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Test : Thief, infiltration et vol, au ras des pâquerettes !

Le quatrième opus de Thief aura mis plus de 5 ans à arriver sur nos PC et consoles. Et si de prime abord nous étions très excités à l’idée de retrouver Garrett, le maître voleur, nous avons rapidement déchanté.

Jouer à Thief c’est comme gloutonner un paquet de bonbons. Passé les deux premières poignées d’heures de jeu, on est très vite écoeuré. Non pas que le jeu soit dépourvu d’intérêt ou dénué de toute atmosphère. Non. C’est juste que tout y est convenu, parfois complètement incohérent, sans saveur et surtout très raide et bourré de nombreux bugs.

La Cité, le pays où votre vie ne vaut pas chère

Dans Thief, vous incarnez Garrett, un Maître Voleur aux sens hyper développés, spécialiste de la rapine de haut vol dans une ville baptisée La Cité. Univers moitié steampunk, moitié victorien, l’ambiance y est malsaine, noire, et respire la maladie, la corruption, la luxure, le tout enveloppé de brumes d’opium. Elle est aux mains d’un sinistre personnage baptisé le Baron. Il contrôle la Vigile, le groupe armé du coin, ce qui ne l’empêche pas pour faire couleur locale, d’être corrompu jusqu’à la moëlle.
Suite à un cambriolage (teinté d’occultisme) qui tourne mal, votre amie et partenaire occasionnelle de vol, Erin, est aspirée par un flux magique. Vous, vous sombrez dans le coma. Vous vous réveillez bien plus tard, dissimulé dans une charrette transportant des victimes d’une étrange maladie, la Grisaille. Sorti de votre charrette, vous partez à la recherche de votre amie et – aussi – de la vérité – qui pourrait bien être toute nue, ligotée, au fond d’un puits.
Vous connaissez désormais votre feuille de route pour les huit actes qui vous tiendront en haleine et devant votre écran entre 15 et 20 heures.

Une histoire sans saveur, des mini quêtes laborieuses

Vous pourrez compter sur votre Sens de voleur qui, une fois activé, met les éléments avec lesquels vous pouvez interagir en surbrillance. Mais aussi sur votre arsenal composé de votre arc court et de votre carquois accueillant une très grande variété de flèches (offensives, à eau pour éteindre les flammes, inoffensives pour distraire ou casser des poulies, etc). Matraque, pince coupante, tournevis cruciforme et crochets sont eux dans votre poche droite… très profonde.

Mais les outils ne font pas tout. Il vous faudra, pour progresser dans une histoire mille fois déclinée, rencontrer des personnages, tous plus caricaturaux les uns que les autres. Qu’ils soient actifs ou passifs dans votre quête, ils paraissent dessinés à gros traits. Il vous faudra pourtant vous y frotter pour obtenir des missions annexes. Ces contrats sont sensés rompre la monotonie de la quête principale mais sont, au final, fastidieux à remplir. La faute ne tient pas tant aux missions qu’au fait qu’il faille courir dans toute la Cité pour les ficeler. Or, le level design décevant ne facilite pas la vie du joueur. Entre passages tortueux et zones imaginées en dépit du bon sens ou accessibles après avoir cherché pendant dix bonnes minutes, on a l’impression de pénétrer un labyrinthe. Cette vision anarchique de la géographie urbaine n’est toutefois qu’un des (trop) nombreux éléments qui entravent l’avancée dans le jeu.

Tu sauteras quand le jeu te le dira

Imaginez avancer dans un labyrinthe chaotique avec un voleur prétendument agile, qui a pourtant bien du mal à se mouvoir. Une faiblesse que le joueur ressent presque physiquement quand il doit réaliser de multiples moulinets avec sa souris pour faire une rotation lorsque Garrett est – par exemple – accroché à une corde. On frôle le handicap lourd et croit rêver quand on découvre qu’il est impossible au maître voleur de sauter à volonté, de s’accrocher facilement aux rebords, etc. Tout se fait sous conditions ! C’est uniquement, devant certaines cordes, au pied de rebords prédéfinis, au pied de certains murs ou pendant des phases d’équilibrisme sur des poutres et passerelles que vous pourrez vous hisser ou sauter. Un saut qui ressemblerait plus à une propulsion vers l’avant en décollant vos pieds de quelques centimètres du sol.
L’impression de rigidité du gameplay est renforcée par une multitudes de bugs de déplacement, surtout lorsque Garrett s’accroupit dans des endroits encombrés. Rageant, frustrant, désarçonnant de la part d’un jeu développé par un si grand studio – même si Eidos Montreal a sous-traité le portage de la version PC.
Des bugs, il y en a d’autres, on citera notamment celui qui empêche la mini carte de rester affichée et qu’il faut réactiver systématiquement sous peine de se perdre, de refouiller les mêmes endroits vingt fois, etc. D’ailleurs, certaines maisons de la ville vous ouvrent bien malgré elles leurs portes ou fenêtres à grand renfort de crochets et leviers mais la carte ne vous indiquera pas lorsque vous aurez dérobé tout ce qu’elles avaient à offrir… Les habitués de l’infiltration estampillée Assassin’s Creed ou Splinter Cell auront l’impression d’un désagréable retour en arrière. Alors que Thief se doit d’être une référence en la matière.

Malin comme un singe pas trop malin…

Lorsque vous vous déplacez en ville, la milice est relativement présente, sous forme de patrouilles ou de sentinelles en faction. Si ces dernières vous repèrent, dans la grande tradition des jeux d’infiltration, une alerte sonore retentit et un indicateur visuel apparaît au dessus de l’ennemi. Tant que ce dernier ne passe pas dans le rouge, il suffit de vous glisser dans l’ombre, même à deux pas, ou de reculer sur quelques mètres, sans courir, pour qu’il vous oublie… Efficace cette milice.
La plupart du temps, l’intelligence artificielle est « bête à manger du foin », ne réagissant presque pas quand vous faites un raffut de tous les diables alors que le simple fait de marcher sur un bris de verre mettra tous les gardes du coin en émoi. Par moment, elle a un éclair de génie puisqu’elle rallume les torches éteintes ou vient contrôler les pièces si vous faites définitivement trop de bruit, c’est hélas trop rare.
Mais, si vous ne vous cachez pas à temps ou que vous ratez lamentablement un saut, le combat s’engage inévitablement. Sachez alors que vous n’aurez que votre matraque pour parer les coups d’épée. En un-contre-un, vous devriez y arriver. Au-delà, mieux vaut choisir la fuite plutôt qu’une mort certaine. Difficile de chipoter vous êtes un maître voleur, pas un maître assassin.

Tout est donc fait pour que vous désorientiez ou éliminiez les gardes de loin, à l’arc, avec le risque que le corps soit découvert. Pour les amateurs de cabrioles, le mieux reste tout de même que vous évitiez les ennuis en passant par les toits à condition de trouver l’endroit où grimper. Le plancher des vaches sera moins excitant et vous forcera à zigzaguer d’ombre en ombre.
Mais, là encore, vous n’êtes pas sûr d’être tiré d’affaire. Il arrive que les patrouilles ennemies ne se déplacent plus comme elles le devraient. Elles sont victimes d’une crise d’immobilisme ou d’errements sur une zone restreinte, complètement buguées. La seule solution est de charger votre dernière sauvegarde pour que tout rentre dans l’ordre. Un ravissement !

Des bugs oui, et un mixage audio décevant aussi

Terminons en apothéose avec le mixage sonore du jeu qui est franchement décevant. Les voix se chevauchent, se parasitent et il y a de gros problèmes de spatialisation. Exemple, vous êtes à la cave, une femme parle à l’étage, vous l’entendez aussi bien que si elle se trouvait à côté de vous. Même quand vous êtes dans une maison de passe, à épier par un trou dans le mur (voyeur !) les gémissements des filles de joie sont complètement en décalage par rapport à… l’action entreprise. Enfin, les dialogues sont mal doublés et redondants – au point que ça en est insupportable ! Ils sont en plus mal post-synchronisés, aussi bien en jeu (pardonnable) que lors des cinématiques (impardonnable).

Vous l’aurez compris, Thief sur PC n’est pas du tout le jeu de ce début d’année. Pourtant fort d’un bon patrimoine génétique, il échoue à porter haut les couleurs de ses ancêtres. Le résultat est décevant. Pour les amateurs du genre, il n’en demeure pas moins un divertissement correct à acheter en promotion sur Steam ou soldé sur console. Aucune urgence à l’ajouter à votre collection. Et croyez bien que nous en sommes les premiers attristés. Les équipes d’Eidos avaient magnifiquement ressuscité la série Deus Ex. Elles ont échoué à réitérer leur coup. Et, dans l’ombre, protégé par un lourd capuchon feutré, notre cœur de voleur pleure.

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Aymeric Siméon