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Sentiweb : les websentinelles traquent les virus humains

Créé en 1998 par l’Unité 444 de l’Inserm, le site Sentiweb, animé par des médecins généralistes, est un outil de surveillance électronique portant sur les maladies virales. Il est accessible aux scientifiques du monde entier et consultable par le grand public.

L’Unité 444 de l’Inserm a développé, en 1984, un groupe d’environ 1 200 médecins généralistes. Volontaires et bénévoles, les membres de ce réseau Sentinelles sont chargés depuis cette date de la surveillance des maladies virales. Ils télétransmettent chaque semaine, via le Minitel et depuis 1998 via le site Sentiweb, les informations médicales qu’ils recueillent sur le terrain, au cours de leurs consultations. Cette veille épidémiologique indique notamment la naissance de foyers infectieux et la propagation de certaines maladies virales (grippe, gastro-entérite, urétrite masculine, rougeole, varicelle, hépatite A et B, VIH, etc.). D’autres phénomènes, comme les tentatives de suicide ou les motifs d’hospitalisation, sont aussi étudiés par le groupe Sentinelles. Les données communiquées sont codées selon un protocole prédéterminé, l’anonymat des patients étant, bien entendu, garanti.

Une expérience transposable

Pionnière dans le domaine de la télésurveillance, l’U444, spécialisée en épidémiologie et sciences de l’information, est devenue, grâce à son expérience, le centre collaborateur de la division chargée des maladies émergentes au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière souhaite, en effet, voir s’étendre le modèle du réseau Sentinelles à d’autres pays. C’est d’ailleurs sur ce principe, et en s’appuyant sur les bases de données réalisées par l’Unité, qu’a été créé le réseau international de surveillance de la grippe (110 centres à travers le monde).Cette collecte standardisée de relevés médicaux permet, sur le site FluNet, de disposer d’un atlas mondial qui suit, pays par pays et en temps réel, l’évolution de l’épidémie de la grippe. Chaque année, les différentes souches virales en circulation sont identifiées pour mettre au point les vaccins contre la grippe. L’OMS a également confié à l’équipe de l’Inserm la réalisation du réseau RabNet qui observe l’activité de la rage humaine et animale dans de nombreux pays.En termes de lutte et de veille épidémiologique, la surveillance électronique est extrêmement utile car elle permet de récolter, de croiser et de synthétiser une masse importante d’informations. “La direction générale de la santé publique et l’Institut de veille sanitaire* s’appuyent sur les éléments que nous leur apportons pour déterminer, par exemple, une action de santé publique”, indique le Dr Antoine Flahaut, responsable du réseau Sentinelles et directeur du centre collaborateur de l’OMS.Développé en 1994, le site Sentiweb était à l’origine uniquement destiné à la consultation de données. En 1998, sous l’impulsion de quelques médecins qui souhaitaient délivrer leurs informations par courrier électronique, un redéploiement a été réalisé. Aujourd’hui encore, si nombre de cabinets sont équipés d’un PC, carte Vitale oblige, peu possèdent un accès à la Toile. Sur les 500 médecins Sentinelles qui envoient leurs observations, seuls 30 % le font par le biais du site protégé SentiSaisies. “Le développement a été rapide et léger puisque nous possédions depuis la création du site la solution prépackagée Oracle Web Server. Nous l’avons tout simplement installée. De plus, nous avions des compétences en SQL et pas en HTML”, explique Pierre-Yves Boelle, chargé à l’époque du redéploiement du réseau Sentinelles sur internet.

Gérer les sessions

Des aménagements ont été néanmoins nécessaires, puisque Oracle Web Server ne possède pas de gestionnaire de sessions intégré. Pour pallier ce handicap, ils ont dû être reprogrammés manuellement. “Nous avons besoin de savoir exactement si les données transmises sont nouvelles ou bien s’il s’agit du complément d’une connexion précédente. Au-delà de six heures de stand by , nous envoyons un cookie à la websentinelle pour savoir s’il s’agit d’une nouvelle connexion ou la suite d’une session ? “, poursuit Pierre-Yves Boelle. L’interopérabilité du système entre Minitel et internet est en partie responsable de cette lourdeur.Une situation qui malgré tout convient au Dr. Jean-Nicolas Ledoux, généraliste à Flumet (Savoie) et Sentinelle depuis 1991. “L’utilisation d’internet est beaucoup plus souple. Elle me permet, notamment, de faire des corrections. Or il était impossible, avec le Minitel, de suspendre une session pour la reprendre plus tard.” Le serveur peut en effet accueillir 20 connexions simultanées par internet et 5 par Minitel.

Le Wap c’est pour demain

L’ensemble de la cartographie est produit à partir d’une librairie XRT. “Cette technologie peut paraître dépassée aujourd’hui, mais à l’époque, Java n’existait pas et aucun logiciel libre ne pouvait remplir cette fonction. De fait, tout le monde faisait du X.11, le standard d’affichage XWindow. Ce qui permettait, et permet toujours, de produire une image Gif à partir d’un Bitmap”, précise Pierre-Yves BoelleUne fois par semaine, les données recueillies par les Sentinelles sont consolidées département par département, avec la méthode du “krigeage”. Empruntée aux sciences du sol, elle consiste en une interpolation réalisée à partir de points de mesure disposés dans l’espace. Des courbes de niveaux sont ensuite retranscrites pour produire des fichiers Gif, le plus souvent des représentions de vagues épidémiques.Si l’utilisation d’internet par les médecins Sentinelles n’en est encore qu’à ses balbutiements, l’Unité 444 pense à l’avenir et travaille actuellement sur une version Wap de son site. “Bien sûr, l’interface doit être modifiée et l’ergonomie adaptée à l’outil, mais cela permettrait aux médecins de ville d’envoyer leurs données sitôt leur consultation terminée”, explique Antoine Flahaut. Et gagner du temps peut être précieux lorsqu’on lutte sur le front des épidémies.Le programme de recherche scientifique de surveillance électronique mené par l’U444 est notamment financé par l’Institut de veille sanitaire, l’OMS, la faculté de médecine Saint-Antoine à Paris et l’Inserm.

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Françoise Vlaemÿnck