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Le jeu qui propose d’incarner un SDF critiqué en haut lieu

Mise à jour. Benoist Apparu, le secrétaire d’Etat chargé du logement, monte au créneau contre Clodogame, un jeu en ligne gratuit qui met le joueur dans la peau d’un sans-abri.

Première parution le 27 août 2009

Clodogame, un jeu polémique qui vous met dans la peau d’un SDF

L’éditeur allemand Farbflut lance en France une version de son jeu en ligne gratuit. Le joueur y incarne un sans-domicile fixe qu’il s’agit d’enrichir, « par tous les moyens ». Du second degré revendiqué, mais aussi des amalgames douteux.

La grande souffrance physique, morale et sociale des personnes qui vivent dans la rue peut-elle être le thème d’un jeu vidéo en ligne ? Apparemment oui, si l’on en juge par l’ouverture récente de Clodogame.fr, version française d’un titre allemand (Pennergame, lancé en 2008) qui connaît outre-Rhin un succès important.

Le jeu, qui se range sous l’étiquette stratégie, vous propose d’incarner un sans-domicile fixe (SDF) dont le but est d’« accéder au rang de châtelain ». « Alors que certains préfèrent se plonger dans un monde fantastique peuplé de dragons, de barbares et autres magiciens, le jeu […] fait vivre au joueur les déboires d’un clochard lambda dans la jungle parisienne », annonce un communiqué.

Avec le plus grand sérieux, le programme est annoncé. Pour « enrichir » le SDF, « tous les moyens sont bons […] : améliorer ses compétences, collecter des tickets de métro, revendre ses diverses trouvailles, attaquer d’autres sans-logis, apprendre à jouer d’un instrument de musique, s’acheter des animaux de compagnie, etc. […] Les joueurs peuvent s’allier en communauté et créer des bandes leur permettant de dominer un arrondissement ».

« Il ne s’agit aucunement de se moquer de ces personnes »

Tout cela a l’allure d’une farce, mais il n’en est rien. L’internaute crée son compte, donne un nom à son « clodo » puis se lance dans le triste quotidien d’un SDF, en choisissant ses actions : faire la manche, s’acheter une brique de vin, récolter des tickets de métro, acheter un sac plastique (facturé bizarrement 9 euros…).

Le jeu est entièrement gratuit et financé par de la publicité (1). Du côté de l’éditeur allemand, Farbflut, bien conscient du côté sensible du sujet, on assume et on dédramatise. « Il ne s’agit aucunement de se moquer de ces personnes. On est plutôt dans le pur deuxième degré, sans méchanceté. Nous sommes conscients du côté polémique de notre jeu, mais, après tout, il y a bien des jeux où le but est de “dégommer” des gens tous azimuts. Nous, ce n’est pas le cas, et on donne de la visibilité à un problème de société », explique Jean-Baptiste Bertrand, porte-parole de l’éditeur pour la France.

« Dans la version française, le SDF peut vivre à Versailles et posséder un hippopotame ou une girafe comme animal de compagnie, dans la version allemande, il peut aller sur la Lune et posséder un ours ! » précise-t-il, pour souligner l’approche décalée du jeu. Trop, diront certains à la lecture de ce genre de message : « Procure-toi un sac à dos pour accumuler tes trouvailles, deviens un pickpocket hors pair et chaparde montres, portefeuilles et bijoux. Deviens le clochard le plus talentueux de Paris et installe-toi à Versailles ! » L’amalgame entre la pauvreté et le vol en choquera forcément plus d’un.

Soutien à des associations en Allemagne

Sur le site français, nulle information sérieuse ou didactique sur le drame des « petits tas tombés », comme le chante Alain Souchon, ni promotion des ONG humanitaires (Secours populaire, Croix-Rouge…) ni incitation à venir en aide à des personnes en détresse.

« En mettant en ligne des pages “sérieuses”, on donnerait l’impression de se justifier. Ce n’est qu’un jeu. En Allemagne, nous reversons de l’argent à des associations qui aident les personnes sans domicile fixe. En France, ce n’est pas le cas, mais nous le ferons si le jeu trouve son public. » Outre-Rhin, l’éditeur incite en effet les joueurs à verser de l’argent aux organisations caritatives et collabore avec le Berliner Strassenfeger, un magazine pour sans-abris de Berlin.

En Allemagne, ce titre – développé par deux jeunes gens de 20 ans – comptabilise selon Farbflut 2 millions de joueurs, ce qui ferait de lui « le premier jeu en ligne outre-Rhin ». Des versions ont aussi été lancées en Angleterre, en Pologne et en Espagne. Dans ces deux derniers pays, l’éditeur revendique respectivement 500 000 et 55 000 joueurs.

Le succès de ce jeu « borderline » en Allemagne a donné lieu à une vive polémique. En Pologne, les attaques ont été moins vives. Qu’en sera-t-il dans l’Hexagone ? Y a-t-il matière à être scandalisé, ou est-ce un bon moyen de braquer les projecteurs sur ce sujet de société ? Donnez-nous votre avis.

(1) En Allemagne, les joueurs peuvent aussi se créer un compte premium payant.

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Guillaume Deleurence