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En négociation, l’e-mail est-il dangereux ?!

Pratique, brut de fonderie, l’e-mail est devenu un moyen universel de communication, nul ne le conteste. Ne s’embarrassant ni de l’orthographe ni du style, on consacre peu de temps à sa rédaction comme à sa lecture. Mais dans certaines situations, son usage est à déconseiller fortement. Surtout en cas de crise…

Combien en recevons-nous de ces e-mails à la grammaire en déconfiture ?” pour ne pas dire inexistante ?”, de ces textes sibyllins truffés de smileys censés nous éclairer sur l’humeur de l’expéditeur, d’abréviations impénétrables ?60 % des messages semblent proches de ceux d’un SMS de téléphone filaire, leur lecture en diagonale nous ayant habitués à interpréter un mot sur deux pour en comprendre le sens général. Sans oublier que dans pratiquement tous les cas nous en prenons connaissance à l’écran, dans des conditions peu confortables…Tant qu’il s’agit de donner des nouvelles, des informations générales, de confirmer un rendez-vous, l’e-mail est l’outil idoine, d’autant que l’on peut ” mettre en copie ” des tas d’autres personnes, ou joindre une pièce… A contrario, l’e-mail devient souvent inadapté dès lors qu’il s’agit de négocier, d’expliquer une prise de position, de résoudre une amorce de conflit…En premier lieu, le caractère asynchrone des réponses peut constituer une source d’incompréhension, et le dialogue ” ping-pong ” s’avère néfaste, stérile ?” chacun s’efforçant de chercher le mot qui ravivera la discorde afin de ne pas perdre la face… Considérons en outre qu’un e-mail expédié est automatiquement considéré comme ” lu ” par son expéditeur, ce qui peut donner lieu aux plus désagréables malentendus.Or, un simple coup de fil permet sans nul doute d’éviter bien des désagréments du différé. A condition toutefois de répondre… le portable téléphonique affichant le numéro du correspondant, permettant ainsi d’esquiver la confrontation.

On est rarement seul à lire un e-mail…

Ensuite, cet échange est rarement une simple confrontation entre deux personnes, mais, de plus en plus, un pugilat aimable devant une série de témoins, destinataires conviés involontairement à la curée…Dès lors, pas de pitié dans le style, chaque rédacteur va fourbir ses réponses comme des Scud, trouver la phrase qui tue, le mot qui va mettre les rieurs de son côté. Sans oublier que chacun se doit d’expliquer sa position, pas tant pour le destinataire que vis-à-vis des multiples spectateurs invités ignorant tout des motifs de dissension !Bref, tout cela entraîne des réactions en chaîne et des torrents d’incompréhension entre des individus que pourtant nombre de points devraient réunir.La réponse du débatteur se doit de prendre en compte tous les points soulevés par l’adversaire, ce qui n’est pas fait pour alléger les réponses ! Chaque mot semble une dague, une épée qu’il faut parer !! Ce manque d’intimité, cette impression de laver son linge sale devant un auditoire, attise le besoin de se justifier envers et contre tous.Quitte même à oublier le sens du courrier auquel on répond. Tous les ingrédients pour déraper sont là, et rares sont ceux qui se privent de les employer. Très vite les vacheries fusent, la ton monte et l’invective devient reine !Dernier point, l’absence même de formes ?” entendre le manque quasi total des formules de politesse qui structurent d’ordinaire toute correspondance épistolaire.Au lieu d’un ” Cher Monsieur Maurice, permettez-moi de vous exprimer ma surprise quant au ton de votre dernière lettre… “, nous avons désormais droit à des ” Maurice, t’es qu’un gros naze… “, nettement plus direct mais moins positif lors d’une tentative d’arrangement.D’ailleurs, essayez d’employer dans vos e-missives des formes traditionnelles et vous êtes immédiatement catalogué comme ” méprisant “, voire ” arrogant ” !N’oublions pas de mentionnner l’absence de l’écriture manuscrite, les caractères ” machine à écrire ” banalisant n’importe quelle prose…Pour avoir essayé sans succès de résoudre quelques conflits latents par e-mail, je n’ai jamais réussi qu’à radicaliser les positions de mon contradicteur, comme les miennes ! Surpris par ces échecs patents à répétition, j’ai interrogé quelques amis, relations, négociateurs professionnels hors pair.Conclusion, dans ces cas-là, tous, même les plus acharnés du mail, reviennent dare-dare au téléphone. En cas de gros problèmes, le dialogue direct, la tessiture des voix et l’écoute de lautre sont mille fois plus efficaces. Et là, pas besoin de smileys pour comprendre ce que ressent son correspondant !Prochaine chronique samedi 15 septembre

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Jean-Christophe Courte