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Un pionnier trop chahuté

Précurseur adulé des PDA, Palm a raté le train des smartphones. Reste son système d’exploitation mobile WebOS que HP va chercher à valoriser.

En l’espace de quelques mois, il est devenu un objet culte, poussant certains de ses adeptes à l’obsession… jusqu’à l’avoir sur eux en permanence, au bureau ou à la plage, et à le considérer comme une extension neuronale ! Pour l’agenda et le carnet d’adresses, envoyer et réceptionner des e-mails, lire mais aussi synchroniser des informations avec un PC, transporter des données… Oubliés, Post-it, Psion et autre Filofax ! Certes, il avait ses détracteurs, qui le comparaient à un Tamagotchi, mais en aucun cas il n’a laissé insensible.“ Il ”, ce n’est pas l’iPhone, mais son ancêtre le Palm Pilot, que beaucoup s’accordent à décrire comme LE premier véritable assistant numérique. Tout commence en 1992, lorsque l’ingénieur américain Jeff Hawkins fonde sa société Palm Computing. Ancien d’Intel et de Grid (filiale de Tandy), l’homme s’est déjà illustré adolescent en percutant un pont de chemin de fer sur l’Hudson River avec un bateau monté sur coussin d’air. La circulation des trains fut interrompue toute la journée… Secondé par Donna Dubinsky, ex-cadre d’Apple, il sort, dès 1993, son premier assistant personnel, le Zoomer, lequel dispose d’un petit clavier et d’un système de reconnaissance d’écriture fondé sur Palm-Print. Un ordinateur de poche en sorte.Apple a lancé quelques semaines plus tôt son Newton, qui repose sur les mêmes principes, mais ni l’un ni l’autre ne convainquent. Trop proches du PC, trop encombrants, pas assez performants. Le PDG en tire les leçons et décide de créer un modèle complémentaire du micro-ordinateur et pouvant se synchroniser avec lui. Le Palm Pilot voit le jour en 1996. Séduisant les cadres et les utilisateurs nomades, il connaît un succès fulgurant. Il s’en vend 1 million en dix-huit mois. Ce qui, au passage, va sonner le glas des Psion.Pour autant, cette réussite ne permet pas à Palm Computing de régler ses besoins de trésorerie. Moyennant 44 millions de dollars, l’entreprise ? qui compte une petite trentaine de salariés ? accepte en 1995 de devenir une division de US Robotics. Deux ans plus tard, celle-ci tombe à son tour dans l’escarcelle de 3Com, qui envisage alors de se séparer de l’activité PDA (Personal Digital Assistant, l’assistant numérique personnel). Entre-temps, Jeff Hawkins et Donna Dubinsky, se sentant muselés, sont partis créer Handspring. En 2000, 3Com, avec le Français Éric Benhamou à sa tête, introduit Palm Computing en Bourse. Sa valorisation atteint 53,4 milliards de dollars à la fin de la première journée de cotation !

De rachats en OPA

Palm tire alors 95 % de ses revenus de ses terminaux, le reste provenant de vente de licences de Palm OS à des concurrents (Sony, IBM et… Handspring). Mais l’éclatement de la bulle Internet remet tout à plat. L’action tombe à 2 dollars. En 2001, les pertes atteignent 356 millions de dollars. La production est externalisée et le groupe rachète au passage Handspring, qui a mis au point le Treo. Ce dernier combine les fonctions PDA et téléphone. Parallèlement, le marché des assistants personnels commence à donner des signes de fatigue, contrairement à celui de la téléphonie…En 2003, l’entreprise court toujours après la trésorerie. L’activité logicielle, avec Palm OS, est attribuée à PalmSource, une nouvelle entité cotée en Bourse. PalmOne, né du rachat d’Handspring, prend en charge les terminaux. Un autre Français, Jean-Louis Gassée, ex-dirigeant d’Apple et créateur de BeOS, succède à Éric Benhamou au poste de président du conseil d’administration…Deux ans plus tard, Access s’octroie Palm-Source via une OPA. PalmOne devient Palm et se voit contraint de négocier l’achat d’une licence perpétuelle du code source de Palm OS au Japonais, pour la modique somme de 44 millions de dollars. Palm paie aussi au prix fort les errements d’un autre Japonais, Sony, son plus gros client. Celui-ci vend des PC portables sous Windows, des PDA sous Palm OS et des smartphones Sony Ericsson sous Symbian. Pot de terre, Palm finit par être sorti par le Japonais.En 2006, les chiffres de l’analyste Canalys sont sans appel. Sur les trois dernières années, les parts de marché de Palm ont été divisées par trois, rongées par Windows Mobile et l’effondrement du marché des PDA (? 41 % en 2006). Sur le marché des smartphones émergent des acteurs comme Rim (3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2007 avec le Blackberry), et Apple qui prépare l’arrivée de l’iPhone… Il s’en vendra 1 million en deux mois et demi ! Le lancement du Centro, premier smartphone grand public de Palm, passe alors quasi inaperçu.

Un nouveau départ

Les dés sont jetés. En juin 2007, le rachat de 25 % du capital de Palm par le fonds d’investissement Elevation Partners (fondé par Bono et John Rubinstein, the Podfather d’Apple et actuel PDG de Palm) n’y changera rien. L’entreprise parvient à créer un nouvel OS prometteur, WebOS, et à finaliser deux nouveaux smartphones, le Pre et le Pixi. Elle signe, début 2010, un accord de distribution avec SFR. Mais elle n’est plus de taille à affronter le marché. Certains spéculent sur son rachat par HTC ou Nokia mais en avril, c’est HP qui remporte la mise pour 1,2 milliard de dollars. Pour le meilleur de WebOS peut-être, puisque le responsable des activités grand public de HP n’est autre que Todd Bradley, ex-PDG de Palm (en 2003). Le monde est petit…

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Rémi Langlet