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L’i-mode, le pari réfléchi de Bouygues

Le président de Bouygues Telecom veut renouer avec l’innovation. Il tente seul en France l’aventure de l’i-mode.

La décision ne s’est pas imposée facilement. Deux ans d’études auront été nécessaires à Martin Bouygues, président de Bouygues Telecom, pour importer en France l’i-mode, le service multimédia mobile qui fait aujourd’hui la fortune de son inventeur, le japonais NTT DoCoMo.Deux ans pour comprendre la technologie, valider son modèle et surtout imposer la décision à ceux qui, au sein même de ses équipes, doutaient de l’option stratégique.

Questions en suspens

Il est vrai que les sujets d’interrogation ne manquent pas. En premier lieu, le modèle japonais développé par l’opérateur local dominant est-il exportable ? Ensuite, la technologie est-elle compatible avec celle ?” le WAP ?” adoptée par les deux leaders du marché, Orange et SFR ?Enfin, comme n’ont pas manqué de le remarquer certains au sein de Bouygues Telecom, n’est-il pas trop tard par se lancer dans un cavalier seul alors que d’ici à un an ?” les premiers services seront lancés dans les 6 à 12 prochains mois en GPRS ?” l’i-mode ne devrait guère se différencier des versions WAP à venir ?Mais Martin Bouygues est un homme de conviction. Et surtout, le troisième opérateur du marché, candidat lui aussi à une licence de troisième génération de téléphonie mobile, se devait de renouer avec l’innovation, après avoir introduit le premier les forfaits.Martin Bouygues a choisi Tokyo, le 17 avril, pour officialiser son alliance commerciale avec NTT DoCoMo. Une alliance qui passe par un accord de licence, dont le montant est tenu secret. Bouygues Telecom aura le droit d’utiliser la marque i-mode et profitera du savoir-faire de DoCoMo.Un savoir-faire qui repose sur un langage informatique ?” le cHTML, proche de celui employé sur Internet ?”, sur une charte contraignante pour les fournisseurs de services, à qui il est demandé de se plier aux exigences de la mobilité et des terminaux, mais surtout sur un modèle économique inspiré du Kiosque né en France… avec le Minitel.

Des contenus bien rémunérés

L’opérateur facture un abonnement qui devrait être proche de 3 euros, selon Gilles Pélisson, directeur général de Bouygues Telecom. L’utilisateur paie ensuite les services de son choix, dont le prix dépendra du volume de données échangées.Les fournisseurs de contenus gardent l’essentiel des recettes, 90 % pour ceux qui sont référencés par NTT DoCoMo. KPN, qui a lancé le premier l’i-mode en Europe par l’intermédaire de sa filiale allemande E-Plus, reverse quant à lui 86 % des revenus générés par les services.Ce mode de rémunération a permis à DoCoMo d’attirer à lui quelque 3 000 sites, qui font la richesse de l’offre i-mode et le bonheur de 32 millions d’abonnés. Pour Gilles Pélisson, les premiers résultats constatés en Allemagne sont encourageants : un mois après son lancement, E-Plus revendique l’adhésion de 73 fournisseurs de services.Bouygues Telecom peut d’ores et déjà s’appuyer sur TF1, filiale de sa maison mère Bouygues, qui apportera des contenus inspirés du site Internet de la chaîne. Il compte également sur l’intérêt d’autres acteurs internet “qui pourront facilement adapter leur site à l’i-mode “.Selon Bertrand Kleinmann, vice-président d’AT Kearney, le premier intérêt de l’i-mode est d’avoir déjà fait ses preuves. Dans la dernière édition de son étude Mobinet sur le comportement des utilisateurs de mobile, il affirme que ” pour rencontrer la demande, l’industrie doit se focaliser sur deux défis : fournir des services attractifs et innovants, ainsi qu’une technologie fiable et performante. Le premier défi passera certainement par une plus grande ouverture des opérateurs envers la communauté des fournisseurs de services et d’applications via un modèle de rémunération attractif. “En clair, sinspirer du modèle i-mode. Pour Bruno Duarte, consultant spécialisé dans les télécoms chez Arthur D. Little, Bouygues Telecom devra résoudre une équation économique difficile : commercialiser des terminaux compatibles i-mode à des prix abordables et à des niveaux de subvention supportables.La réponse ne dépend pas de Martin Bouygues, mais des équipementiers.

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Thierry Del Jésus