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Interview : Hasselblad explique son partenariat photo avec Sony

Une des surprises de cette fin d’année 2012 aura été le partenariat de Sony, grand nom de l’électronique avec Hasselblad, marque mythique de la photo. Un partenariat dont le premier fruit, le Lunar, ne fait pas vraiment l’unanimité.

Hasseblad Lunar
Hasseblad Lunar – Hasseblad Lunar

Hasselblad, ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant c’est une des marques mythiques de la photographie, notamment connue pour avoir fourni l’équipe d’Apollo 11 et immortalisé non seulement les images des premiers hommes sur la Lune mais aussi la première image de la Terre. Après ces voyages dans l’espace et avoir ravi de nombreux passionnés pendant des décennies, les appareils de la marque suédoise se sont finalement cantonnés aux studios professionnels, les seuls utilisateurs à même de pouvoir se payer ces boîtiers et optiques moyens formats dont le premier ticket d’entrée se situe aux alentours de 12 000 euros… hors taxes. Aussi quelle ne fut pas la surprise de voir un représentant de Sony sur scène lors de l’ouverture de la conférence de presse d’Hasselblad à la Photokina de Cologne pour annoncer un partenariat entre les deux marques. Et le chef d’Hasselblad de présenter dans la foulée le Lunar, un hybride basé sur le NEX 7 mais transformé en objet de luxe par ses équipes. Et quand on dit luxe, le prix peut faire frémir : la version de base est à 5 000 euros (contre 1 350 euros pour un NEX 7) et les options de personnalisation sont sans limites.

Accusée dans certains journaux de se dévoyer dans les appareils bling-bling pour milliardaires, vilipendée pour ce qui semble être du rebranding sauvage en oubliant d’innover sur le plan de la photo, la marque suédoise fait l’objet de nombreuses critiques et de spéculations depuis la conférence de presse. Plutôt que d’intenter un procès d’opinion à la marque, nous avons préféré aller directement poser nos questions à Peter Stieg-Nielsen, chef de produit chez Hasselblad, et essayer de comprendre l’objectif d’une marque dont le nom fait attendre plus qu’un simple maquillage de boîtier…

C'est sur le partenariat avec Sony que c'est ouverte la conférence Hasselblad lors de la Photokina 2012.
C’est sur le partenariat avec Sony que c’est ouverte la conférence Hasselblad lors de la Photokina 2012. – C’est sur le partenariat avec Sony que c’est ouverte la conférence Hasselblad lors de la Photokina 2012.

01net : pourquoi avoir fait appel à Sony pour votre hybride ?
Peter Stieg-Nielsen :
tout d’abord il y a deux points à éclaircir pour répondre à votre question. Primo, il ne s’agit pas seulement d’un hybride mais bel et bien d’un partenariat qui va nous amener dans les prochains mois, voire prochaines années, à proposer d’autres appareils (compacts, reflex) en partenariat avec Sony avec une vraie coopération entre les deux entreprises.
Secundo, il faut savoir qu’Hasselblad a toujours fait appel à différentes entreprises partenaires au cours de son histoire. Nos premiers boîtiers étaient équipés d’optiques Kodak, puis nous sommes passés à Zeiss avec le succès que l’on connaît. Dans les années 90, nous avons quitté Zeiss – qui ne nous laissait que peu de marges de manœuvre dans le développement des optiques – pour Fujinon, un partenaire de qualité qui continue de nous appuyer dans le développement de nos optiques actuelles et qui nous a laissé de l’espace pour développer nos propres savoir-faire. Il était donc naturel pour Hasselblad, qui est une petite structure, de s’appuyer sur un partenaire industriel de plus grande dimension.
Dans notre désir d’ouverture vers un marché plus large, moins professionnel mais toujours exigeant, nous avons bien sûr parlé avec Fujifilm avec lequel nous avions déjà développé le X-Pan dans les années 2000 de même que nombre d’autres entreprises. Pour différentes raisons, entre autres de timing, nous nous sommes tournés vers Sony, une marque à l’image moderne et qui maîtrise un grand nombre de technologies et notamment celle des capteurs d’image.

D’aucuns vous reprochent votre manque d’innovation et d’avoir simplement rebadgé un Sony NEX 7 avec une poignée de luxe, que répondez-vous à cela ?
Certes, nous n’avons pas apporté, pour l’heure, d’innovations technologiques dans le Lunar. Mais notre modification offre non seulement un design complètement original, mais aussi l’inclusion de matériaux nobles dans un appareil photo, qui est toujours plus qu’un outil, plus qu’un objet, mais un compagnon. Ensuite, cette nouvelle poignée offre une bien meilleure préhension que le grip Sony et permet ainsi à l’appareil d’être plus à même de recevoir des optiques plus lourdes et donc de meilleure qualité. Et nous sommes l’un des rares fabricants d’appareils photo à offrir un tel degré de personnalisation.

 

Peter Stieg-Larsen, chef de produits chez Hasselblad.
Peter Stieg-Larsen, chef de produits chez Hasselblad. – Peter Stieg-Larsen, chef de produits chez Hasselblad.

Quid des innovations donc ?
Pour l’heure, nous en sommes au début du partenariat, et le Lunar est une annonce, un appareil volontairement provocateur. Mais rappelez-vous l’aspect chromé et luxueux de la série 500. Nous étions déjà provocateurs dans les années 50, nous avions juste oublié ! Plus sérieusement, nous travaillons actuellement sur deux axes majeurs d’amélioration qui sont notre cœur de métier : les optiques et le traitement d’image.
Nous travaillons non seulement sur de nouvelles optiques que nous produirons avec un partenaire, mais nous sommes en train de caractériser les optiques existantes du parc Sony afin d’apporter nos technologies d’amélioration logicielles au travers de plug-ins pour Phocus (le logiciel propriétaire d’Hasselblad) et Adobe Lightroom. Notre grande expérience dans le traitement des défauts optiques devrait nous permettre d’améliorer largement l’existant en attendant que nous puissions proposer nos propres optiques qui seront d’ailleurs 100 % compatibles avec les appareils Sony. Je tiens à ajouter que les corrections logicielles seront ouvertes et que les détenteurs de NEX 7 profiteront librement de nos améliorations.

 

Dans son écrin, le Lunar s'affiche vraiment comme un produit de luxe.
Dans son écrin, le Lunar s’affiche vraiment comme un produit de luxe. – Dans son écrin, le Lunar s’affiche vraiment comme un produit de luxe.

Ensuite, vient notre savoir-faire dans le traitement des couleurs, un domaine dans lequel je pense que nous sommes la référence, notamment pour la perfection de nos tons chair. Nous sommes leader des appareils photo de studio professionnels et ce n’est pas le fruit du hasard. C’est donc sur ce point que nous devrions faire la différence, que nous pourrons appliquer notre patte. Mais cela demande que nous passions un autre palier de confiance avec Sony et que notre partenaire nous fournisse l’ensemble des spécifications de ses fichiers RAW afin que nous puissions récupérer les informations à la source. Cela nous permettrait de caractériser le capteur et de définir des profils de couleurs parfaits. Mais pour cela, il faut que le partenariat mûrisse car nous avons bien conscience que ce genre d’information est stratégique puisqu’ainsi Sony nous dévoilerait le fonctionnement exact de son capteur. Cela demandera du temps, de la confiance mais je suis sûr que nous allons réussir à nous entendre. Et alors vous verrez qu’Hasselblad aura réussi à transformer le NEX 7.

Comptez-vous aller plus loin dans la conception des boîtiers eux-mêmes ?
Oui et ce, en partenariat avec Sony. Nous y travaillons déjà mais je ne peux rien vous dire de plus pour le moment !

Avec un Lunar doté de poignées luxueuses et dont le premier prix tourne autour de 5 000 euros le boîtier de base, nombre de critiques, dont 01net, ont eu l’impression que vous ne ciblez que les milliardaires !
Je comprends ces réactions et regrette que nous ayons pu vous laissez croire cela. Oui, le Lunar est un appareil cher. Oui, il ne cible pas le très grand public mais ce n’est qu’une étape et c’était surtout l’occasion de marquer le coup.
Certes, nous ne proposerons pas d’appareils de grandes séries. Ce n’est pas notre positionnement, ce n’est pas dans notre culture. Nous continuerons de proposer des appareils personnalisables avec des matériaux nobles afin que les plus fortunés ou les plus passionnés puissent s’offrir l’objet de leur rêve. Et oui, il faut le dire, se distinguer. Mais cela ne veut pas dire que nous abandonnons les photographes, loin de là ! Nous sommes entièrement tournés vers l’innovation et le Lunar était l’occasion de marquer les esprits. Contrairement à d’autres marques, nous avons toujours cherché à faire de nouveaux boîtiers. L’évolution de nos partenaires et notre histoire en sont la preuve. Le partenariat avec Sony est quelque chose de sérieux qui doit nous mener à quelque chose de plus grand et nous travaillons déjà à la prochaine génération d’appareils.
Et ce que je peux vous dire c’est qu’on va se reparler dès la première moitié de 2013 !

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Adrian Branco