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Flip : succès rapide et fin brutale

Problème de drone, panne d’innovation, concurrence accrue : GoPro fait face à un mur de difficultés. Et doit vite se réinventer. 

Et de trois : l’annonce de la suppression de 270 postes chez GoPro est le troisième plan de licenciement en moins de 18 mois chez le concepteur de la première caméra d’action. Géant dans son domaine, la très médiatique entreprise californienne s’est rapidement fait un nom, la marque GoPro définissant le genre même des caméras d’action.

Profitant d’une marque tellement puissante que la concurrence est longtemps restée inaudible, la société fondée en 2002 par Nick Woodman a commencé à tanguer en 2015. Petite analyse des raisons de la descente aux enfers de l’une des pépites les plus cools de la Silicon Valley.

Raison 1 : mauvais Karma

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GoPro avait annoncé l’arrivée de son drone un an avant sa commercialisation effective en octobre 2016. Son rappel, causé par un problème de batteries, a fait du tort aux finances et a écorné l’image de la marque. Et les investissements auxquels l’entreprise a dû consentir pour passer de développeur de caméras embarquées à celui de concepteur d’engin volant ont été conséquents. Refusant d’acheter une marque déjà établie, GoPro est parti de zéro et a donc dû acquérir le savoir-faire par elle-même. Mais pendant que GoPro apprenait, le leader du segment DJI continuait de progresser : il a allègrement enfoncé le Karma avec son Mavic Pro

Raison 2 : marché de niche arrivé à maturité

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A moins d’avoir des besoins spécifiques, vous pouvez tout à fait vous satisfaire d’une Hero 4 Silver/Black, voire même d’une Hero 4 Session tant la qualité, pour des activités en extérieur, est suffisante pour le commun des mortels. Le taux de renouvellement des caméras d’action s’est donc bien ralenti. D’autant plus que la chaîne 4K est encore loin d’avoir supplanté la chaîne Full HD. Le marché est mature, les caméras concurrentes font parfois aussi bien pour moins cher, il est difficile de continuer à faire du gras sur ce marché.

Raison 3 : l’effet caméscope et la faiblesse de la vidéo

Plus grand monde n’achète de caméscopes : les volumes se sont effondrés et mis à part Sony, qui a toujours été leader et qui continue de répondre à certains besoins spécifiques, la plupart des marques se sont retirées du segment. Il faut dire que pour vraiment tirer parti de la vidéo, il faut prendre le temps/la peine de monter les séquences. Cette tâche, longue et fastidieuse pour le grand public, a toujours été le talon d’Achille de la vidéo. Or, si les GoPro ont parfaitement répondu aux besoin des sportifs qui n’avaient pas les moyens de louer d’équipes vidéo, le commun des mortels préfère la photographie ou les vidéos sur vif capturées au smartphone.

Raison 4 : une innovation en panne

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La Hero 5 est une très bonne caméra d’action, profitant de nombreux raffinements. Le problème , c’est que malgré son prix élevé par rapport à la concurrence, elle n’apporte pas grand-chose du point de vue purement technique. Pas de 6K ni de 8K, pas de débits ahurissants, pas de système de montage automatique, etc. Les évolutions logicielles et ergonomiques n’ont pas été suffisantes pour endiguer la concurrence chinoise – on pense à Yi Technology par exemple.

Si GoPro a amélioré ses logiciels – déclenchement vocal, gestion sonore, etc. – et a lancé un service de stockage dans le cloud, la sauce n’a pas encore pris (et les débits limités en upload des connexions xDSL sont de vrais facteurs limitants pour tirer pleinement partie du cloud. )

Raison 5 : GoPro ne développe pas ses composants

Justin Solomon | CNBC

Un analyste confiait à CNBC que ce qui a permis à Gopro de briller: « intégrer ces composants dans un produit attractif (…) pour un marché de niche qui n’existait pas avant ». Le hic, c’est qu’une fois la sauce découverte, la valeur ajoutée de GoPro s’est effondrée, la concurrence chinoise ayant copié la recette en deux temps trois mouvements.

Or, GoPro n’est pas aux commandes de l’innovation puisque l’entreprise assemble des composants qu’elle ne conçoit ni ne produit. Les capteurs viennent de Sony (ou de On Semiconductors pour certains vieux produits d’entrée de gamme), les processeurs de chez Texas Instrument, les chips Wi-Fi de chez Qualcomm, les puces vidéo de chez Ambarella, etc. Selon différentes sources, GoPro a une certaine maîtrise de ses optiques, mais l’entreprise n’est en aucun cas capable de la construire – elle n’a pas d’usine en propre.

Lors de la Photokina de 2014, un responsable chinois de AEE (commercialisé en France sous le nom de PNJ Cam) nous prophétisait d’ailleurs qu’Ambarella, leader des puces de compression vidéo à basse énergie, allait raccourcir d’exclusivité que GoPro avait sur ses produits pour répondre à la demande des industriels chinois. L’histoire a validé cette hypothèse.

Outre l’optique, GoPro est aussi très fort côté logiciel, qu’il soit embarqué ou sur l’ordinateur – Quik est un modèle de simplicité. Mais manque de chance, c’est sans doute la chose la plus facile à copier…

Est-ce à dire que le soldat GoPro a un pied dans la tombe ? Pas encore. Si sa dette est importante, son image de marque est très puissante et elle a sans aucun doute des cartes à jouer dans les domaines de la vidéo, du sport et des médias. Mais il va falloir vite réenchanter la caméra d’action ou trouver des relais pour continuer d’avancer. Sous peine de devenir le Flip des années 2010…

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Adrian BRANCO