Passer au contenu

Le marché du stockage en pleine forme, malgré tout

Le secteur du stockage voit la progression de ses revenus bridée par le renforcement de la concurrence entre les constructeurs, et par un ralentissement des investissements des entreprises. Cependant, la croissance est là.

Une croissance honnête : 15 % environ, c’est la hausse que le marché du stockage aura connue entre 1999 et 2000. Nous avons calculé cette évolution à partir des revenus des cinquante premières sociétés spécialisées dans le stockage informatique. Ce résultat est proche de l’analyse du cabinet IDC, qui estime à 12 % la croissance annuelle moyenne du seul secteur des systèmes disques entre 1999 et 2004, année où ce segment pèsera 53 milliards de dollars, soit presque le double de ce qu’il était en 1999 !Mais, pour cause de concurrence acharnée sur les prix, le bond auquel le marché aurait pu s’attendre n’a toutefois pas eu lieu. Et le pire, pour les constructeurs, semble à venir, tant les principaux acteurs multiplient les avertissements pour 2001. Cette fois, c’est le ralentissement de l’activité économique qui est en cause : “Quand nos clients gagnent moins d’argent, ils ont moins d’argent à dépenser !“, résume en lapalissade Joe Tucci, président d’EMC, le numéro un mondial du secteur.

Une prime souvent réservée aux leaders

La modestie des résultats de l’année 2000 dissimule des réussites éclatantes, où la prime va souvent aux leaders. En témoigne EMC, qui a renforcé sa domination. La croissance de son activité a dépassé 30 %, et la firme affiche un bénéfice de 1,7 milliard de dollars ! Mais, depuis, EMC intensifie les messages d’alerte. En avril, la firme ramenait à 20 % ses perspectives de croissance pour 2001, estimées à 35 %. Elle annonçait même la suppression de 4 % de ses effectifs, soit environ mille personnes, sans toutefois réduire ses équipes commerciales qui, au contraire, devraient être renforcées. Aujourd’hui, ce major table sur une stabilisation pour le second semestre 2001, avant un redémarrage, en 2002, dû pour partie à une baisse concédée sur les prix de ses produits, ainsi que sur la certitude que les entreprises ne peuvent se passer d’investissements en matière de stockage.Compaq arrive en deuxième position pour les revenus générés par les sous-systèmes disques. Dans son bilan, l’activité stockage regroupe les revenus liés aux disques, au SAN, et aux sauvegardes sur bande. Sa progression globale n’aura été que de 3 % entre 1999 et 2000. Mais la capacité disque vendue, pour sa part, s’est accrue de 70 %, atteignant un volume de 70 000 To ! La guerre des prix est passée par là car, dans le même temps, les revenus générés par l’ensemble des disques ?” internes et externes aux serveurs ?” ont augmenté de moins de 10 %. Le vecteur de croissance est désormais le stockage Raid externe (gamme StorageWorks), dont les revenus ont, pour leur part, augmenté de 40 %, selon Gartner Dataquest, pour atteindre 1,8 milliard de dollars. Chez EMC, l’activité correspondante connaît une croissance identique, mais pèse 5,8 milliards. Il faut noter toutefois que, selon le segment de marché, Compaq détrônerait EMC. La lutte est serrée, par exemple, en ce qui concerne les revenus liés aux systèmes Raid externes pour Windows NT. Les autres compétiteurs visent les accessits pour l’instant, d’après les analystes.

EMC-Compaq : la course-poursuite

Enfin, Gartner Dataquest place Compaq en tête pour le nombre d’unités Raid vendues en environnement SAN, mais situe EMC en tête pour les revenus générés par ce même segment. Dans cette guerre des chiffres, EMC bénéficie de sa forte implantation dans les grands systèmes, tandis que Compaq peut comptabiliser les disques internes de ses serveurs lorsque cela est possible.Au chapitre de ceux qui ont une revanche à prendre se trouvent Sun et IBM. En troisième position parmi les grands constructeurs informatiques, Sun est trop longtemps resté centré sur le développement de ses machines Unix. Il s’est laissé dépasser par EMC dans le domaine des baies haut de gamme pour Solaris, qui devrait pourtant être sa chasse gardée. Le constructeur californien s’est donc allié, en août, avec HDS, afin de se doter de l’arme ad hoc pour contrer son rival. Ce sera le Lightning 9 900, de HDS, renommé StorEdge 9900, destiné aux centres de calcul exigeants.Quant à IBM, le bilan de son activité stockage additionne officiellement les revenus de son sous-système disque ESS (Enterprise storage server), également appelé Shark, du SAN et des systèmes à bande magnétique. Comme chez Compaq, la progression globale est limitée puisqu’elle n’atteint que 6 %, tandis que la capacité disque vendue a augmenté de 70 %. Linda S. Sanford, en charge de la division Stockage d’IBM, n’hésite pas à s’autoflageller : “Nous devons reconquérir le leadership en matière de stockage…“La firme n’a pourtant pas à rougir : via ses brevets, son activité de fabricant de disques, la vente en direct, et ses canaux OEM, elle pèserait, en fait, 10 milliards de dollars dans le stockage. À présent, IBM fait flèche de tout bois, proposant des solutions aussi bien NAS que SAN, et, désormais, iSCSI, le nouveau standard de stockage sur IP et Ethernet, sur lequel il se situe aux avant-postes. Comparativement, Dell est le poids léger du secteur. Il poursuit sa lutte sur les prix, bouscule les grands de l’informatique, et s’appuie en particulier sur des contrats de revente de systèmes OEM avec Network Appliance. Si le marché du disque est soumis à une concurrence rigoureuse, ce n’est pas le cas de la niche des équipements de connectivité Fibre Channel : commutateurs, routeurs et adaptateurs. Celle-ci connaît une forte poussée et représente environ 1,4 milliard de dollars, en croissance de 70 %.

Fibre Channel, la vache à lait

Là encore, la prime va aux leaders, qui recourent massivement à la vente via les constructeurs informatiques et les spécialistes du stockage (StorageTek ou HDS). Brocade a ainsi vu son chiffre d’affaires multiplié par cinq ! Emulex, reconverti dans les adaptateurs Fibre Channel, bondit de 75 %. Sur le même marché, QLogic et JNI affichent une solide progression. McDATA, la filiale d’EMC concurrente de Brocade, voit tripler son chiffre d’affaires. En revanche, Gadzoox et Vixel sont en perte de vitesse. Ayant misé sur les commutateurs de technologie FCAL (Fibre channel arbitrated loop), ils ont été très largement distancés par Brocade. L’arrivée du standard de Fibre Channel à 2 Gbit/s pourrait les remettre en selle. L’absence d’une réelle concurrence dans le domaine des commutateurs est préjudiciable à la démocratisation du Fibre Channel, les prix restant abusivement élevés. L’arrivée de l’iSCSI pourrait aussi décrédibiliser le Fibre Channel. Les secteurs les moins porteurs restent ceux des consommables, où la concurrence est la plus vive. Ainsi, en ce qui concerne les supports de stockage, optiques ou magnétiques, les fabricants ?” Imation, Iomega, LaCie ou Plasmon ?” affichent tous une baisse ou une stagnation de leurs revenus dans ce domaine.

La guerre des consommables

La situation est plus contrastée en matière de sauvegarde sur bande magnétique. Les systèmes qui ne se sont pas imposés comme des standards universels apparaissent fragilisés. Exabyte piétine, et tente une percée en rachetant Ecrix, tandis que Tandberg Data recule. Mais les adeptes des robots de milieu de gamme ?” technologie DLT en tête ?” tels qu’Adic et Overland Data bénéficient d’une croissance qui dépasse les 20 %. Leurs ventes par le canal des constructeurs informatiques sont particulièrement dynamiques. Paradoxalement, Quantum ?” à l’origine du DLT ?” ne profite pas de cette embellie. La firme vient pourtant de s’étoffer en rachetant le britannique M4. Quant à StorageTek, il poursuit sa migration des grands systèmes vers les systèmes ouverts, NT et Unix. Si les bandes ?” 9840, LTO et DLT ?” représentent encore 54 % de ses revenus et sont toujours en croissance, le fabricant investit dans le SAN et les baies de disques. Avec près de un an de retard, son SN6000 devrait réaliser la virtualisation des sous-systèmes disques de l’entreprise aussi bien que celle des sauvegardes sur bande.Cet intérêt pour la virtualisation est partagé par l’ensemble des acteurs du marché. Il faut dire que, longtemps considérés comme le talon d’Achille du stockage, les logiciels d’administration et d’exploitation prennent leur revanche.En témoignent les investissements réalisés par EMC, qui s’apprête à dépenser 1,2 milliard de dollars en recherche-développement, dont 80 % iront au logiciel. Le Gartner Dataquest table sur une croissance annuelle de 26 % du marché du logiciel. IDC souligne, pour sa part, le poids des suites complètes de backup, archivage et restauration multienvironnements. Un segment qui devrait doubler entre 1999 et 2004, et atteindre 5,6 milliards, tandis que le marché du logiciel lié au stockage pèsera 10,4 milliards.Mais une nouvelle strate vient sur le devant de la scène : la virtualisation et les services associés (réplication de données, Snapshot, et qualité de service). Dans le domaine du SAN hétérogène, il devient impératif d’unifier la gestion des ressources issues de multiples constructeurs. Une multitude de start-up envahissent ce marché embryonnaire. DataCore et FalconStor s’attaquent à la France. Mais d’autres suivent, comme SANavigator (filiale de Western Digital), Prisa Networks, et TeraCloud. L’une d’elles, StorageApps, distribuée par Dell, vient d’être rachetée, pour 350 millions de dollars, par HP. Sans compter avec des poids lourds comme Veritas qui, vorace, a doublé son chiffre d’affaires.

Les constructeurs menacés

L’irruption de ces fonctionnalités logicielles est une menace pour les constructeurs de matériels. En effet, ces solutions concurrencent les approches où l’intelligence se situe dans la baie de disques, comme c’est le cas pour la copie distante ou le Snapshot. Le matériel sera banalisé, ces logiciels traitant indifféremment une baie HDS et une baie IBM, répliquant même l’une sur l’autre de façon transparente. Ce qui laisse toutefois présager la démocratisation des SAN grâce à une simplification de leur administration…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Xavier Bouchet et Jean-Pierre Blettner