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Optims dans l’enfer du Nouveau Marché

Le leader européen des solutions technologiques pour le tourisme et la restauration est déçu de son voyage en Bourse. Introduite à 10,8 euros en juin 2000, l’action est tombée à 0,7. Comment les dirigeants vivent-ils ce fiasco ?

Optims se retrouve parmi les éclopées du Nouveau Marché, ainsi que beaucoup se qualifient en privé. Ce spécialiste des nouvelles technologies liées au voyage, au tourisme et à la restauration, basé à Evry, près de Paris, multiplie les communiqués pour rassurer la communauté financière en affichant des progressions de son chiffre d’affaires semestriel à deux chiffres et des acquisitions européennes tous les six mois. Mais rien n’y fait. La société est boudée par les analystes et les gérants de Sicav ou de fonds commun de placement (FCP).

Sous-évaluée ?

Optims a le triste privilège d’afficher une trésorerie de 13 millions d’euros (85,3 millions de francs) alors que le marché ne l’évalue qu’à hauteur de 8 millions. Si l’on tient compte de l’actif, du savoir-faire, de la matière grise des équipes de chercheurs (un tiers des 150 salariés) ou des recettes récurrentes liées à la maintenance des progiciels vendus, la valorisation de l’entreprise, d’après ses dirigeants, serait quatre à cinq fois supérieure à l’évaluation strictement boursière. Paradoxe, irrationalité des marchés financiers ? Le hic, c’est que cette entreprise confirme plus la règle actuelle que l’exception. Introduit au cours de 10,8 euros en juin 2000, le titre ne cote plus aujourd’hui que 0,7 euro, sans avoir eu l’occasion de goûter au charme des “plus hauts historiques”. Une situation est difficile à vivre pour les actionnaires, qui peuvent se sentir spoliés, comme pour les dirigeants-actionnaires qui s’estiment incompris de la communauté financière.“Quelques mois après notre introduction, j’ai commis une erreur, qui a été finalement salutaire. J’avais donné mon numéro de portable à un gestionnaire de FCP qui s’est spécialisé dans les valeurs moyennes. À chaque baisse brutale de notre cours, il m’appelait pour me demander des explications. Il pensait que le parcours boursier du titre était lié à un changement de stratégie de notre entreprise alors qu’en fait il n’en était rien”, se souvient Antoine Medawar, le PDG fondateur de l’entreprise.“Contrairement au début de notre vie boursière, je ne gère plus mon entreprise en fonction des signaux que me donne le marché. Au bout de six mois, j’ai fini par comprendre la distinction entre leur logique à court terme et la stratégie à moyen et long terme qu’une entreprise comme la nôtre doit s’imposer. Désormais, je prends des décisions stratégiques (rachat, prise de participations) sans m’interroger sur la réaction du marché. On a beau être coté en Bourse, il faut construire un “business model” fiable. Et ne pas être trop réactif face l’émotivité du marché. Sinon, on peut faire n’importe quoi” Regrette-t-il son introduction en Bourse ? Non. “Le recours au capital-risque aurait eu un effet trop dilutif pour les principaux actionnaires fondateurs. Une introduction en Bourse favorise la notoriété de l’entreprise, à l’international notamment.” Il n’empêche qu’Antoine Medawar doit régulièrement passer sous les fourches caudines des analystes financiers. Quelques mois après l’appel au marché, ceux de Deloitte et de HSBC-CCF lui ont reproché des perspectives de croissance irréalistes (25 % au lieu des 14 % réalisés). Mais cela n’est-il pas le lot de toute entreprise cotée ? En revanche, Antoine Medawar est intarissable sur le comportement moutonnier des analystes. “Sous prétexte que notre métier de base est le tourisme et l’hôtellerie, ils nous délaissent totalement depuis le 11 septembre. Pourtant, nos clients ne sont pas les palaces des grandes capitales européennes mais des établissements de taille moyenne, les deux étoiles implantés en France et en Europe du Sud. Cet amalgame est injuste.” Il n’est pas le premier chef d’une entreprise cotée à dénoncer la tyrannie de la communauté financière.Avoir une faible valeur en Bourse présente beaucoup d’inconvénients. En s’introduisant sur le marché, l’ambition d’Optims était de réaliser des acquisitions européennes en échangeant du papier. Quand on pèse moins d’un euro et que l’on entre dans le cercle de moins en moins restreint des “penny stocks”, il est difficile de jouer les fiers-à-bras. “Nous sommes obligés de payer cash pour notre croissance externe. Au lieu d’échanger des actions, nous puisons dans notre trésorerie. Ce qu’il y a de plus rageant, c’est que les analystes financiers jugent cette stratégie aventureuse alors qu’elle ne met pas en cause notre trésor de guerre et qu’elle coûterait bien moins cher sous forme d’échange de titres estimés à leur juste valeur.” Antoine Medawar n’en a pas fini avec l’école de la Bourse. Mais il n’est pas pressé et jure que la valorisation de son entreprise reviendra à un niveau raisonnable d’ici à deux ans.

Un couple redoutable

Réaliste, il a recruté il y a moins d’un an Luc Mazet, 40 ans, directeur financier venu de la société de Bourse Cholet-Dupont, laquelle a participé à l’introduction d’Optims. Passé de l’autre côté de la barrière, Luc Mazet n’est pas avare de commentaires amers vis-à-vis de ses anciens collègues. “Les cabinets d’analystes, comme les sociétés de gestion, sont en sous-effectif ; il est impossible de suivre sérieusement plus de dix entreprises d’un secteur aussi mouvant que celui des TMT [technologies, médias et télécoms, ndlr]. Or ils en suivent une vingtaine.” Il est certes plus difficile de suivre aujourd’hui le secteur des TMT, qu’hier des valeurs comme Air liquide ou le Crédit Foncier.De la même génération, Antoine et Luc forment un couple redoutable. D’un côté, le bouillonnant chef d’entreprise plein de projets (BTS de gestion hôtelière, DESS financier), qui a débuté en gérant un hôtel Accor avant de rejoindre la maison mère (actionnaire à 10 % d’Optims) comme coresponsable de l’informatique. De l’autre, le sage membre de la Sfaf (Société française d’analystes financiers), qui a commencé sa carrière chez IBM en 1994 en tant que gestionnaire de grands comptes, puis a rejoint la banque Paluel-Marmont. C’est souvent lui qui répond aux questions des analystes financiers et des gestionnaires de portefeuilles. “J’ai parfois peur du franc-parler de mon employeur. Il est capable de déclarer tout de go devant un parterre de deux cents financiers que la chute de son cours en Bourse n’est pas si catastrophique que cela, comparée à celle du Nouveau Marché ou de France Telecom avant de conclure qu’ils ne comprennent rien à son métier. Ce n’est pas le discours à tenir en ce moment aux analystes, qui estiment que, selon nos fondamentaux, notre objectif de cours est de 5 euros avant deux ans. C’est pourquoi je dispose d’un droit de veto.” Il est vrai que le capital d’Optims est mal contrôlé (voir chiffres clés). Une OPA est tout à fait possible. Antoine Medawar repousse cette éventualité d’un revers de la main. “Une OPA hostile me semble exclue, il faudrait que les prédateurs séduisent nos équipes de recherche-développement, véritable colonne vertébrale de l’entreprise, ainsi que nos commerciaux, qui, via la maintenance, assurent 15 % d’un chiffre d’affaires récurrent”. Fort bien. Mais quelle entreprise sous-valorisée du Nouveau Marché, dont le capital n’est pas verrouillé, peut se sentir à l’abri d’un raid hostile ?

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Jean-Pierre Savalle