Passer au contenu

La configuration logicielle s’attaque au contenu web

Les outils de gestion de configuration logicielle évoluent vers l’unification des environnements et la gestion de contenu web. Mais, les éditeurs conservent des approches différentes.

“Surveillez vos sources !” L’injonction à laquelle répondent historiquement les outils de gestion de configuration logicielle (GCL) craque dans son corset trop étroit. Au départ simples outils de contrôle de version du code source d’un logiciel, ils créent et commandent aujourd’hui la totalité du développement et de l’environnement de production. Ces dernières années, l’offre s’est considérablement complexifiée, regroupant des fonctions de gestion des processus, de suivi des changements, de gestion des exigences, ou encore la prise en charge d’équipes de développement éclatées. Aujourd’hui, la bataille entre les ténors de ce marché se situe sur deux fronts : l’unification des environnements de développement et la gestion conjointe du code et du contenu web.

Lassés de jongler entre grands systèmes et Unix

Le marché des outils de gestion de configuration s’agrège autour de cinq acteurs. Ainsi Rational, Merant, Computer Associates, Serena et Telelogic bataillent-ils pour prendre des parts d’un marché en croissance globale de plus de 22 %, selon une étude d’IDC datant de la mi-2001. Le premier d’entre eux, Rational, s’en octroie à lui seul 32 % et ne compte pas s’arrêter là : “La configuration logicielle représente un bon tiers de notre chiffre d’affaires, estime Nasser Kettani, directeur marketing France. Et son importance dans l’exercice fiscal en cours sera encore supérieure.”Selon Herb Gepner, analyste au Gartner, la tendance est à l’unification des environnements grands systèmes et Unix/Windows : “Les outils de gestion de la configuration logicielle évoluent vers une interface unique, concentrant les activités de développement. Qu’il s’agisse des plates-formes, des outils ou des environnements cibles.” La réalité des usages lui donne raison, puisque cette unification s’avère cruciale ?” surtout chez les grands comptes, lassés de jongler entre des développements sur Unix, Windows et grands systèmes. Chez Computer Associates, on travaille activement à tirer parti de la popularité d’Endevor et de Harvest (deux produits issus du rachat de Platinum en 1999) pour mieux s’inscrire dans cette tendance. “Endevor est assez connu dans le monde grands systèmes et Harvest en est le pendant pour les plates-formes Unix, assure Jean-Luc Senior, de Computer Associates. Ce sont deux outils séparés, mais une couche de synchronisation est en cours d’élaboration.” Le résultat aura pour nom Enterprise CCM. Il comprendra notamment une interface unique qui rassemblera Endevor et Harvest.Serena Software, autre acteur historique du monde grands systèmes, adopte une démarche semblable. Il déclare même avoir terminé la fusion des environnements centralisés et ouverts dans son produit. Sa prospection en France se tourne exclusivement vers les trois cent cinquante grands comptes qu’il a identifiés et positionne Computer Associates comme son principal concurrent sur ce type de clients. “Nous sommes l’antithèse exacte de Computer Associates, insiste Catherine Lecourt, responsable de la filiale française. Ils sont gros, nous sommes petits. Ils ont beaucoup de produits dans de nombreux domaines différents, et nous sommes des spécialistes de la gestion de la configuration logicielle. En revanche, nous avons l’avantage de pouvoir gérer de manière uniforme et centralisée les environnements grands systèmes, Unix et NT.”

Intégrer la gestion du code et du contenu web

Après avoir un temps négligé le monde grands systèmes, Merant, Telelogic et Rational proposent désormais tous des solutions plus ou moins intégrées avec leur offre de base. Le premier a annoncé en juillet dernier la disponibilité de PVCS Dimensions sur OS/390, avec traitement unique des environnements grands systèmes et Unix/Windows. Telelogic a fait de même avec CM Synergy Enterprise Server Gateway. Enfin, Rational s’est directement associé à IBM pour porter son outil Clearcase sur l’ensemble des plates-formes du constructeur. En échange, Big Blue prévoit l’arrêt de Team Connection pour assurer la migration de ses clients vers l’offre Rational. Ainsi, Clearcase prend en compte Linux sur S/390 depuis novembre dernier. Et la disponibilité sur les zSeries est déjà prévue, bien que la date soit encore indéterminée.Outre ce regain d’intérêt pour les grands systèmes, ce sont surtout les plates-formes Unix/Windows qui suscitent les convoitises des éditeurs. Tous lorgnent en effet l’eldorado internet, et particulièrement celui de la gestion de contenu web. Selon eux, la mise en ligne du contenu répond aux mêmes principes que le développement logiciel proprement dit, notamment pour la gestion des versions. La frontière est d’ailleurs de plus en plus floue entre les deux ?” par exemple, dans le cadre de contenu dynamique ou de solutions de personnalisation. C’est pourquoi la plupart des acteurs de la gestion de configuration logicielle proposent des outils de “gestion intégrée du code et du contenu”. Leurs stratégies vont de l’acquisition ?” comme Merant, qui a racheté la division entreprises de Net Objects en janvier 2001 ?” au partenariat ?” Rational et Vignette en juin de la même année ?”, en passant par le développement d’outils en interne. C’est cette dernière option qui a été choisie par Serena Software.Comment justifier cet appétit soudain pour le contenu web ? Rational le légitime en affirmant qu’il s’agit là d’une évolution nécessaire, demandée par ses clients. En revanche, il n’en fait pas le c?”ur de sa stratégie, qui reste axée sur le développeur. L’éditeur explique d’abord “l’esprit” de son partenariat avec Vignette : “Nous percevons les outils de gestion de contenu web de la même façon que nous percevons des environnements de type Visual Studio”, note Nasser Kettani, de Rational. Puis techniquement : “Nous fournissons le moteur Vignette, qui permet d’éditer des pages, de fabriquer un contenu, puis de le publier. Pour des fonctions plus complexes, comme la personnalisation ou la syndication, nos clients peuvent acheter les produits Vignette tout en continuant d’utiliser Clearcase.”

L’avenir du secteur passera par internet

Serena Software estime, au contraire, devoir maîtriser aussi bien le code que le contenu. Jean-François Castaing, consultant chez l’éditeur, considère qu’un couplage suffit pour la conception graphique ou les animations. En revanche, “l’intégration du code et du contenu web donne la possibilité de définir a priori des règles d’élaboration, de validation, de publication, qui encadrent l’activité de tous les intervenants au cours d’un projet”, poursuit-il. A l’arrivée, ce nouveau marché reste très incertain, et il est difficile de prédire quel type d’acteurs y sera le plus pertinent. “Les personnes qui font du développement d’applications internet émanent de milieux très divers, analyse Richard Heiman, spécialiste de la GCL chez IDC. Il y a des profils technologiques, mais aussi des graphistes, des gens du marketing, etc. Et les éditeurs qui vendent des outils de gestion de configuration des applications web proviennent également d’horizons très différents, comme la GCL pure, la gestion de documents ou les outils de développement web.” Mais l’attachement des éditeurs de GCL montre que, d’une manière ou d’une autre, l’avenir de leur secteur passera par internet. On est loin du simple suivi des codes sources.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Philippe Billard