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Faut-il interdire les forfaits mobiles avec data illimitée en France ?

Bannir les formules trop généreuses des opérateurs, c’est l’une des nombreuses pistes des sénateurs pour réduire l’impact du numérique sur l’environnement. Une proposition de loi est attendue à l’automne.

La consommation de données mobiles augmente de près de 30% chaque année. Une croissance qui contribue à l’émission des gaz à effets de serre et donc au réchauffement climatique. Alors, nos sénateurs envisagent très sérieusement de prendre des mesures radicales pour éviter que les Français continuent d’avaler sans compter de la data mobile.

Payer la data suivant le volume consommé

La Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat propose tout simplement d’interdire les forfaits mobiles avec data illimitée. Elle veut aussi « rendre obligatoire une tarification proportionnelle au volume de données du forfait ». En clair, il s’agit d’indexer le prix des forfaits sur la quantité d’Internet mobile consommée. De faire, en quelque sorte, payer aux abonnés le juste prix de la data. Une petite révolution en perspective, alors que les opérateurs ont bradé les tarifs pour attirer les clients ces dernières années sur un marché très concurrentiel.

L’Arcep et les opérateurs sont contre

L’idée a émergé depuis quelques mois, au point que le président de l’Arcep Sébastien Soriano s’est déjà exprimé à plusieurs reprises sur le sujet. Jusqu’à maintenant, il a toujours rejeté catégoriquement cette option contraignante. Il préfère miser sur la prise de conscience des utilisateurs. C’est pour cela qu’il milite pour un baromètre vert, une application qui afficherait l’impact environnemental des différents usages du réseau. De cette manière, les gens seraient incités à s’autoréguler.

Free dans le viseur

Les sénateurs ne pourront pas non plus compter sur le soutien des opérateurs. Question de principe. Lors de la présentation de ses vœux à la presse en début d’année, le patron d’Orange Stéphane Richard a clairement exprimé que la sobriété numérique avait pour lui une dimension presque philosophique et relevait d’un choix personnel. Il veut bien inciter ses abonnés à consommer moins, mais pas leur interdire de solliciter les réseaux. Orange n’est d’ailleurs pas le plus concerné. Car c’est Free qui a lancé les forfaits mobiles 4G avec data illimitée en 2017 et il en fait toujours son fond de commerce. Sa formule à 15,99 euros par mois comprend en effet de la 4G illimitée en France pour les abonnés Freebox. Nous l’avons contacté mais il n’a pas souhaité commenter les propositions des sénateurs.

Le numérique pèse de plus en plus dans notre empreinte carbone

Les parlementaires ne se contentent pas de pointer du doigt les forfaits mobiles. Ils ont commandé une étude qui leur permet d’avancer quelques chiffres qui claquent. Aujourd’hui, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre s’élèverait à hauteur de 2% en France. « Si rien n’est fait elle grimpera à 6,7% en 2040. Car les émissions du numérique augmenteront de 60% d’ici 2040 à politique constante », avertit Patrick Chaize, qui préside la mission d’information créée en décembre 2019 sur le numérique et l’environnement. . « La place du numérique est grandissante, le risque est de ne plus pouvoir le maîtriser », a-t-il ajouté.

Supprimer le lancement automatique des vidéos

La mission d’information a donc présenté une feuille de route destinée à faire bouger les choses. Elle devrait déboucher sur une ou deux propositions de loi à l’automne. Campagne de sensibilisation ou accent sur la sobriété numérique à l’école, il y a tout un volet pédagogique pour mieux informer les citoyens français. Mais la manière forte est aussi envisagée. La taxe verte aux frontières européennes sur les terminaux ne manquera pas de faire polémique. Pourtant, elle semble particulièrement judicieuse. La pollution liée à la fabrication du hardware nous est invisible car nous nous contentons de l’importer. Son impact n’en est pas moins majeur là où il est produit. Le taxer reviendrait à internaliser son coût environnemental. Et cela inciterait les consommateurs à se reporter sur des équipements d’occasion ou du reconditionné.

Certaines pistes, enfin, paraissent particulièrement difficiles à appliquer car elles reposeront sur la bonne volonté des GAFAM. Citons la lutte contre l’obsolescence logicielle ou encore une autre taxe contre les gros émetteurs de trafic que sont les plate-formes de streaming. Tous les éditeurs devraient enfin être concernés par l’interdiction du lancement automatique des vidéos ou du scroll infini.

Saluons le gros travail engagé par les sénateurs sur ce sujet crucial et complexe. La difficulté sera de placer le curseur au bon endroit, entre  préservation de la planète et maintien de nos libertés individuelles.

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Amélie CHARNAY