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Le boîtier Cyber Comm en panne de stratégie

Un an et demi après son lancement, ce lecteur de cartes à puce n’a toujours pas percé.

Cyber Comm, c’est l’histoire d’un rêve qui vire au cauchemar. L’ambition était pourtant simple : fabriquer un lecteur de cartes à puce qui permette aux internautes de faire des achats en ligne en toute sécurité en tapant leur code confidentiel pour valider leur paiement. Lancé en avril 2000 sous l’égide du Groupement des cartes bancaires par Marylise Lebranchu, alors secrétaire d’État au Commerce, le projet était ambitieux : 200 000 lecteurs distribués en 2000, 800 000 en 2001 et 2 millions à la fin 2002. Compaq devait livrer 100 000 claviers équipés d’un lecteur, les banques prévoyaient ?” disait-on ?” des offres ” packagées “.Retour à la réalité : l’heure des comptes a sonné. Dans le meilleur des cas, à peine plus de 10 000 boîtiers Cyber Comm sont en circulation en France. Le projet aurait englouti près de 11 millions d’euros (moins de 70 millions de francs) tout compris, de sources bancaires. “ Imposer ce lecteur auprès du grand public est une alchimie compliquée “, explique Jean-Marc Bornet, conseiller du président de Cyber Comm.

Une solution onéreuse

Premier problème : le boîtier était cher, très cher : 76 euros environ, et il n’a pas été subventionné par les banques, seules distributrices au départ. “ Pour qu’un nombre significatif de personnes s’équipent, il faut que le lecteur apporte autre chose que le paiement en ligne“, concède Jean-Marc Bornet. Cyber Comm se prépare donc à amorcer un virage stratégique important. Le consortium prépare un bouquet de services liés au boîtier. Les premières pistes envisagées touchent le rechargement de cartes de transport via internet ou la gestion à domicile des remboursements de frais de santé à partir de la carte Vitale. “Les particuliers comme les entreprises utilisent de plus en plus de cartes à puces.Cyber Comm a vocation à devenir le moyen privilégié de gestion de ces cartes depuis l’ordinateur et internet “, note Jean-Marc Bornet.Mais peu de partenariats ont été signés, et le seul service opérationnel est la consultation des trois dernières transactions réalisées avec une carte bancaire. Côté prix et distribution, Cyber Comm vient de conclure un accord avec Xiring. Objectif : commercialiser dès cet hiver des lecteurs à 38 euros. Seul hic : ces nouveaux boîtiers ne seront pas reliés à l’ordinateur de l’internaute, et la man?”uvre se compliquera. Introduire sa carte bancaire dans le lecteur et taper son code ne suffiront pas. Le client devra saisir sur le boîtier une série de chiffres fournie par le marchand. Après authentification du porteur de la carte par simple lecture de la puce, le boîtier affichera un autre numéro à saisir sur le site web pour valider le paiement.

Des commerçants sceptiques

Du côté des commerçants, le scepticisme est de mise. Parmi la cinquantaine qui aurait adopté la solution Cyber Comm, les déçus sont légion : “ Les transactions effectuées chaque mois à partir de Cyber Comm se comptent sur les doigts des deux mains, affirme le patron d’un grand site. Mais nous avons noté que les possesseurs de boîtiers consomment un peu plus que les autres et reviennent plus souvent.“Le segment de l’e-commerce interentreprises a également été un moment pressenti comme bouée de sauvetage pour Cyber Comm. En théorie, c’était la solution idéale pour les places de marché. “ Mais en réalité, les volumes ne sont pas assez importants“, explique Jean-Marc Bornet. Et peu d’entreprises paient par carte bancaire, le mode de règlement le plus répandu étant le chèque ou le virement sur facture.Dernier accroc aux plans de Cyber Comm, l’arrivée de Fin Read, un standard européen de paiement sécurisé. Ce consortium, qui regroupe Europay International (Master Card), Visa, le Groupement des cartes bancaires ” CB ” et des organismes néerlandais, belge et allemand, développe des lecteurs basés sur le langage Java, ce qui les rend fonctionnels sur la plupart des environnements informatiques. “ Fin Read, c’est Cyber Comm à l’état de norme “, explique Jean-Marc Bornet, qui rappelle que son groupe a été moteur dans la mise en place de Fin Read. Seul souci : les lecteurs de ce consortium, supposés apparaître dans deux ou trois ans, ne seront pas compatibles avec Cyber Comm. Mais certains Cassandre prédisent déjà que d’ici là, Cyber Comm ne sera plus qu’un vague souvenir.

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Alain Steinmann