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Fairphone 3/3 : interview de Bas Van Abel, père du smartphone équitable

Produits jetables, ouvriers exploités, environnement sacrifié : l’industrie high-tech cache des réalités peu reluisantes. Rencontre avec Bas Van Abel, un Jedi néerlandais qui combat le côté obscur de l’électronique…

Smartphones, tablettes, PC portables, etc. jamais les produits high-tech n’ont été aussi nombreux et aussi peu chers. Ce progrès indéniable a cependant un coût caché, une addition salée que d’autres payent à notre place. Ces dernières années, de nombreux reportages ont mis en lumière les conditions de travail — déplorables — des ouvriers chinois, le coût humain de l’extraction des matières premières en Afrique, ou encore les pollutions majeures engendrées par notre surconsommation. Mais jusqu’ici le bruit médiatique avait généré plus d’indignations que de solutions.

Au pays des tulipes et des polders, un homme a décidé d’agir. Son idée ? Devenir lui-même fabricant d’électronique. Son arme ? Le Fairphone, un smartphone qui soit le plus écologique et responsable possible. « Cela fait quatre ans que je porte le projet et nous sommes en passe de lancer notre première production ! », s’enthousiaste Bas Van Abel, fier Batave de 35 ans. Grand et mince, l’ingénieur flotte presque dans sa grande marinière et ses yeux portent les stigmates de ceux qui dorment peu. Il faut dire que la pression monte au fur et à mesure que grimpent les souscriptions en ligne.

Quatre ans de travail

Car ici encore, l’équipe de Bas van Abel se démarque des schémas économiques traditionnels en se passant de banque : le projet est financé par les internautes. « Il nous fallait au moins 5.000 souscripteurs pour lancer la production des 20.000 premières unités. » Et le pari a été tenu puisque la totalité des appareils produits étaient déjà réservés – et payés – avant même que la production ne soit lancée. Si ce volume est dérisoire à côté d’un géant comme Samsung qui vend ses terminaux par millions, ce fut un gros défi pour sa petite équipe d’une dizaine de personnes.

Le déclic du projet, Bas l’a eu il y a quatre ans. À l’époque, il travaille pour la Waag Society, un institut dédié à « L’art, aux sciences et à la technologie ». Aux commandes de plusieurs projets pilotes dans les domaines de l’innovation avec le titre de “Directeur Créatif”, Bas côtoyait beaucoup d’ONG. « Avec eux, j’ai découvert les problèmes liés à l’exploitation des mines. Ils cherchaient les meilleurs moyens pour sensibiliser le grand public et proposer des alternatives. » Pour Bas, le constat était cruel : à moins de se passer complètement de smartphone dont nombre de composants contiennent des sous-produits de ces mines, il n’en existait aucune. « Face à cette impasse, je me suis dit “Créons nous-mêmes cette alternative !”. Et le projet Fairphone était né ».

Depuis cette époque, Bas et son équipe se sont attelés à un chantier énorme : ils ont sillonné la République Démocratique du Congo à la recherche de mines de cobalt (utilisé dans les batteries) qui ne soient pas sous le contrôle de groupes armés, fouiné en Chine pour trouver un partenaire industriel qui s’engage sur les conditions de travail de ses employés, trouvé un moyen de s’approvisionner en or estampillé commerce équitable – une première dans le domaine de l’électronique, etc.

Le David qui veut faire bouger les goliaths

Le Fairphone se base sur un modèle que produit déjà le partenaire chinois. Si ce n’est que le système — Android — n’est pas verrouillé et que les composants n’auront pas « les mains sales ». Même si l’appareil ne sera pas à 100 % fair. « Pour le moment, c’est impossible », admet Bas, avant d’ajouter que « ce n’est même pas de la mauvaise volonté de la part des industriels puisque les circuits d’approvisionnement n’existent pas. C’est d’ailleurs notre rôle principal : plus que de devenir le prochain Samsung, nous allons défricher le terrain pour que ces progrès profitent à tous ».

Mais pourquoi diable des milliers d’internautes ont-ils accepté de payer 325 € pour s’offrir un hypothétique smartphone conçu par une marque inconnue ? « Plus que le produit en lui-même, c’est la démarche auxquels les gens adhèrent », explique tranquillement Bas Van Abel. « De nombreuses personnes ont conscience des problèmes qui sont engendrés par notre société de consommation. Et s’ils ne sont pas prêts à se passer de tout le confort de la société moderne, ils sont prêts à acheter autrement ».

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Fairphone (1/3) : le smartphone écoresponsable et geek est enfin là !

Fairphone (2/3) : exclusif, le premier déballage français du Fairphone

Le test du Fairphone

Vidéo 01net TV : Fairphone, le smartphone “équitable”

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Adrian Branco