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Loi contre la cyberhaine : le Sénat s’oppose au gouvernement et vote sa propre version du texte

La proposition de loi portée par Laetitia Avia visant à lutter contre la haine en ligne a été adoptée, en deuxième lecture, par les sénateurs… mais toujours en écartant l’article 1er.

De nouveau, la loi contre la haine en ligne se trouve dans une impasse juridique. Le Sénat a voté en deuxième lecture mercredi 26 février un texte différent de celui voté le 22 janvier dernier par les députés – après l’échec de la commission paritaire réunie au début de l’année. Comme l’expliquait alors le rapporteur de la loi pour le Sénat, Christophe André-Frassa, la « principale divergence avec les députés concerne l’article 1er, qui crée un délit de “non-retrait” en 24 heures des contenus haineux. Ce dispositif est juridiquement inabouti, contraire au droit européen et déséquilibré au détriment de la liberté d’expression ». Aujourd’hui, c’est encore cette disposition qui freine l’adoption d’un texte commun.

Comme un air de déjà-vu

Malgré l’appel du président du Sénat, Gérard Larcher (LREM) à « réguler les torrents de boue en ligne qui détruisent des vies et abîment notre démocratie », doublé de celui du secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, à « adopter un texte à la hauteur » à l’ouverture des débats en séance, les sénateurs ont campé sur leurs positions. Outre la disparition du délai de 24 heures, les principaux changements voulus par le Sénat sont la suppression du délai en une heure pour les contenus terroristes et pédopornographiques, l’encadrement plus strict de la conservation des contenus illicites retirés afin de les transmettre à la justice, et également le renforcement du rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

« Comme prévu le Sénat a voté un texte sans ambition consacrant le statu quo et ne donnant aucune exigence réelle aux plates-formes », a commenté Laetitia Avia, députée LREM porteuse du texte, visiblement déçue. Mais, dans le ping-pong législatif, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Et le parti présidentiel y détient une large majorité. Déjà adopté en première et deuxième lecture par les députés presque tel qu’il a été déposé, le texte va devoir être réexaminé d’ici fin mars. Sans surprise, les députés devraient revenir à la version précédemment votée dans l’hémicycle.

Les rangs des opposants s’étoffent

Cette proposition de loi, qui entend lutter contre la propagation des discours haineux sur Internet en responsabilisant les plates-formes, peine également à convaincre au niveau européen. La Commission a d’ailleurs exprimé ses doutes quant à sa conformité aux lois en vigueur dans l’espace communautaire. Dans la même veine, la République tchèque s’était aussi dressée contre la proposition de loi française.

Le texte a également créé un tollé au sein des acteurs du numérique. Le Conseil national du numérique, la Ligue des Droits de l’Homme, la Quadrature du Net, Internet Sans Frontières et Change.org entre autres ont lancé courant janvier une pétition en ligne pour dénoncer une loi qu’ils estiment liberticide.

Source : Sénat et Actualité du droit 

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Marion SIMON-RAINAUD