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Quand offrir un ordinateur à ses salariés devient un casse-tête

Selon la nature de l’offre, les services associés et ce que l’entreprise a négocié avec les syndicats, les chances de réussir l’opération sont très variables

Dans le sillage de Prisma Presse, de plus en plus d’entreprises se proposent d’équiper leurs salariés en ordinateurs personnels avec accès à internet. Les Banques Populaires, France Télécom, Vivendi Universal, ou encore Sodexi se sont déjà lancés. D’autres, telles EDF ou la Société Générale, étudient la question avec intérêt. Si les avantages de la formule sont connus – les salariés se forment chez eux aux nouvelles technologies, voire aux produits maison, les expériences de ces sociétés pionnières montrent qu’endosser le costume de père Noël des NTIC ne s’improvise guère.

Quel matériel proposer et à quel prix ?

“La complexité d’un tel projet réside dans la quantité de paramètres qu’il faut prendre en considération au stade de l’étude”, explique Roland Tripard, directeur marketing de WStore, société d’ingénierie très active sur le marché de l’équipement des employés en micro-informatique personnelle.Ainsi, les premières questions pertinentes seraient “Quel ordinateur proposer?” et, surtout, “A quel prix?” L’exemple de La Poste est, à cet égard, édifiant. En septembre dernier, elle a donné à ses employés le choix entre trois configurations allant de 6000 à plus de 10000francs. “Des prix inférieurs de 30% à ceux du marché”, note Patrick Wideloecher, directeur de la communication. Résultat: “Un demi-succès. Seuls quatre mille cinq cents salariés se sont déclarés intéressés là où nous en attendions huit mille à dix mille. Nous repartons donc de zéro et étudions la possibilité d’une offre complètement gratuite.”Pour d’autres entreprises, c’est la “cohérence”qui a primé. “Nous avons opté pour un équipement facile d’utilisation, ludique, et qui soit le même pour tous afin de ne pas introduire de
discrimination entre les différents métiers”, explique Eric Magnaudet, en charge du projet chez Vivendi Universal. Pour sa part, Prisma Presse a fait un choix sensiblement différent. Si son action s’inscrit dans le cadre d’une opération menée au niveau de la maison mère, Bertelsmann, le groupe a décidé d’aller plus loin. “Non seulement nous avons complété la proposition par une offre diversifiée, mais nous avons aussi élargi le champ d’éligibilité aux CDD “, relève Philippe Pouzeratte, directeur des ressources humaines de Prisma. Pour Roland Tripard, “il importe avant tout de comprendre les besoins des salariés. Et, surtout, de ne pas se tromper de public.”

Des contraintes logistiques parfois lourdes

C’est ce constat qui a donné l’idée à WStore, spécialiste du sur mesure, de développer, par exemple, des solutions offrant un accès internet via un poste de télévision pour les entreprises à forte proportion de cols bleus. Jean-François Bouilhaguet, directeur de Sodexi (voir encadré), avait vu grand pour les manutentionnaires de sa société de fret express. “Au départ, nous avions envisagé d’offrir à nos employés des ordinateurs portables. Mais ils avaient envie de quelque chose avec un écran, des enceintes, une souris, et qui soit utilisable par leurs enfants.” L’important est de ne pas perdre de vue que ces choix initiaux entraînent des contraintes logistiques qui sont parfois lourdes à gérer. “Les implications d’un tel projet vont bien au-delà du fait d’offrir un ordinateur avec un accès à internet”, prévient Roland Tripard. Et de citer l’exemple de ce constructeur informatique qui s’était lancé seul dans l’aventure, mais s’est retrouvé incapable de gérer, un volume d’appels tel, que les services techniques en interne ont été submergés.Chez Vivendi Universal, bien que l’ingénierie du projet Netgener@tion soit confiée à un prestataire extérieur, le groupe a dû mettre en place une cellule de cinq cents personnes afin de faire remonter les appels pour réclamations. “On s’attendait à ce que ce soit difficile, mais pas à ce point-là!” reconna”t Eric Magnaudet. Avec “mille à mille cinq cents commandes par jour”, Vivendi a eu fort à faire en matière de complexité logistique. Et comme il s’était engagé à livrer à domicile, dans un délai de deux à trois semaines, les circuits de son prestataire de livraison n’ont pas tardé à se trouver engorgés. Trois autres livreurs ont donc été mis sur les rails.

Faire oeuvre de transparence envers les intéressés

Le projet de loi de finances 2001 encadrant l’offre d’ordinateurs au personnel prévoit que leur usage doit être “non professionnel”. C’est pour cette raison que celle de Vivendi Universal ne comporte ni ordinateur portable, ni logiciel de travail. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses entreprises ont fait le choix de connecter les ordinateurs de leurs salariés à l’intranet du groupe. La question avait attisé les craintes des syndicats. Ils y voyaient un moyen détourné par les employeurs de faire travailler leurs employés à la maison. Ce point précis peut faire l’objet d’un accord avec leurs représentants. A ce stade, il s’agit avant tout de faire ?”uvre de transparence et de prendre des engagements clairs envers les intéressés. Une décision unilatérale ne manquerait pas de susciter la méfiance. C’est le cas chez France Télécom, où le syndicat Sud dit rester très vigilant: “L’offre proposée exige certaines contreparties du salarié – par exemple, tester les nouveaux produits, se former sur le net et ne pas dénigrer l’image de l’entreprise à l’extérieur. Pour nous, il y a toujours un risque de dérive.” Les employés de l’opérateur télécoms qui sont équipés ont ainsi accès à l’intranet et peuvent consulter leur courrier électronique professionnel.La Poste, à l’instar de Vivendi Universal, étudie la possibilité d’ouvrir son intranet aux organisations syndicales en même temps qu’aux salariés. A l’exemple de WStore ou de PeoplePC, certaines sociétés d’ingénierie proposent des projets clefs en main, de l’audit à la hotline en passant par la livraison et l’installation. “L’implication de l’entreprise au plus haut niveau est indispensable”, souligne Marc Rassat, directeur de la communication à Prisma Presse. La direction des ressources humaines a aussi un rôle important à jouer, “notamment parce qu’il faut être attentif au traitement équitable de chaque individu, de chaque cas particulier”. Elle assure le lien avec les employés dans le processus administratif et l’interprétation de l’accord. Et puisqu’il s’agit d’être transparent, l’intervention de la direction de la communication s’avérera déterminante. A toutes ces conditions et à celles-ci seulement, conclut Philippe Pouzeratte, directeur des ressources humaines chez Prisma, “monter un projet de ce type peut et doit contribuer à créer, au sein de l’entreprise, une dynamique et un climat social favorables, car c’est l’occasion de nouer un contact privilégié avec chaque salarié.”

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alérie Samson et Philippe Grange