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Opération séduction, l’économie numérique a besoin des femmes

Attirer les femmes dans les entreprises du numérique, masculines à 75%, c’est tout un programme. Rencontre et entretien avec la Directrice Générale d’Orange Delphine Ernotte-Cunci qui cherche à féminiser ce secteur.

Delphine Ernotte-Cunci est Directrice Générale d’Orange. Un groupe de télécommunication qui compte 100 000 salariés en France. Une femme à ce poste, c’est une exception dans les métiers du numérique.

01net : Est-ce que vous avez ressenti une pression particulière parce que vous étiez une femme lorsque vous avez été nommée Directrice Générale d’Orange France en 2011 ?

Delphine Ernotte-Cunci : On ressent une certaine pression en tant que femme à des postes à responsabilité, de manière générale. Est-ce que moi j’en ai ressenti ? Je dirai, oui, comme d’habitude. Quels sont les progrès à faire pour qu’il y ait davantage de femmes dans les métiers du numérique ? La loi Copé-Zimmermann a fait beaucoup pour promouvoir les femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. Le quota en soi, ça n’est pas très satisfaisant mais c’est efficace. En revanche, le nombre de femmes dans les instances de direction des grosses entreprises françaises stagne toujours un peu. Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour que les femmes accèdent à des fonctions dirigeantes, notamment dans les métiers du numérique.

Quelle est la situation au sein d’Orange ?

Delphine Ernotte-Cunci : Stéphane Richard [le PDG de France Telecom] a fixé comme objectif qu’il y ait autant de femmes dans les instances de direction qu’il y en a dans l’entreprise, c’est-à-dire 35%. Moi-même, je suis présidente du comité égalité professionnelle. C’est donc aussi de ma responsabilité qu’on atteigne ce chiffre.

Comment comptez-vous y arriver ?

Delphine Ernotte-Cunci : Il y a beaucoup de jeunes filles qui embrassent des filières scientifiques au lycée et qui y réussissent très bien. Mais elles ne poursuivent pas après dans cette voie. Alors, on fait ce qu’on appelle du shadowing : on les invite à suivre une femme ingénieur pendant une journée pour qu’elles voient concrètement ce qu’est ce métier et pour qu’elle puisse aussi s’identifier à des femmes qui l’exercent. C’est important pour nous parce qu’on est une entreprise très technique et qu’on va encore recruter 4000 personnes dans les prochaines années. Après, une fois qu’elles sont dans l’entreprise, il y a une autre difficulté : proposer une façon de travailler qui leur permette de concilier carrière et vie privée (avec des enfants ou pas). Enfin, il y a des freins culturels à lever. Les femmes ne se projettent pas assez dans des postes à responsabilité, elles se disent qu’elles ne vont pas y arriver, qu’elles n’ont pas toutes les compétences. Pour dépasser cela, il faut parler avec elles. C’est pour cette raison qu’on a mis en place du mentoring avec des salariés (ées) qui prennent ces jeunes femmes sous leur aile. L’idée, c’est qu’elles puissent se confier de manière simple et confidentielle.

Vous-même, avez-vous rencontré des difficultés dans votre carrière parce que vous étiez une femme ?

Delphine Ernotte-Cunci : J’ai eu des moments des difficiles quand mes enfants étaient petits et que je devais gérer la logistique et ma vie professionnelle. On sent bien aussi que l’autorité qu’on vous confère en tant que femme n’est pas du même ordre, et qu’il faut faire ses preuves. Ce qui est le plus difficile pour moi, c’est de ne pas avoir la même liberté d’expression que mes collègues masculins. Une femme ne peut pas vraiment se mettre en colère parce qu’on va tout de suite dire : « elle est hystérique ». A l’extrême inverse, manifester trop de compassion et d’empathie, ça peut aussi être perçu comme une faiblesse, une fragilité. « Elle est trop affective », entend-on souvent. Je suis donc obligée de faire attention aux émotions que j’émets. Même si rien ne m’empêche de les ressentir…

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Amélie Charnay