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Un adepte du peer to peer relaxé pour faute de procédure

Le tribunal correctionnel de Bobigny a prononcé en première instance un non-lieu pour un internaute accusé d’avoir téléchargé illégalement 12 000 fichiers musicaux.

Les procédures utilisées par les ayants droit pour identifier un internaute sur les réseaux peer to peer sont-elles légales ? C’est la question que pose la dernière décision de justice rendue dans une affaire
de téléchargement illicite. Le tribunal correctionnel de Bobigny a, en effet, prononcé en première instance un non-lieu à l’encontre d’un internaute accusé d’avoir obtenu illégalement plus de 12 000 fichiers musicaux. Le motif
invoqué : un vice de procédure.La justice a estimé que la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), à l’origine de la procédure, n’avait pas obtenu l’autorisation préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) de
collecter les données personnelles d’une tierce personne. Un agent assermenté de la Sacem s’était connecté sur les réseaux peer to peer, où il avait repéré un internaute échangeant des fichiers protégés par
copyright. Il a identifié son adresse IP, ce qui lui a permis de remonter jusqu’à son FAI, puis de dresser un procès-verbal. Une fois celui-ci rempli, une requête d’identification et une plainte ont été déposées auprès des
autorités policières.Pour le cabinet Hugoavocats, chargé de défendre l’internaute indélicat et cité par l’AFP, il s’agit là d’une infraction à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée, selon laquelle il est interdit de traiter et de
conserver des données sensibles sans autorisation de la Cnil.Selon l’Association des audionautes, cette décision de première instance pourrait, à elle seule, suffire à remettre en cause toutes les décisions de justice prononcées jusqu’à présent. ‘ Les internautes pourraient
très bien se retourner contre les organismes chargés de gérer les droits d’auteur, pour violation de leur vie privée, sous réserve toutefois que la décision de justice soit confirmée en appel ‘,
explique Jean-Baptiste
Souffron, directeur juridique de l’association. Selon lui, 150 personnes jusque-là condamnées par la justice seraient concernées.La Sacem ?” soutenue par la SDRM, la SCPP et la SPPF (1), parties civiles ?” annonce déjà son intention de faire appel. ‘ Dès lors que l’on est sur un réseau peer to peer,
tout internaute peut avoir accès à l’adresse IP d’une tierce personne. Elle ne peut être assimilée à une donnée personnelle ‘, commente-t-on à la Sacem.

Des décisions contradictoires d’une cour à l’autre

‘ La partie adversaire oublie de dire que cinq autres décisions de justice, dont une en appel, ont dit exactement l’inverse du tribunal de Bobigny ‘, ponctue Marc Guez, directeur général de
la SCPP. Ainsi le 24 août dernier, dans un procès opposant des ayants droit à un internaute ayant téléchargé illicitement des fichiers musicaux, la cour d’appel de Pau a rejeté la nullité du procès-verbal dressé par l’agent assermenté.Ce dernier, ‘ en agissant comme il l’a fait, n’a pas recouru au traitement de données personnelles qui aurait nécessité une autorisation de la Cnil. Il s’est contenté de faire ce que tout internaute aurait pu
faire. Il n’existe donc aucune nullité de procédure résultant de l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978, que ce soit dans sa rédaction antérieure ou postérieure à la loi du 6 août 2004 ‘,
a estimé le tribunal.
Celui-ci a également rappelé que ‘ les éléments du dossier permettent de constater que l’agent assermenté a agi dans le cadre des articles L 331-2 et L 321-1 du Code de la propriété intellectuelle ‘.
Ceux-ci autorisent des agents assermentés par le Centre national de la cinématographie ou par les organismes professionnels d’auteurs à dresser des procès-verbaux.Si des associations de défense des internautes et certains avocats voient dans la décision de Bobigny l’occasion de dénoncer les procédures en cours, cette dernière ajoute encore plus à la confusion en matière de traitement du
peer to peer devant les tribunaux.


(1) Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique (SDRM), Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF).

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Hélène Puel