photos bidon ».

Définir une expérience utilisateur et des usages

La Buddy répond à un credo : « être facile à utiliser pour être libre et connecté ». Elle ne propose ainsi qu’un bouton et les icônes des fonctions principales ont été réparties au quatre coins de l’écran tactile et couleur de 2 pouces. Mais la liberté passe aussi par l’autonomie. Sur ce point les modèles commercialisés devraient afficher un beau score. La Buddy tiendrait ainsi de 7 à 8 jours en utilisation normale et environ 4 jours en utilisation intensive.

L’équipe de développement est encore en pleine optimisation. Une optimisation qui porte sur la consommation, sur les fonctions et aussi sur le système d’exploitation propriétaire qui anime la montre. Afin d’éviter l’écueil du « propriétaire » qui signifie « fermé », Vea Digital a déjà des projets. Ses développeurs vont en fin d’année 2014 mettre en place une « plate-forme pour permettre à n’importe qui de créer une application pour les trois OS » majeurs que sont Android, iOS et Windows Phone 8. Car l’interaction en Bluetooth (2.1 et 4.0) entre le smartphone et la smartwatch passera par une application. Les usages envisageables sont alors nombreux et pourront tirer partie des différents capteurs embarqués dans la montre (gyroscope, accéléromètre, etc.)

Pour Brigitte Bensaid, « l’objectif est de libérer les mains. Car les smartphones sont de plus en plus grands et de plus en plus encombrants. Leurs grands écrans servant souvent à consulter une simple notification ».
La Vea Buddy est donc une extension sur notre bras de l’univers numérique auquel nous sommes connectés via notre smartphone. Pour autant, la nouvelle montre de Vea Digital peut fonctionner en mode « solo », déconnectée. Elle affiche alors l’heure, le calendrier, des photos et pourra lire des morceaux de musique – stockés sur ses 8 Go de mémoire interne – et pourra également servir de podomètre.

La petite société française indique avoir soigné l’aspect matériel, la configuration. « Nous sommes dans un monde du software », analyse Brigitte Bensaid, « mais avec un mauvais hardware, on est vite limité ». Voilà pourquoi la Buddy repose à ses yeux sur « une configuration solide qui permettra le développement de services et fonctions complémentaires à l’avenir… »

Quel futur pour la Buddy ?

A l’avenir, justement, pour ce premier modèle et les suivants, si le succès est au rendez-vous, Vea Digital imagine d’ores et déjà des usages pour leur montre connectée dans le marché de l’automobile, de la domotique ou de l’e-santé. La Buddy « deviendra alors une clé, au sens large ».
Mais pour l’instant, Brigitte Bensaid s’inscrit dans le présent. Sans fausse modestie, elle déclare ainsi que « c’est la première fois qu’on est dans l’air du temps, avant on était trop en avance ». Elle nous raconte alors quand les badauds incrédules lui demandaient si sa montre téléphone faisait aussi le café. La Buddy est une montre de 2013, qui est « dans son époque ».
Voilà pourquoi celle qui porte ce projet avec ferveur déclare ses grandes ambitions : « notre souhait et notre rêve c’est de pouvoir en vendre au moins 100 000 pièces, pour nous c’est beaucoup ». Pour comparaison, Samsung, avec toute sa force de frappe a annoncé avoir vendu 800 000 Galaxy Gear en deux mois. L’objectif n’est toutefois pas déraisonnable. De nombreuses études prospectives prédisent que le marché des montres intelligentes va exploser dès 2014. Les analystes de Digitimes Research annonçaient même en octobre dernier que ce marché pourrait représenter près de six millions d’unités en 2014.

La montre intelligente 100% française sera commercialisée début 2014 pour environ 250 euros. Ceux qui ont soutenu sa campagne sur indiegogo devant recevoir leur modèle les premiers. La commercialisation « sera dès le départ internationale », grâce à de « nombreux distributeurs dans le monde entier » recrutés via la campagne Indiegogo. Car si elle a été conçue dans l’Hexagone, son destin espéré ne s’arrête pas à nos frontières…

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Pierre Fontaine