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La Wii U, « c’est comme la bicyclette »

Anne-Marie Baufine-Ducrocq, directrice marketing de Nintendo France, revient sur l’E3 et les défis qui attendent le constructeur japonais en fin d’année.

Deux semaines  après la clôture de l’E3 édition 2012, nous avons eu l’occasion de discuter avec Anne-Marie Baufine-Ducrocq, qui fait un point sur ce qu’on sait de la Wii, sur ce qui marquera son arrivée et sur le chemin qui reste encore à parcourir à la firme de Kyoto. Interview fleuve.

01net : comment résumeriez-vous les informations que l’on connaît sur la Wii U ?
Anne-Marie Baufine-Ducrocq : elle sortira fin 2012, le prix n’est pas encore défini. Les jeux qui ont été présentés pendant la conférence E3 arriveront au lancement ou dans la fenêtre de lancement : Pikmin 3, New Super Mario Bros U, Zombi U, Batman Arkham City Armored Reloaded, SiNG, etc.

Comment allez-vous faire pour vendre le concept central de la Wii U, qui évoque de loin une tablette, mais propose en réalité une expérience très différente ?
Il va falloir expliquer qu’il y a deux expériences différentes, une pour les personnes avec les manettes Wii et une autre pour les personnes avec les manettes Wii U GamePad [la mablette, NDLR]. Nous avons encore beaucoup de travail sur ce point. C’est notre objectif maintenant.
Je crois que la Wii U c’est comme la bicyclette, on est terrorisé au début, votre enfant en a peur et se demande comment faire, mais le jour où vous le mettez dessus, paf !, c’est instinctif. Je pense que nous avons maintenant un travail de communication à faire, pour expliquer qu’il s’agit d’un divertissement amusant et original. Pour revenir à votre considération sur l’économie, je suis persuadée que si la proposition du produit est intéressante, les gens viendront.

D’un jeu à l’autre, il n’y a d’ailleurs jamais la même combinaison entre le nombre de manettes Wii et Wii U. A quoi va bien pouvoir ressembler le pack Wii U ? Tout sera compris ou il faut s’attendre à une console en kit, avec des accessoires à acheter à côté ?
Il y aura de quoi jouer. Le principe de base pour Nintendo, depuis toujours, c’est que lorsque vous achetez une console, vous pouvez jouer tout de suite, en plug & play. Je ne connais pas encore la forme définitive du bundle, mais on peut imaginer qu’une fois la Wii U achetée, on pourra la brancher et se mettre à jouer. Par ailleurs, beaucoup d’accessoires sont des accessoires Wii, donc ils existent déjà. Un grand nombre de foyers en sont équipés. La bonne nouvelle, c’est ainsi qu’ils n’auront pas à les jeter, mais pourront les réutiliser sur Wii U.

S’il fallait résumer le concept de la Wii U en deux mots ?
Gameplay asymétrique et nouvelle manière de se connecter, quand on joue à plusieurs avec des personnes en ligne ou chez soi.

Quelle définition donnez-vous du gameplay asymétrique ?
On parle de gameplay asymétrique quand deux personnes jouent ensemble mais que chacun dispose d’une information différente. Vu qu’ils n’ont pas la même information, le jeu devient beaucoup plus drôle !

01net : pas mal. A la rédaction, nous avons eu besoin de 7 000 signes. Pendant la conférence Nintendo, on a pu voir des représentants d’Ubisoft, ce qui est habituel, de Warner Games, ce qui était déjà plus étonnant, et surtout, en creux, très peu de soutien des autres éditeurs tiers. Il y a de quoi être inquiet.
Anne-Marie Baufine-Ducrocq : l’objectif de notre conférence, c’était surtout de bien expliquer la Wii U, ce que nous n’avons pas très bien réussi à faire l’an dernier. C’est pourquoi nous avons tenu deux conférences, une première pour expliquer les nouveautés, la seconde pour présenter les jeux de lancement. On s’est concentré sur une période qui est celle du lancement.

Mais quels sont les arguments de Nintendo aujourd’hui pour faire venir les éditeurs tiers sur sa console ?
L’argument est toujours le même : ce qui plaît à un développeur, c’est de se faire plaisir. La Wii U propose justement de faire marcher son imagination autrement. Elle a plein de points communs avec ce qui existe déjà [la Xbox 360, NDLR] pour que les développeurs puissent partir de quelque chose qu’il connaissent. Mais en même temps elle propose quelque chose de nouveau et il faut laisser le temps à ces derniers de laisser aller leur imagination et imaginer toutes ses potentialités. Ca ne se fait pas en claquant des doigts.

La 3DS s’est fait très discrète cette année… Elle était où ?
Elle était là ! Sur certaines hôtesses. Mais elle n’était pas sur les bornes de démonstration. C’est un choix très conscient : vu la nouvelle console que nous avions à présenter, nous avons voulu lui donner le champ libre. Comme vous l’avez dit, il y a beaucoup de choses à expliquer. Après, cela ne veut absolument pas dire que Nintendo se désintéresse de la 3DS. Il y a eu de belles annonces sur le line-up, avec New Super Mario Bros 2 et d’autres titres.

L’an dernier, vous nous disiez qu’un déclic allait se produire dans les ventes de 3DS et, de fait, même quand personne n’y croyait, elles se sont envolées à Noël. Mais comment vous allez pouvoir continuer à la soutenir en même temps que la Wii U ?
Je crois qu’il faut se méfier du prisme de ce salon : on a des gens qui cherchent une 3DS à Noël mais qui n’achèteront pas de Wii U, et inversement. Il faut prendre le problème à l’envers et se demander qui veut quoi ?

Les joueurs occasionnels sont les premiers à couper leur budget jeu vidéo dans un contexte de doute économique. Compte tenu du climat actuel, Nintendo compte-t-il se recentrer sur les joueurs gamers, ceux qui s’accrochent à leur passion quelle que soit la météo sociale ?
Sacrée question ! Je pense que si une proposition de loisir est de qualité, quelle qu’elle soit, jeu vidéo, cinéma, etc., elle fera toujours envie et donnera l’occasion de s’évader.

01net : le fait que Microsoft et Sony n’aient pas annoncé officiellement de console, dans la perspective de votre communication, ce doit plutôt être, sinon un soulagement, au moins une bonne nouvelle, non ?
Anne-Marie Baufine-Ducrocq : cela ne change pas vraiment le message que l’on doit livrer. Le message que l’on doit donner, on devra le faire passer quelle que soit la situation. Cela ne change pas ce que l’on propose.

D’ailleurs, cela fait-il encore sens de comparer Nintendo, qui vient du jouet et se spécialise dans la révolution d’usage, à des acteurs plus technophiles comme Microsoft ou Sony ?
Je pense que la réponse est dans la question. Nintendo n’a pas changé, son ADN, c’est le jeu, le jouet, la passion. La technologie change les moyens que l’on met en œuvre, mais l’objectif premier reste le même, réunir les gens et les divertir. On a des développeurs qui ont une imagination qui permet de créer ce plaisir de jouer ensemble, ou seul dans le cas de jeu d’aventure. Et je pense que cela ne changera pas dans 4 ans, dans 5 ans, dans 10, dans 20, dans 40 ou dans 100. Il y a un savoir-faire qui est spécifique, un ADN propre à Nintendo.

Nintendo a accusé des pertes historiques, ce n’était pas la première fois de son histoire contrairement à ce qui a pu être écrit, mais tout de même la première fois depuis la fin des années 1970. Comment expliquez-vous ces résultats dans le rouge ?
Deux choses. D’une part, un repositionnement tarifaire de la 3DS à l’été dernier, qui a eu de grosses conséquences financières pour la société. Monsieur Iwata [le président de Nintendo, NDLR] a expliqué qu’il avait préféré la vision à long terme plutôt que la rentabilité immédiate. Et d’autre part, il y a à la fois les coûts de développement des jeux 3DS et les coûts de développement des jeux Wii U, plus des raisons extérieures, les taux de change. Mais cela ne change rien aux bases de la solidité de la société. Le savoir-faire est toujours là.

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William Audureau